Joué le 20 juin 2020
Cela faisait presque deux jours que le groupe de héros avait atteint la majestueuse Cité des Trois Couronnes. Leona en avait beaucoup parlé sur le chemin, mais rien n'aurait pu préparer les aventuriers au spectacle grandiose qu'offrait la ville, en particulier Akan et Pater qui n'avait jamais connus que les vastes étendues sauvages et les petites bourgades de la région.
Entouré de hautes murailles de pierre, la Cité des Trois Couronnes nichait au creux de petite collines, à deux jours de marche de l'auberge du Lac de Tourbe. Au nord et à l'ouest, se trouvaient les hautes montagnes natales du drakéide tandis qu'une large étendue d'eau s'étendait vers l'est à perte de vue. Leona leur avait appris que ce large plan d'eau était en fait un lac immense qui servait d'accès à la ville pour de nombreux négociants. Elle leur donna également quelques informations sur le paysage politique de la cité. La cité était indépendante et disposait donc de son propre gouvernement. À la tête de la ville se trouvait le roi Kirk Laméhor, héritier d'une des deux grandes familles de la cité. Elle le connaissait peu, celui-ci ayant été nommé par le Conseil quelques mois auparavant, à la mort du vieux roi Harth Courreplaines. Ce qui faisait la particularité de la ville selon Leona, c'était justement le Conseil, un organe politique qui réunissait les trois castes de la ville et donnait son nom à la cité. La première caste, dont était issu le roi, était la caste des Nobles, majoritairement représentée par les familles Laméhor et Courreplaine, dont les ancêtres étaient considérés comme les pères fondateurs de la ville. La seconde regroupait les érudits de la cité que l'on nommait couramment les sages. On y trouvait les mages bien sûr, mais aussi les druides, les bardes et quelques prêtres. Enfin, la dernière faction de la cité était l'Ordre des Chevaliers des Trois Couronnes, qui formait la force armée de la ville. D'après Leona, bien qu'officiellement la cité soit dirigée par un pouvoir unique, l'équilibre des forces en présence était plus complexe et chacune des ces factions avaient en réalité la mainmise sur certains quartiers : les Nobles contrôlaient actuellement le palais ainsi que les secteurs riches. Les Sages s'étaient établis dans le quartier de la grande bibliothèque. Enfin, les chevaliers disposaient de plusieurs garnisons tout le long des murailles. Il était également de notoriété publique que le Temple de la Lumière appartenait au domaine des chevaliers, bien que tous n'en soit pas des disciples au sein de l'ordre.
Dame Leona et Ginger s'étaient rendu à la grande bibliothèque dès leur arrivée dans la ville pour introduire la jeune gnome au sein du Collège du Savoir et n'en était pas sorti depuis deux jours. Le reste du groupe en avait profité pour explorer la ville et s'était donné rendez-vous devant la bibliothèque en début d'après-midi pour y retrouver Ginger.
***
Le soleil était haut dans le ciel lorsque le groupe se retrouva devant les marches de la grande bibliothèque. C'était un grand bâtiment de pierre blanche orné de fleurs et de lierre qui se trouvait à peu près au centre de la cité. Un large perron sur lequel flânait de nombreux passants menait à l'entrée de la bibliothèque, encadré de haute colonnes de pierre. Pater arriva le premier. Il avait passé ces quelques jours dans à observer avec curiosité cette étrange cité si cosmopolite. Il avait d'ailleurs été surpris d'y croiser autant de membre de sa race. Aldéir arriva ensuite. Il avait profité de ce temps libre pour se nettoyer et se reposer. Ginger ne tarda pas à les rejoindre. Elle était fatigué, comme si elle n'avait que très peu dormi au cours des deux derniers jours, mais semblait radieuse.
« Alors, cette bibliothèque ? demanda Pater à la jeune gnome
- Absolument incroyable. Je n'en avais jamais vu une aussi grande. Leona m'a montré la plus grande partie des rayonnages mais nous n'avons pas pu en faire le tour en deux jours !
- Il faudra que j'aille y faire un tour lorsque tout sera fini, répondit Pater envieux.
- Tu as pu découvrir des choses intéressantes sur les gnolls et la prophétie ? demanda Aldéir
- Pas vraiment, Leona m'a surtout initié aux secrets du Collège du Savoir. je n'ai pas exactement eu beaucoup de temps pour chercher. Où est Akan ?
- Il ne devrait pas tarder. On devait tous se retrouver ici en début d'après-midi, répondit Aldéir. »
Moins de cinq minutes plus tard, le drakéide s'approcha du groupe. Il était accompagné d'une jeune naine avec qui il discutait joyeusement. Elle portait des vêtements de voyage assez simple et une peau d'ours lui couvrait les épaules. Ses cheveux roux étaient coiffé en une unique tresse qui lui tombait au creux des reins et s'agitait à chacun de ses pas. Elle était petite, même pour une naine, mais avait un corps massif qui trahissait une condition physique irréprochable. Une patte d'ours ocre était tatoué sur le côté droit de son cou.
« Excuser mon retard, j'ai croisé une vieille connaissance et je n'ai pas vu le temps passé. Je vous présente Gurda, une fière chasseuse du clan du Hêtre.
- Salut ! s'écria Gurda d'une voix forte en souriant de toute ses dents.
- J'ai guidé un voyageur jusqu'au village de son clan il y a quelques années, continua Akan, et c'est là que je l'ai rencontré. Nous avons chassé ensemble à cette occasion. Elle s'est proposé de m'accompagner quand je lui ai expliqué la raison de notre présence ici.
- Un peu mon n'veu ! Les gnolls c'est de la vrai saloperie. Ce sera un plaisir de leur présenter ma hache et mon marteau.
- Si tu as la confiance d'Akan, tu as la mienne, répondit Aldéir en souriant. Enchanté, je suis Aldéir Verteflammes.
- Moi c'est Ginger, je suis la barde du groupe.
- Et moi Pater. Je suis druide.
- Qu'est ce qui t'amène ici ? demanda Ginger, curieuse comme à son habitude
- je voulais partir voir le monde depuis quelques temps et j'ai entendu parler de la course de la cité. Je me suis dit que ça serait un bon point de départ. Je suis pas une grande fan des chevaux quand il s'agit de monter dessus, mais voir une course pourquoi pas.
- Ah oui la course des trois couronnes. Leona m'en a parlé.
- De quoi s'agit-il ? demanda Pater.
- C'est une grande course équestre qui a lieu tous les ans aux abords de la ville, expliqua Ginger. Elle oppose les trois couronnes de la cité, même si en pratique les sages ne présente pas de champions et laisse le cheval sans cavalier galoper librement.
- Et que remporte le vainqueur ? demanda Aldéir
- Ils concourent pour la gloire du titre de champion je crois. La course doit avoir lieu ce soir, il me semble. »
Il ne faisait aucun doute que la course aurait bientôt lieu : une agitation joyeuse régnait dans les rues bondées de la cité et des banderoles colorées décoraient la plupart des bâtiments. Sur les plus grandes, de large broderies représentait un cheval auréolé de trois couronnes : à gauche et à droite, les somptueuse couronnes étaient cousues respectivement de fils d'or et d'argent. La couronne central était une couronne de lierre et de fleurs.
***
Alors que les cinq compagnons bavardaient tranquillement, un cri apeuré se fit entendre suivi d'un son de cloche à main. Bientôt, de grands cris retentirent, enjoignant les curieux à garder leur distance, sans grands succès. Le groupe commença à s'approcher de l'origine du vacarme, se frayant un chemin difficile au milieu de la foule qui s'amassait.
Aldéir prit quelques instants pour observer la scène. Tout le monde convergeait vers un grand bâtiment qui se trouvait à une cinquantaine de mètre de lui. Des chevaliers arrivaient en courant de la garnison centrale de la cité. Un peu en retrait de toute l'agitation, il remarqua deux personnes qui dirigeait vers le grand bâtiment. Il enfila ses yeux de lynx et observa les deux individus avec attention. Le premier était un homme d'une cinquantaine d'année aux cheveux gris et à la barbe finement taillée. Il portait une robe vert pâle et une capeline jaune. Il soutenait de la main gauche une créature comme Aldéir n'en avait jamais vu. On aurait dit un arbrisseau mais dont l'apparence humanoïde rappelait un corps de femme. Sa peau d'écorce était du même brun sombre que celui des vieux chêne. Elle ne portait pas de vêtement, son corps n'étant recouvert par endroit que de fine couche de mousse et de feuilles. Ses long cheveux étaient entièrement composé de feuilles aux couleurs de l'automne. Elle se déplaçait avec difficulté, en s'appuyant sur un long bâton d'une main et en s'agrippant au bras de l'homme qui l'accompagnait de l'autre. Aldéir se fraya un passage jusqu'à ses amis.
Ils avaient réussi à s'avancer jusqu'au bâtiment de pierre qui était à présent gardé par trois chevaliers en armure, repoussant calmement mais fermement les curieux qui tentaient de rentrer. Autour d'eux, les discussions allaient bon train :
« Tu sais ce qui s'est passé ? disait un homme
- Non pas du tout. J'espère que le cheval n'a rien, répondait un second.
- Par les dieux laissez nous entrer dans l'écurie ! criait un troisième à l'attention des gardes qui ne réagirent pas. »
Les conversation baissèrent en intensité jusqu'à s'éteindre complètement lorsque l'étrange créature aperçu par Aldéir fit son entrée dans la foule. Les gens s'écartaient pour laisser passer la femme arbre et l'homme qui l'accompagnait. Aldéir observa les visages autour de lui : il y lu du respect pour certain et de la crainte pour d'autre mais n'y décela pas de traces de surprise. Pater ne put retenir un :
« Quel être incroyable. Je n'ai jamais rien vu de tel.
- Moi non plus, opina Aldéir doucement.
- Un Sylvain ? demanda Ginger
- Non, répondit Pater à voix basse. Mais je sens de la magie druidique. »
Alors que celle-ci passait devant le groupe, elle s'arrêta soudainement et se tourna en direction du drakéide.
« Akan ! Akan ! Oh Akan …» répéta la créature en s'approchant de lui. L'homme lui lâcha la main. Tout le monde observait la scène sans un bruit. Elle lâcha son bâton qui tomba à terre dans un bruit sec et tendit les bras en direction du rôdeur. Celui-ci fit un pas et accepta son étreinte. Il remarqua qu'elle pleurait tout en répétant son nom.
« Oh Akan. Akan. je suis désolé. Tellement désolé … »
Alors qu'elle l'étreignait, un profond sentiment de tristesse l'emplissait et les larmes lui vinrent. Il avait l'impression qu'elle partageait avec lui cette terrible affliction. Lorsqu'elle le relâcha, ces sentiments disparurent peu à peu.
«Bonjour. Vous me connaissez ? demanda le rôdeur
- Oui Akan je te connais. Mais toi tu ne me connais pas, répondit-elle sans cesser de le fixer de ses yeux dont s'écoulaient de fines larmes. Je suis Xanaphia.
- Nous sommes nous déjà rencontré ?
- Non jamais. Mais je sais qui tu es. Je ne le sais que trop bien. Oh Akan, je suis tellement désolé, reprit-elle tristement.
- Dame Xanaphia, intervint un chevalier en s'approchant, j'ai une bien triste nouvelle à vous annoncer. Votre apprenti vient d'être retrouvé mort dans l'écurie. Il est possible qu'il ait été assassiné. Je regrette d'avoir à vous apprendre ceci.
- Merci de votre sollicitude. Je souhaiterai voir son corps.
- Bien sûr dame Xanaphia.
- Merci, répondit-elle avant de se tourner de nouveau vers Akan et ses compagnons. pourriez-vous me donner mon bâton ? Akan suis moi s'il te plait. »
Pater s'empressa de ramasser le bâton et de le remettre à l'étrange femme qui le remercia.
« Mes amis peuvent-ils se joindre à nous ? demanda Akan
- Bien sûr. »
Le chevalier les mena à l'intérieur.
***
C'était une écurie de belle taille qui semblait bien entretenue. Le sol était recouvert d'une fine couche de paille, comme la plupart des écuries, mais quelques roseaux parfumés avait aussi été répandu par dessus. Les quelques bêtes que Pater aperçut en passant étaient calme et propres.
Ils avaient passé une dizaines de boxes lorsqu'un molosse au poil blond se mit à aboyer avec virulence sur les nouveaux venus. Il était installé dans un coins et s'était levé en hâte lorsqu'il avait détecté les intrus. Il s'approchait en jappant, les crocs découverts, lorsqu'une voix autoritaire le calma :
«Suffit Valene !»
Le chien mis s'assit sans cesser de toiser les intrus d'un air agressif. L'homme qui avait parlé se présenta alors au groupe :
« Dame Xanaphia, dit-il en s'inclinant avant de se tourner vers les autres. Salutation à vous aussi, continua-t-il d'un ton courtois.
- Bonjour Sir Davos, répondit Xanaphia.
- Je vais prendre le relais. Merci Protecteur.
- Très bien seigneur Davos, répondit le chevalier qui les accompagnait en inclinant la tête avant de se retirer. »
Davos était un beau jeune homme aux cheveux bruns presque roux et, coupé court. Il avait une courte barbe taillé et portait des vêtements confortables mais de qualité. Il prit la tête du groupe et les mena jusqu'au corps, quelques mètres plus loin. Lorsqu'ils passèrent devant Valene, celui-ci les gratifia tous, à l'exception de Xanaphia et de Sir Davos, de longs grognements hargneux. D'un regard, le chevalier le fit taire. Valene retourna ensuite sur le tas de paillasse sur lequel il dormait.
« Nous venons de découvrir le corps, expliqua Davos en marchant. Je crains que sa mort ne soit le fruit de manigances politiques concernant la course.
- Ne tirez pas de conclusion hâtives Sir Davos. Nous ne savons même pas s'il s'agit d'un meurtre, répondit Xanaphia pragmatique. Il reste cependant vrai que la mort de votre palefrenier en cette période de tension est quelque peu suspecte.
- De quelles tensions parlez-vous ? demanda Akan, un peu perdu.
- Vous avez certainement entendu parler de la course de ce soir, répondit Xanaphia. Elle opposera le champion des Nobles Ortan Laméhor à Sir Davos, celui des chevaliers. Comme le veut la tradition, notre cheval ne portera aucun cavalier.
- Notre ? réagit Akan
- Oui. Celui de la caste des Sages que je représente. Cette année, nous avons de plus décidé de fournir le cheval à l'ordre des chevalier, continua-t-elle, afin de leur faire gagner la course. Certains ne voie ce geste d'un bon oeil. Ces tensions sont aussi aggravé par le fait que Sir Davos appartient à l'une des deux grandes famille de la noblesse. Son choix de rejoindre l'Ordre n'a pas non plus fait l'unanimité.
- Je vois, répondit Akan.
- Voici la dépouille d'Yggen, déclara Davos tristement en s'arrêtant. »
Devant eux se trouvait le corps d'un jeune homme qui devait avoir environ vingt-cinq ans. Il était étendu sur le flanc non loin d'un boxe dans lequel se trouvait un magnifique cheval alezan. Au côté d'Yggen, une femme au cheveux auburn était agenouillé et sanglotait doucement. Akan fit mine de s'approcher mais Xanaphia lui posa la main sur le bras :
« Attendez Akan. C'est aux chevaliers qu'il revient d'enquêter sur ce drame. Cependant, bien qu'Yggen ait été mon apprenti, il était surtout le palefrenier de Sir Davos et il avait la charge de s'occuper d'Étoile Filante, le cheval dont je vous parlais, ajouta-t-elle en désignant l'alezan. Par conséquent, ceux-ci seront probablement écarté de l'enquête par le Conseil, tout comme les Sages. Au vu de la situation que je viens de vous exposer, je préfèrerai que les nobles ne soient pas non plus en charge de l'enquête, c'est pourquoi je compte demander au conseil que l'enquête soit mené par quelqu'un d'extérieur à la cité. Quelqu'un de neutre.
- Nous pourrions nous en charger, si c'est ce que vous proposez, répondit Akan.
- Laissez moi en parler au Conseil. En attendant, essayez de ne pas intervenir. »
Davos qui avait suivi l'échange sans rien dire, dit alors :
« J'ai envoyé des chevaliers quérir les représentants des Nobles et des chevaliers. Il devraient arriver d'un instant à l'autre.
- Merci Sir Davos. »
Tout en écoutant la discussion, Aldéir procédait à un examen attentif du corps, de là où il se trouvait. Il n'y avait que peu de sang au sol et il ne distinguait pas de traces de lutte. Les quelques traces de sang qu'il voyait se trouvait à proximité de la bouche d'Yggen qui devait selon lui les avoir craché.
Peu de temps après, deux personnes firent irruption dans l'écurie à quelques minutes d'intervalle. Le premier était un homme d'une quarantaine d'année dont la crinière brune était coiffée vers l'arrière. Il avait un regard sévère couleur acier et son visage buriné arborait un épais bouc. Il était revêtu d'une armure de plate rutilante sur laquelle était accrochée une cape en poils blanc. La seconde était une femme au port altier. Ses cheveux blonds étaient coiffé avec élégance et elle portait une robe d'un bleu profond dont la qualité et le raffinement était indiscutable. Sa tenue était complété par un choix de plusieurs bijoux en or et enchâssés de joyaux.
« Bonjour à vous deux, s'exclama-t-elle, d'une voix cristalline mais qui masquait mal une certaine pédance.»
Elle inclina la tête devant Xanaphia et gratifia le chevalier d'un vague signe de tête. Elle ignora complètement Sir Davos et le reste de l'assistance.
« Dame Sigrid, salua le chevalier avec une révérence. Dame Xanaphia, continua-t-il en s'inclinant un peu moins bas.
- Bonjour, répondit Xanaphia. Voici Dame Sigrid Laméhor et Sir Michael Timber, continua-t-elle pour les aventuriers.
- Voilà qui est problématique, déclara Sir Michael de sa voix grave. Dès que la mort de ce pauvre homme sera rendu publique, toute la cité va penser à une manoeuvre politique contre nous.
- Ne soyez pas ridicule Sir Michael, s'exclama Dame Sigrid. Même si nous n'avons pas beaucoup apprécié votre pseudo-alliance avec les Sages pour la course de cette année, il va de soi que les Nobles n'ont en aucun cas commandité un acte aussi barbare, qui plus est à l'encontre d'un simple palefrenier.
- Avouez que cet assassinat à quelques heures de la course est quand même fort étrange, continua Sir Michael.
- Qui a parlé d'un assassinat ? demanda la femme en prenant un air faussement surpris. Une enquête a-t-elle été réalisée sans que j'en sois mise au courant ?
- Dame Sigrid à raison, opina Xanaphia. Il faut qu'une enquête soit mené pour éclairer les circonstances de ce terrible évènement.
- Bien entendu, approuva le vieux chevalier. Je vais missionner des hommes pour s'en charger !
- Un instant Sir Michael, intervint la noble femme. Vous êtes visiblement trop proche de cette affaire pour pouvoir enquêter. Je pense que les nobles devrait se charger de cette tâche.
- Voilà qui est révoltant ! Cela à toujours été la prérogative des chevalier de l'Ordre des Trois Couronnes que de faire respecter l'ordre et la loi dans les murs de notre belle cité.
- S'il-vous-plaît calmez vous Sir Michael, intervint la vieille Xanaphia. Bien que vous ayez raison, vous devez reconnaître le bon sens de la remarque de Dame Sigrid.
- Alors vous êtes de son côté ? cracha Sir Michael qui commençait à perdre son calme.
- Je ne suis du côté de personne si ce n'est celui de la cité. Et vous aussi, ne l'oubliez pas, répondit-elle tranquillement, calmant quelque peu le vieux chevalier.
- Que proposez vous alors ? demanda-t-il après avoir retrouvé son sang-froid.
- Et il est hors de question que les Sages prennent l'enquête à leur charge. Ils sont tout autant impliqué que les chevaliers et vous le savez très bien, ajouta Dame Sigrid prestement.
- Je suis d'accord. C'est pourquoi je pense que nous devons engager quelqu'un d'extérieur à la cité pour mener à bien ce travail. Quelqu'un de neutre qui pourra apporter un oeil objectif sur cette affaire. Je vous propose de recourir à Akan, ici présent, qui s'est proposé pour ce travail.
- J'entends bien que cet évènement est à la fois tragique et regrettable, mais est-ce pour autant nécessaire de mobiliser des fonds pour une enquête alors que nous avons une course à assurer ce soir même ? fit remarquer Dame Sigrid.
- C'était un des nôtres, tonna Sir Michael d'une voix forte. Justice doit-être faite, course ou pas !
- Très bien, très bien, concéda la Laméhor visiblement pressée de mettre fin à la conversation. Mais il est hors de question que l'on mobilise des forces pour cela. La priorité doit rester la course. Je propose de retarder la course de vingt-quatre heure pour les besoins de l'enquête, mais pas une de plus.
- Je pense que ces termes sont acceptables, approuva Xanaphia.
- Très bien, capitula le vieux chevalier.
- Alors c'est entendu ! conclut Dame Sigrid. Sir Davos, à combien estimez-vous la prime que mérite un tel travail ?
- Six pièces d'or je dirai, ma Dame.
- Très bien. Ça fera donc deux pièces d'or chacun. Sir Michael, faites moi parvenir le laisser-passer dès qu'il sera prêt pour que j'y appose mon sceau. »
Elle sortit deux pièce d'or de sa bourse et les remit à Akan, bientôt imité par Sir Michael. Elle lança un dernier regard en direction du corps et s'en alla après avoir soupiré « Pauvre garçon ».
« Je m'en vais préparer le sauf-conduit, s'exclama Sir Michael. Je vous le ferai parvenir dans l'heure. »
Il sortit à son tour de l'écurie. Xanaphia se tourna vers Akan et lui dit doucement :
« Je n'ai pas d'argent sur moi. Je vous donnerai votre argent plus tard. »
Sir Davos demanda alors à Akan :
« N'étiez-vous pas accompagné d'une dame gnome lorsque vous êtes arrivé ? »
Celui-ci regarda autour de lui et ne la vit pas. Il cherchait une excuse à répondre au chevalier lorsque Xanaphia le pris de vitesse :
« Si si. Je l'ai envoyé me chercher quelques herbes, je commence à fatiguer.
- Je manque à tous mes devoirs ma Dame. Permettez-moi de vous ramener de quoi vous asseoir, s'excusa Davos.
- Nul besoin Sir Davos, aidez-moi plutôt à m'installer dans le coin.
- Bien sûr. »
Celui-ci lui tendit son bras sur lequel elle s'appuya lourdement. Il la mena ensuite dans un coin de la pièce où elle s'assit à même la paille. Ainsi assise, on aurait vraiment dit un arbre tant elle était immobile, les yeux à demi-clos. Ginger apparut alors au côté d'Akan, alors que Davos s'occupait de la vieille elfe.
***
Alors qu'Akan et les trois représentant du conseil discutaient, Ginger décida qu'elle pourrait commencer à jeter un oeil discrètement. Elle commença à incanter un sort d'invisibilité. À peine eut-elle marmonné les premiers mots de sa formule que le chien se dressa sur ses pattes en aboyant et se dirigea vers la gnome. Pater plongea ses yeux dans ceux du molosse et murmura quelques mots de pouvoir en posant sa main droite sur la tête du chien. Celui-ci se calma instantanément puis, après avoir profité de quelques caresses, retourna docilement se coucher. Ginger s'approcha du corps et commença à l'examiner. Son crâne était écrasé au niveau de la tempe, comme s'il avait pris un coup violent avec quelque chose de contondant. Il avait du sang dans la bouche et dans les oreilles. Il portait une dague à la ceinture, non dégainée.
Elle s’approcha du cheval, voulant observer ses sabots à la recherche de sang. Comme si celui-ci avait senti sa présence, il posa ses yeux qui brillaient d’intelligence à l’endroit exact où elle se trouvait. Lorsqu’elle fit un pas supplémentaire, le cheval rua, la faisant reculer prestement. Elle décida de ne pas retenter l’expérience. Elle observa les sabots de l’animal de là où elle se trouvait mais ne distingua aucune trace.
Alors qu’elle s’approchait du corps d’Yggen une seconde fois, elle découvrit un détail qui lui avait échappé. Une petite fiole de verre était brisée à proximité du pied droit de la victime. Elle mit un genou à terre et prit le morceau de verre avec précaution. Elle réalisa que ce qu’elle tenait était un morceau de seringue. La fiole contenait encore une partie de son contenu : un liquide trouble et épais aux senteurs piquantes. Le reste s’était répandu au sol, imbibant la paille. D’après le volume restant dans la seringue et au sol, elle estima que celle-ci n’avait pas été utilisé. Elle entendit alors son nom prononcé par Sir Davos et vit qu’Akan la cherchait du regard. Elle s’approcha doucement de lui, toujours invisible et, lorsque le chevalier se fut suffisamment éloigné, mit fin au sort et réapparut à ses côtés, un sourire innocent sur les lèvres.
« J’ai trouvé des choses intéressantes sur le corps » dit-elle, fière d’elle.
***
Sir Davos revint vers Akan et ses compagnons.
« Vous devez sûrement avoir des questions, dit-il.
- Effectivement, lui répondit Aldéir. Tout d’abord, est-ce vous qui avez découvert le corps ?
- Pas exactement. C’est d’abord Anietta, la jeune amie d’Yggen, qui est entré dans l’écurie et a fait cette macabre découverte. Je suis entré à sa suite.
- Pourquoi vous rendiez vous aux écuries ? continua le rôdeur elfe.
- Je venais inspecter les boxes et m’occuper de mes bêtes, répondit Davos »
Aldéir le jaugea du regard : ses vêtements corroboraient ses propos et il n’avait pas eut le moindre signe d’hésitation.
« Et vous madame ? s’enquit Aldéir en se tournant vers la femme qui pleurait.
- Je … je venais voir Yggen. Nous devions aller voir la course ensemble, répondit-elle en sanglotant.
- Je vois. Vous étiez proche madame … ? demanda Aldéir en l’interrogeant du regard.
- Anietta. Juste Anietta. Oui, c’était mon compagnon.
- Enchanté, rétorqua l’elfe en souriant avant de se tourner à nouveau vers Davos. Quelles sont conséquences selon vous de la mort de votre palefrenier à quelques heures de la course ? Outre l’aspect tragique de l’évènement, considéreriez vous que cela vous soit préjudiciable pour la course ?
- Sans vouloir diminuer le travail d’Yggen, commença Davos visiblement gêné en regardant Anietta, je dois bien avouer que sa mort ne change rien pour la course. Son travail était terminé depuis un moment déjà.
- Merci de votre honnêteté. Je n’ai pu m’empêcher de constater la présence de votre chienne, continua l’elfe.
- Oui Valene.
- Sans votre intervention tout à l’heure, elle se serait sans doute attaquée à nous. Réagit-elle de cette façon avec tous ceux qui pénètrent dans l’écurie ?
- Oui, elle n’est plus toute jeune mais c’est une brave bête. Elle garde les lieux contre tous le monde oui, sauf ceux que je lui ai désigné comme étant de confiance.
- C’est-à-dire ?
- Les lads, les écuyers, certains chevaliers … Il s’agit principalement de mes gens. »
Aldéir échangea alors un regard avec ses compagnons, signifiant qu’il en avait terminé avec ses questions. Après un court instant, Akan reprit la parole.
« Merci de votre coopération Sir Davos. Si nous avons plus de questions, où pourrons nous vous trouver ?
- Je serai chez moi. Il suffit de traverser la petite cour après l’écurie. N’hésitez pas à demander de l’aide à mes gens si vous avez besoin.
- Très bien. Et vous Anietta ?
- Je … je vais rester ici.
- Je comprends votre chagrin madame, intervint Aldéir, mais vous devriez nous laisser travailler. Votre présence risque de nous gêner. Ne pouvez-vous pas vous retirer chez vous ?
- Et bien … c’est que je n’ai nulle part où aller.
- Je vais vous donner de quoi prendre une chambre dans une auberge, répondit Aldéir. Sir Davos, pourriez-vous conduire cette jeune dame dans un établissement convenable ?
- Je peux la faire loger avec mes gens, proposa-t-il confus. Je ne connaissais pas les détail de votre situation madame, sinon vous aurai-je proposé une chambre depuis longtemps.
- C’est entendu alors, conclut Aldéir satisfait.
- Tu n’as pas de famille ? demanda Gurda étonnée.
- Non. J’ai été abandonné à la naissance et n’ai jamais connu mes parents. J’ai grandi dans la rue. Je mendie et je rends des services sur les quais pour survivre.
- Quel genre de service ? lui demanda Akan.
- Des petit travaux. Je charge des marchandises sur les bateaux ou je prépare les étals, ce genre de chose.
- Une dernière question : Yggen avait-il des ennemis ? Des gens qui lui voulaient du mal ou qui l’avait menacé par le passé ?
- Non, pas du tout, répondit-elle doucement. »
Un chevalier entra alors dans l’écurie et tendit un parchemin à Akan.
« Sir Michael m’envoie vous remettre ceci. Voici votre sauf-conduit messire.
- Merci. »
Celui-ci inclina la tête et repartit aussi vite qu’il était arrivé. Le sauf-conduit était un simple parchemin sur lequel on pouvait lire :
« Le Conseil des Trois Couronnes mandate par la présente Akan le drakéide. Celui-ci devra présenter sous vingt-quatre heure des éléments permettant de faire la lumière sur le sort du palefrenier Yggen du domaine de Davos Courreplaine. Pour ce faire, le Conseil lui octroie toute autorité pour mener à bien son enquête. »
En bas de la page se trouvait la date du jour ainsi que trois sceaux représentant chacun une des couronnes aperçues sur les banderoles ornant la ville.
« Si vous n’avez plus de question, je vais me retirer et emmener dame Anietta dans ses quartiers, dit le chevalier.
- Très bien. Merci Sir Davos. »
Celui-ci prit Anietta par la main et l’emmena au fond de l’écurie avant passer la porte qui menait à la cour principale du domaine.
Lorsque le chevalier et la jeune fille eurent quitté la pièce, Akan se tourna vers Ginger.
« Tu as dit avoir trouvé des choses intéressantes ?
- Oui, répondit la gnome avec fierté. Il a prit coup à la tête qui lui a enfoncé le crâne. C'est pour ça qu'il y a peu de sang au sol.
- Ouais j'ai déjà vu ce genre de blessure, intervint Gurda de sa voix bourrue. Un bon coup de marteau sur le crâne quoi. Il a saigné des oreilles et de la bouche aussi ?
- Oui c'est ça, lui répondit Ginger stupéfaite.
- Ça correspond aussi avec ce que j'ai vu, confirma Aldéir.
- Autre chose ? demanda Akan
- Bien sûr. Deux choses. La première, il n'a apparemment pas dégainé son arme. Sa dague est toujours à sa ceinture. Ça veut dire qu'il a été surpris ou qu'il connaissait son assaillant. La seconde, j'ai trouvé une seringue cassé à côté de son pied. Je n'ai pas l'impression qu'elle ait été utilisé.
- Je peux la voir ? demanda Aldéir
- Si tu veux oui. Mais fais attention, à ne pas laisser couler le liquide. »
Elle lui tendit le morceau de seringue avec précaution. Aldéir s'en saisit doucement et porta le liquide à son nez. Il avait assez étudié l'herboristerie durant ses voyages pour reconnaître la plupart des ingrédients de la décoction.
« C'est une mixture à base d'herbe, dit-il. Je ne pense pas que ce soit magique.
- Tu sais ce que c'est ? demanda Akan
- Je ne connais pas ce mélange en particulier. Et pourtant j'ai étudié l'herboristerie. Par contre, je suis presque sûr que c'est un laxatif. Et du genre très puissant. »
Pater s'approcha et sortit une feuille d'if d'une des bourses qu'il portait à sa ceinture. Il la tint entre deux doigts et prononça un mot de pouvoir dans l'ancienne langue des druides. La feuille se désintégra sous l'effet d'une bourrasque invisible, ne laissant qu'une légère fumée rougeâtre qui disparut à son tour après quelques instants.
« Je détecte aussi un poison dans la fiole, ajouta Pater. Aucun doute possible.
- Tu dis que tu l'as trouvé à côté de son pied ? Où exactement ? demanda Aldéir.
- Ici, à environ quinze centimètres du pied droit. »
L'elfe s'était approché et observait le sol avec attention. Il ne voyait aucune trace de lutte où même d'un quelconque passage. De plus, la paille était épaisse au sol : la seringue n'avait pas pu se briser en tombant. Yggen devait avoir marché dessus. Il observa les semelles du mort et remarqua rapidement la présence d'un liquide et de morceau de verre. Il avait vu juste. Il fouilla ensuite le jeune palefrenier. Il trouva une jolie bourse de cuir dans une de ses poches. En l'ouvrant, il découvrit ce qu'il estima être l'équivalent de près de cinquante pièces. Il se releva et fit part de sa découverte à ses camarades.
« C'est pas un peu beaucoup pour un palefrenier ? demanda Gurda avec ironie.
- Un peu oui, répondit Aldéir. Il a été payé pour quelque chose et d'après la somme, je suis presque sûr que ce n'était pas pour s'occuper d'un cheval. Peut-être pour l'empoisonner. Sa blessure à la tête, elle aurait pu être causé par un coup de sabot ?
- Possible, lui répondit Ginger. Mais honnêtement je n'en sais rien.
- Moi c'est toujours à cause de coups de marteaux que j'ai vu ça en tout cas, ajouta Gurda. Après j'imagine qu'un sabot ferré ça peut faire comme un marteau.
- On peut toujours demander au cheval ce qu'il a vu. Si c'est lui qui l'a tué, il devrait pouvoir nous le dire vous ne croyez pas ? intervint Pater en souriant. »
Tous se tournèrent vers lui, étonné. Il s'approcha d'Étoile Filante et leva la main. Le cheval et le druide se fixaient intensément tandis que Pater dessinait d'étrange symbole avec ses doigts.
« Bonjour Étoile Filante
- Bonjour Druide, répondit le cheval. Il hennissait mais Pater comprenait son langage.
- Peux-tu me raconter ce qui est arrivé à Yggen, l'homme mort devant toi ?
- Il est venu mais il était nerveux. J'ai pris peur et je lui ai donné un coup à la tête. Après il est tombé et il ne s'est pas relevé.
- Il était seul ?
- Oui.
- Que veux-tu dire par nerveux ?
- Je ne sais pas. Il était bizarre et j'ai réagi sans réfléchir. Je me sentais en danger. Je suis désolé pour lui, il était gentil avec moi d'habitude. C'est lui qui me donnait à manger et qui me démêlait la crinière quand j'avais couru longtemps dehors.
- Tu penses qu'il agissait sous la contrainte ?
- Je ne sais pas.
- Et après ? Que s'est-il passé après ?
- Rien du tout. Une femme est arrivé et a crié. Et puis un homme. Après, vous êtes venu.
- Merci Étoile Filante. Tu as été d'une grande aide. »
Pater salua le cheval et ferma les yeux qu'il avait maintenu ouvert pendant toute la conversation. Comme si le contact venait d'être coupé, le cheval détourna la tête.
« Alors ? demanda l'elfe
- C'est le cheval qui l'a tué. Yggen est venu seul et semblait nerveux. Étoile Filante a rué et l'a touché à la tête. Anietta et Davos l'ont trouvé après. »
Aldéir se saisit de la seringue en morceau et s'approcha du cheval. Celui-ci plongea ses yeux dans ceux du rôdeur mais ne réagit pas.
« Akan. Akan, s'écria Xanaphia toujours assise dans un coin de l'étable.
- Oui, dame Xanaphia, s'enquit le drakéide en s'approchant d'elle.
- C'est important. Tu comprends n'est-ce pas ?
- Non pas vraiment. Mais je vous en prie, éclairez moi.
- Ah … souffla la femme arbre. C'est parce que tu es jeune. »
Ses yeux s'étaient de nouveau figés comme si son esprit avait quitté son corps. Pris d'une intuition, Akan plongea son regard dans le sien et prononça le mot qu'il abhorrait le plus, dans un souffle :
« Urikach.
- Oui, c'est encore lui. C'est toujours lui. Mais cette fois-ci nous seront prêt. Oui nous serons prêt. Les choses seront différentes. »
Alors qu'elle prononçait cette dernière phrase, ses yeux se voilaient à nouveau. Aldéir s'approcha à son tour et l'interpella :
« Dame Xanaphia. Nous somme venu ici pour vous rencontrer. Nous sommes en chasse d'une bande de gnolls organisés qui ont attaqué un village. Ils étaient sous les ordres d'un tieffelin et …
- Il y a beaucoup de tieffelin dans la cité. La plupart sont aux Enfers.
- Les Enfers ? C'est une auberge ? demanda Akan
- Oui Akan.
- Nous sommes venu vous voir car les attaques des gnolls semblent être liés à une ancienne prophétie. Vous devez sûrement la connaître, il s'agit de la prophétie des quatres éléments et des quatres enfants, continua Aldéir.
- Oh Akan, je suis tellement désolé, s'exclama-t-elle en pleurant doucement à la mention de la prophétie.
- De quoi êtes vous désolé ? lui demanda le drakéide
- Je suis désolé pour ce qui est arrivé aux tiens. Nul ne devrait avoir à endurer cela. Je suis moi aussi orpheline. Mais mon histoire appartient au passé, un très lointain passé. Aujourd'hui, tout est différent. Aujourd'hui on peut le vaincre. Il faut trouver la statue. »
Sa voix commençait à faiblir.
« Dame Xanaphia, quel est le nom de votre famille ? demanda Aldéir, curieux.
- Voilà bien des années que je n'avais pas repensé à ce nom. Il est depuis longtemps oublié, tout comme ceux qui l'ont porté. Je suis la dernière. La dernière Rougeflammes. »
Alors qu'elle évoquait d'ancien souvenir, sa voix se faisait plus faible jusqu'à n'être plus qu'un murmure lorsqu'elle prononça le nom qu'elle avait depuis si longtemps abandonné. Des larmes coulaient de ses yeux et mouillait son étrange visage qui n'avait rien d'elfique. Sans un mot, elle se leva doucement et, à l'aide de son bâton, se dirigea vers la sortie des écuries.
Aldéir avait blêmi.
« Qu'y a-t-il Aldéir ? demanda Akan, inquiet. Tu connais ce nom ?
- Bien sûr que je connais ce nom. C'était une des hautes familles elfique, comme la mienne, répondit-il avant de continuer, comme pour lui-même. Je pensais qu'aucun Rougeflammes n'avait survécu.
- Que s'est-il passé ?
- C'était il y a des lustres. Au moins sept siècles, peut-être plus. Je ne me souviens plus des détails mais je suis sûr d'une chose : il y a eu un grand feu. Des flammes immenses qui ont englouti la demeure familiale et brûlé toute la lignée. Du moins je le pensais.
- Donc une histoire de flammes et d'un enfant survivant, énonça Ginger pensive. Vous voyez où je veux en venir ?
- Je crains que oui, répondit sombrement Akan. Il semblerait que nous ayons trouvé le dernier enfant de la prophétie. Mais pour l'instant, nous devrions nous concentrer sur la tâche qui nous a été confié : nous avons trouvé le coupable du meurtre. Il ne nous reste qu'à rendre compte au conseil.
- Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, intervint Akan. Nous ne savons toujours pas qui a engagé Yggen pour empoisonner le cheval.
- Ce n'est pas ce pour quoi nous avons été engagé.
- Peut-être mais ils nous poserons la question sans le moindre doute.
- On pourra toujours aviser à ce moment là.
- Pourquoi es-tu si réticent à faire la lumière sur cette histoire ? demanda Ginger.
- Je ne suis pas réticent mais prudent. Si on continue de mettre notre nez dans la politique de cette cité, on risque de se faire des ennemis que je préfère ne pas affronter. Vous me suivez ?
- Je comprends ce que tu veux dire mais je maintiens que nous devrions continuer d'enquêter, rétorqua Akan, avec l'assentiment des autres. On pourra toujours décider de garder nos découvertes pour nous.
- Comme vous voulez. Je suggère alors que l'on aille voir Anietta. Elle n'a pas beaucoup parlé et elle pourra peut-être nous en apprendre plus.
- Pourquoi pas oui, répondit Akan. »
***
Le groupe se dirigea vers la cour du domaine de Davos. Il ne leur fallut pas cinq minutes pour rejoindre la chambre accordée à Anietta. Une femme, les bras chargés de draps discutait dans la cour. Akan frappa à la porte sans obtenir de réponse. Il ouvrit la porte et pénétra dans l'appartement avec le reste du groupe.
C'était une petite pièce sobre mais propre dans laquelle se trouvait un lit, une armoire, une petite table et un baque. La fenêtre, qui donnait sur la rue, était ouverte. Pater s'en alla interroger la servante qui était toujours dans la cour.
« Bonjour Madame. Savez-vous où se trouve Anietta, la jeune fille amené par Sir Davos ?
- Bonjour messire. Je n'ai vu personne sortir depuis que j'ai changé les draps. Elle devrait être dans sa chambre.
- Merci. »
Alors que le druide discutait dehors, les rôdeurs et la naine examinait la pièce sans trouver la moindre trace qui leur permettrait de pister Anietta. La rue pavée et animé ne leur offrit rien de plus.
« Elle a dut partir par la fenêtre, conclut Aldéir. Ce n'est pas vraiment le comportement de celui qui n'a rien à se reprocher.
- On peut la suivre ? demanda Ginger
- Je crains que non, lui répondit Akan.
- On pourrait essayer les quais du coup, proposa Gurda.
- De toute façon c'est le seul endroit qu'elle nous a dit fréquenter, ajouta Akan. »
Ils rebroussèrent donc chemin jusqu'à atteindre les écuries par lesquelles ils avaient pénétré dans le domaine. Alors qu'ils sortaient, l'un des chevaliers qui gardait l'entrée les interpella :
« Vous êtes bien Akan, l'enquêteur missionné par le conseil ?
- Oui, c'est moi.
- Je suis désolé de vous interpeller de la sorte mais j'ai reçu l'ordre de voir avec vous pour la prise en charge du corps.
- Comment ça ?
- Et bien … On ne vas pas laisser le pauvre Yggen comme ça dans l'écurie. Il faut bien qu'on s'occupe de son corps.
- Oui bien sûr. Vous avez une morgue dans laquelle on pourrait conserver son corps jusqu'à la fin de l'enquête ?
- Pas vraiment non. Mais on doit pouvoir le conserver dans le baraquement ouest si vous voulez. Sinon j'imagine que les Sages peuvent aussi s'en charger dans un de leur laboratoire. On peut aussi demander aux Courreplaines de le garder si vous préférez.
- Un instant s'il vous plait, lui répondit Akan avant de s'éloigner avec ses compagnons et de reprendre, plus bas. Qu'en pensez-vous ?
- C'est une course entre les Nobles et les Chevaliers et le mort travaille pour l'Ordre. Je pense qu'il ne faut pas le donner aux Nobles, répondit Aldéir.
- On ne sait pas vraiment dans quel camp peuvent se trouver les sages dans cette affaire. Après tout, il faut un bon niveau d'herboristerie pour préparer le poison que l'on a trouvé dans la seringue, répondit Akan.
- Peut-être mais les chevaliers sont trop proche de cette affaire. Je pense que nous devrions quand même le remettre aux Sages. Xanaphia est leur représentante et je pense qu'on peut lui faire confiance.
- C'est vrai. Et puis les druides appartiennent à la caste des Sages.On peut leur faire confiance aussi, ajouta Pater.
- Je suis d'accord pour qu'on donne le corps aux Sages, acquiesça Ginger. »
Gurda approuva d'un signe de tête.
« Très bien. Faisons comme l'entends la majorité. Mais ça ne me dit rien qui vaille » , conclut Akan, résigné.
Il s'approcha du garde et lui dit :
« Remettez le corps d'Yggen aux Sages. Il sauront le conserver dans l'un de leur laboratoire.
- Il en sera fait selon vos ordres, maître rôdeur.
- Merci. »
Le groupe se mit alors en route vers les docks de la cité.
***
Bien que la fin d'après-midi approchait, les quais de la cité étaient encore parcouru par les passants. La lumière déclinante se reflétait sur les eaux calmes dans lesquelles ondoyaient une vingtaine de bateaux de forme et d'origine diverse : des barcasse de pêcheur, des péniches colorés, quelques petits voiliers et même une goélette. Sur l'embarcadère, les marchands rangeaient leurs étals ou tentaient de vendre les produits périssables qu'il leur restait. L'un des stands, tenu par deux elfes, attirait une grande partie des passants, visiblement d'extraction noble ou bourgeoise, qui s'extasiait devant les étoffes précieuse et les broderies proposées.
Akan chercha des mendiants du regard, dans l'espoir fou d'apercevoir Anietta. Il fut stupéfait de n'en découvrir aucun, même à bonne distance des étals. Continuant son examen, il réalisa aussi qu'aucun chevalier n'était visible aux alentours. En revanche, il remarqua rapidement une dizaine d'hommes stratégiquement dispersé sur les docks, comme pour surveiller. Ils avaient les épaules et les dos charpenté des marins et certains arboraient de vilaines cicatrices qui, avec les cimeterres nus qui battaient leur flanc, leur donnait l'aspect de brigand plus que celui de simple docker.
Pendant ce temps, Gurda s'était mêlé à la foule des badauds et interrogeait les marchands sur Anietta. De toute évidence, aucun d'entre eux n'avait jamais entendu parlé d'elle et encore moins employé. Le groupe s'approcha alors de l'étal de tissus. L'un des elfes vint à leur rencontre et les salua en elfique puis en commun. Il avait le visage fin et lisse, caractéristique de ceux de son peuple, et portaient des vêtements élégants au teintes claires. Ses cheveux, qu'il portait long, étaient blonds et raides.
Les deux rôdeur lui retournèrent son salut dans la langue elfe tandis que les autres lui répondait dans la langue commune.
« Je me nomme Enialis Melonangol, se présenta le marchand avant de se tourner vers Aldéir. Je suis honoré de croiser un Verteflammes si loin au nord.
- Le plaisir de notre rencontre est partagé maître marchand Melonangol, répondit gracieusement Aldéir en inclinant la tête.
- Quelle est donc la raison de votre présence en ces murs, seigneur Verteflammes ? Votre famille aurait-elle l'intention d'établir des accord commerciaux avec les Laméhor ?
- Si c'est le cas, je n'en suis pas l'intermédiaire. Je suis ici pour des affaires plus personnelles.
- Prendrez-vous alors le temps d'admirer les quelques étoffes de qualité que je puis vous proposer ?
- Avec plaisir, maître Melonangol. »
Aldéir, suivi de ses compagnons, s'approcha de l'étal avec le marchand elfe et examina les tissus qui étaient exhibés.
« J'ai rarement vu des tissus de si belle facture, reprit Aldéir. Ces produits sont vraiment dignes de la noblesse elfique, ajouta-t-il en provoquant quelques hoquets de stupéfaction chez les flâneur qui l'entourait et qui comprenait sa langue.
- Merci seigneur Verteflammes, vous me couvrez d'honneur.
- J'aurai une question à vous poser, continua Aldéir. Avez-vous …
- Et je serai ravi d'y répondre, sire mais pas ici, le coupa le marchand. Nous ne sommes seul ici, ajouta-t-il tout bas.
- Parlez-vous Sylvain ? demanda alors Aldéir dans un souffle. »
Le marchand opina de la tête et lui murmura dans l'étrange langue des fées :
« Montez à bord de mon bateau. Nous y serons plus tranquille pour discuter.»
Aldéir lui fit un léger signe de tête, lui indiquant qu'il avait compris. Il reprit, en elfique :
« Dites moi, avez-vous plus d'étoffes de ce fabuleux vert ? Ses reflets me rappellent les couleurs de ma famille.
- Bien sûr, seigneur Verteflammes. Je peux vous montrer le reste de ma cargaison si vous le souhaitez. Elle se trouve dans la cale de mon embarcation, juste ici.
- Très bien. Mes amis et moi vous suivons alors. »
L'elfe les mena jusqu'à une large péniche en bois. Sur un ordre de sa part, trois elfes qui s'affairaient sur le pont vinrent installer une coupée en bois sculpté et attendirent, une main sur le torse que les invités furent monté à bord. Le marchand mena ensuite le groupe d'aventurier dans la soute du navire et congédia les travailleurs qui encordaient les marchandises. Il se tourna alors vers Aldéir et lui demanda, s'exprimant dans la langue commune :
« Qu'est ce qui vous amène ici, seigneur Verteflammes et que puis-je faire pour vous aider ?
- Je suis dans la région car je suis en chasse mais ce n'est pas la raison de ma présence ici. Mes compagnons et moi avons été engagé par le Conseil pour mener à bien une quête. J'ai besoin de savoir si vous connaissez une certaine Anietta. Elle aurait travaillé pour des marchands ici et peut-être mendié sur les quais. C'est une femme d'environ un mètre soixante-dix, les cheveux long et bruns, le visage rond et la taille fine. Lorsque nous l'avons vu elle portait une capeline verte sur des vêtements gris et usés.
- Je regrette mais je ne pense pas avoir déjà vu cette personne. Et je peux vous assurer, qu'elle n'a pas mendié ici. Personne ne mendie sur les quais, la guilde des voleurs s'en assure. Ils ont la main mise sur le marché. Si quelqu'un peut vous renseigner sur cette femme, c'est d'ailleurs probablement eux.
- La main-mise ? demanda Aldéir.
- Oui. Il surveille de près toutes les transactions et font payer leur protection à tous les marchands des quais. Les tarifs sont chers mais ils ne laissent pas vraiment le choix, si vous voyez ce que je veux dire. Je n'ai pas vraiment à me plaindre en vérité, étant une elfe, je suis un peu épargné. Notre peuple est bien vu par la guilde, qui semble tenir Dame Xanaphia en haute estime.
- Savez-vous comment entrer en contact avec la guilde des voleur ? demanda Akan.
- Pas vraiment. Je n'ai que très peu de relation avec eux. Leur chef est un homme du nom de Quark Thomas. Il est parfois sur les quais mais préfère rester discret. Si j'étais vous, j'irai aux Enfers. C'est une taverne plutôt agréable qui se trouve à côté de la bibliothèque de la ville. En vérité, c'est un endroit assez unique dans la région. Elle est très fréquenté et par tous type de personne, si vous voyez ce que je veux dire. En y allant après la nuit tombée, vous devriez pouvoir y faire la connaissance de membre de la guilde.
- Merci maître Melonangol. Vous avez été d'une grande aide.
- Je vous souhaite donc une bonne chasse et bon vent pour la suite de votre voyage.
- Pareillement, répondit Aldéir en s'inclinant. »
Le marchand les mena sur le pont puis sur la terre ferme. Il les salua à nouveau et retourna sur son stand, au côté de son apprenti qui avait commencé à empaqueter les marchandises.
Le groupe s'éloigna du marché, sous l'impulsion d'Akan. Lorsque celui-ci fut satisfait de la distance avec les dockers, il arrêta le groupe et demanda :
« Que faisons-nous ?
- On pourrait aller aux Enfers, proposa Pater.
- On devrait surtout aller rendre compte de nos découvertes au Conseil, s'exclama Aldéir. Nous étions déjà en train de nous aventurer dans les manigances des trois grandes castes de la Cité et il faudrait maintenant que l'on rajoute une guilde des voleurs au tableau ? Au risque de me répéter, nous avons terminé la tâche pour laquelle nous avons été engagé. Ne nous engageons pas plus loin dans les intrigues politiques de la cité. Nous risquerions de ne pas y survivre.
- Je comprend ton point de vue Aldéir, rétorqua Akan calmement, mais un homme est mort. Le cheval est peut-être celui qui l'as tué mais ceux qui l'ont engagé sont tout autant responsable. Je pense que nous devrions continuer d'enquêter, malgré les risques. En plus, tu l'as dit toi même : cette Anietta semble louche. La retrouver nous permettra certainement d'en apprendre plus.
- Encore une fois, je ne suis pas opposé à ce que l'on continue. Mais je veux être sûr que vous réalisez dans quoi nous nous embarquons. J'ai vu ce à quoi peuvent ressembler les luttes politiques entre familles elfes. J'imagine sans mal le genre d'intrigues qui peuvent se jouer dans une cité comme celle-ci.
- Pourquoi ne pas aller interroger Davos ? proposa Ginger. On pourrait lui rapporter ce que nous avons découvert et en profiter pour découvrir ce qu'il sait sur cette Anietta.
- Moi je suis pour ! s'exclama Gurda avec force.
- Moi aussi, renchérit Pater.
- Pourquoi pas oui, répondit Akan.
- Très bien. Allons voir Davos alors, céda Aldéir avec un soupir de résignation. Mais agissons avec prudence alors. »
Ils se mirent donc en route vers le domaine de Davos Courreplaine qu'ils venaient de quitter.
***
« Vous connaissez bien Anietta ? Elle et Yggen se fréquentait depuis longtemps ? » demanda Aldéir.
Une fois de retour l'écurie, le groupe de héros avaient été introduit dans les quartiers privés de Sir Davos par un des chevaliers qui les avaient accueilli. Le jeune noble nouvellement adoubé avait alors remercié puis congédié le garde et avait aimablement proposé à boire à ses invités. Après avoir décliné son offre, Akan e Aldéir avait commencé à l'interroger.
« Je dois dire que je ne la connais que depuis quelques mois, répondit Sir Davos. Je ne sais cependant pas depuis combien de temps le jeune Yggen la fréquentait.
- Yggen vous a-t-il semblé nerveux ou étrange ces dernier temps ? demanda alors Pater.
- Non, rien de tel. Mais je sais avoir été quelques peu distant ces derniers temps. Peut-être aurais-je dut être plus attentif à mes gens. Peut-être aurais-je pu empêcher cette tragédie si je n'avais pas été tant préoccupé par mon entrée dans l'Ordre des Trois Couronnes.
- Quand vous parlez de l'Ordre, faites-vous référence au Temple de la Lumière ? l'interrogea Akan.
- Non, je ne suis que chevalier. Frère Eric m'a bien proposé de rejoindre les rangs des Saints mais il a eut la gentillesse de me laisser du temps pour prendre ma décision. Je dois dire que l'idée ne me déplait pas.
- Si vous n'êtes pas affilié à un ordre religieux, quel genre de voeux prononcez-vous lors de votre adoubement ? lui demanda Aldéir, curieux.
- Nous faisons voeux de loyauté et de bravoure. Mais avant tout, nous jurons de protéger la Cité des Trois Couronnes, c'est là le fondement de l'Ordre.
- Je vois oui. Pardonnez ma curiosité Sir Davos.
- Je vous en prie, seigneur elfe. Il est bien normal que vous vous interrogiez sur notre Ordre, vous qui venez d'arriver en ville.
- J'avais une question aussi, intervint Ginger. Pourquoi avoir rejoint l'Ordre ? Qu'est ce qui vous a motivé à devenir chevalier en dépit de votre ascendance noble ?
- À dire vrai, bien que je n'ai rejoint l'Ordre que récemment, cela faisait longtemps que j'envisageai de devenir chevalier. Mais ma famille ne voyait pas cela d'un bon oeil et c'est pourquoi j'ai repoussé l'échéance si longtemps. Voyez-vous, de par mon rang, j'étais promis à exercer de lourdes responsabilités au sein de la famille Courreplaine et peut-être même un jour siéger au Conseil. Le fait est que la politique ne m'a jamais intéressé et je voyais l'Ordre comme un moyen de servir ma Cité tout autant qu'une échappatoire. Ainsi lorsque j'ai ressenti l'appel qui m'a poussé à me faire adouber contre l'avis de tous les membres de ma famille, je croyais en avoir terminé avec les intrigues. Mais la réalité est bien différente : mon engagement a été interprété par certain comme une manoeuvre politique et je me retrouve finalement à jouer à ce jeu de pouvoir que je souhaitais fuir.
- En parlant de jeu de pouvoir, savez-vous pourquoi les Sages ont décidé de s'allier aux chevaliers pour la course de cette année ? demanda Aldéir.
- Ils entendent prouver à tous qu'ils ont toujours le pouvoir de décider au Conseil. Lorsque feu mon grand père, le roi Harth Courreplaine est mort, le Conseil a dut choisir son successeur, comme le veut la loi. Le Conseil a rapidement réduit les candidats potentiel et comme vous le savez, c'est Kirk Laméhor qui à été couronné, contre l'avis des Sages. La course est donc un moyen pour eux de rappeler à tous qu'ils ont toujours le pouvoir de désigner un vainqueur, malgré l'issue de la succession.
- Et que pensez-vous du nouveau roi ? demanda Aldéir.
- C'est un roi jeune mais c'est un fin politicien. De plus, il n'a été couronné que depuis quelques mois donc il est difficile de se prononcer sur ses qualité de régent. Quoi qu'il en soit, j'ai juré de le servir en entrant dans l'Ordre et c'est bien ce que je compte faire. Son appartenance aux Laméhor ou même ce que je pense de lui est sans importance.
- Bien sûr, continua Aldéir. Autre chose, connaissez-vous un certain Quark Thomas ?
- Non, ce nom ne me dit rien. Qui est-ce ?
- Simplement un nom que nous avons entendu sur les quais au cours de notre enquête, éluda habilement Aldéir.
- Ah c'est probablement normal que je le connaisse pas dans ce cas. Cela fait bien longtemps que je ne me suis pas rendu sur les quais. J'ai passé la majeure partie de mon temps à réfléchir ici et à m'entraîner dans la salle d'arme pour me préparer à l'adoubement. Enfin, je m'égare. Aviez-vous d'autres questions à me poser ?
- Non pas vraiment. Nous étions surtout venu pour vous faire part de nos découvertes, lui répondit Ginger.
- J'en suis honoré mais je ne suis pas un membre du Conseil, répondit Sir Davos, presque gêné. C'est plutôt à eux que vous devriez rapporter ceci. Vous les trouverez certainement dans la salle du Conseil, le grand bâtiment au centre de la ville. Et même s'ils n'y sont pas, les serviteurs sur place pourront les informer de votre venue pour organiser une audience.
- Nous le ferons Sir Davos, mais Yggen était d'abord votre palefrenier et il nous semblait juste que vous soyez le premier informé de son sort, continua Ginger. Tout porte à croire que sa mort soit le fruit d'un tragique accident. Étoile Filante aurait rué à son approche, le frappant à la tempe et le tuant sur le coup.
- Je … Je ne sais que penser de tout ceci. C'était pourtant un très bon palefrenier et il est surprenant qu'il se soit laissé frappé de la sorte. Mais j'imagine que les accidents arrivent même aux meilleurs ...
- Savez-vous où se trouve Anietta ? demanda Aldéir. Nous devrions aller la mettre au courant.
- Elle doit certainement se trouver dans la chambre que je lui ai fait préparer.
- Je crains qu'elle n'y soit pas Sir Davos.
- Je … Je ne sais que vous dire. Je pensais sincèrement qu'elle s'y trouvait.
- Ce n'est rien, lui répondit Aldéir avec assurance. Savez-vous où Yggen logeait ?
- Je crois me souvenir qu'il avait un logement dans la cité mais je ne m'y suis jamais rendu. Il avait aussi la chambre que je lui avait attribué lorsqu'il est entré à mon service.
- Peut-on visiter cette chambre ? demanda Akan.
- Bien entendu. »
Il les accompagna jusqu'à la cour centrale du domaine puis les fit pénétrer dans une pièce semblable à la chambre d'Anietta. La pièce était vide, comme si elle avait été nettoyé récemment.
« Vous avez déjà fait nettoyer la chambre d'Yggen ? demanda Akan surpris.
- Non pas du tout, je n'ai rien ordonné de tel. Et pourtant je ne vois plus ses affaires. Ah si ! s'écria-t-il en pointant un morceau de tissus qui dépassait de sous l'armoire. Voilà le pourpoint que lui avait offert.
- Peut-on examiner la pièce ? demanda Aldéir.
- Bien entendu. Vous êtes les enquêteurs du Conseil. Je vais vous laisser travailler. »
Ginger et Aldéir se mirent à fouiller méthodiquement la pièce, sans trouver quoi que ce soit d'intéressant, tandis que Sir Davos retournait vaquer à ses occupations. Des vêtements étaient roulé en boule sous les meules et mêmes derrière l'armoire mais il semblait manquer cependant beaucoup d'affaire. Tous deux arrivèrent à la même conclusion. Quelqu'un avait préparé un bagage avec la majorité des possessions d'Yggen. Probablement Yggen lui même. Mais il ne trouvèrent pas la moindre trace du paquetage.
Ils firent part de leurs découvertes à leur compagnons.
« Les affaires d'Yggen ont pour la plupart disparu. Il a probablement préparé un sac pour s'enfuir avec son argent une fois le cheval empoisonné.
- Mais il n'est pas revenu de l'écurie et pourtant le sac n'est pas là, souligna Gurda.
- Effectivement, répondit Aldéir. Peut-être Anietta l'a-t-elle récupéré. Quoi qu'il en soit, il n'y a aucune piste que nous puissions remonter.
- Excusez-moi enquêteurs, dit un chevalier qui venait d'entrer, interpellant Akan. Sir Peror cherche à parler à maître Akan.
- C'est moi. Qui est Sir Peror ?
- C'est le sage qui accompagne Dame Xanaphia. Il semblait très préoccupé lorsqu'il m'a envoyé vous chercher. Il vous attends devant les écuries.
- Conduisez-nous à lui dans ce cas.
- Bien sûr. Suivez-moi je vous prie. »
Le chevalier les mena à travers la cour puis les écuries jusqu'à Sir Peror.
« Oh maître Akan vous voici. Je crains que Dame Xanaphia ne soit au crépuscule de sa vie. Elle ne cesse de répéter votre nom. Voulez-vous m'accompagner à ses côtés ? Je pense qu'elle souhaite vous parler avant de quitter ce monde.
- Bien sûr. Je vous en prie, nous vous suivons. »
Le groupe d'aventurier emboîta donc le pas à Sir Peror à travers la Cité.
***
L'homme les mena jusque dans un imposant bosquet enfermé dans l'arrière cour de la bibliothèque de la cité. Le soleil, bien que toujours visible, s'approchait de l'horizon, nimbant l'endroit d'une argéable clarté aux reflets oranges. L'atmosphère calme de l'endroit contrastait avec l'éternel agitation de la ville et rappelait aux aventuriers cette nature qu'ils chérissaient tant. Bientôt, Sir Péror s'arrêta et s'exclama d'un ton emplie de tristesse : « Puisse la nature protéger cette Dame qui a tant fait pour la cité. »
Il baissa la tête, cachant les quelques larmes qui lui coulaient sur le visage et s'éloigna d'un pas digne.
Xanaphia se trouvait à quelques mètres devant le groupe, si immobile qu'elle se fondait dans la végétation. À quelques pas d'elle se trouvait une magnifique statue de pierre. Elle représentait une créature céleste orné de deux grandes ailes et qui semblait pleurer, son visage caché dans ses bras. L'une de ses mains tenait une rose et pendait négligemment dans l'air. L'ange pleureur était penché sur ce qui ressemblait à un ancien cercueil de pierre, usé par le temps. Le bas de la statue était abimé mais on devinait encore des espèces de flammes dévorant la partie inférieur de la bière.
Gurda s'approcha de la statue, suivi de près par le reste de ses compagnons, et examina la statue d'un oeil expert : elle connaissait bien l'art de la pierre et avait déjà vu des tailleurs à l'oeuvre mais ce qu'elle avait devant les yeux était tout bonnement extraordinaire. Cette statue ne présentait aucune marque de marteau ou de ciseau. Les angles lisse et galbés du socle et la texture de la roche ne laissait pas de place au doute : la statue avait été façonné par le feu à partir d'un unique bloc de basalte. Elle n'avait jamais rien vu de telle ni même entendu parler d'artisan capable de créer de telles oeuvre mais elle était absolument certaine de sa conclusion. Elle jeta un coup d'oeil au bas du socle et confirma ce que tous avait deviné. L'artiste avait effectivement représenté des flammes s'attaquant au cercueil, même si celles-ci avaient été effacés par le temps. Elle continua alors son examen avec le buste de l'ange. Elle finit par découvrir un léger jeu entre la créature céleste et le cercueil : elle était presque sûr que celui-ci pouvait être ouvert. Il faudrait pour cela réussir à déplacer la femme, par exemple en tirant sur ses ailes pour la redresser. Elle devinait cependant que cela fracturerait la pierre en plusieurs endroit.
Pater attira l'attention de ses compagnons sur l'un des côtés du cercueil. On pouvait distinguer les vestiges d'un ancien texte gravé à même la pierre. Le temps avait usé la statue tant et si bien qu'il était difficile de discerner les caractères alambiqué de l'écriture elfique. Au bout de quelques minutes, les cinq aventuriers parvinrent à déchiffrer la majeure partie de l'inscription :
« … souvenir, c'est presque recommencer.
Echouer, c'est … possibilité de recommencer
de manière plus intelligente.
Ton sacrifice … terrible et tu engendreras
un orphelin comme toi. Un mal
pour contrer un plus grand mal.
Des larmes pour le feu, des armes pour
le dragon. Une pierre qu'il n'aura pas.»
Xanaphia se mit à pleurer doucement et tous se tournèrent vers elle comme un seul homme. Le drakéide s'approcha d'elle et murmura d'une voix douce :
« Xanaphia, c'est moi. C'est Akan.
- Akan, je suis tellement désolé.
- C'est à propos de l'inscription de la statue ? À propos du terrible sacrifice et du dragon ?
- Mon livre, répondit-elle comme si son esprit embrumé se voyait frappé d'un accès de clarté. Tout est dans mon livre. Oui, c'est mon livre.
- Où se trouve ce livre dame Xanaphia ?
- Dans la bibliothèque. »
Alors qu'elle pleurait toujours, Aldéir se remémora une des strophes de la prophéties des quatres éléments et des quatres enfants :
« Le Feu, frère de la terre, minerai de sang, chaleur du soleil. Même s’il peut tuer, et couvrir de larme les roses de la terre, le feu réchaufferait un dernier enfant pour le protéger »
Il approcha sa main de la vieille druide et récolta une de ses larmes sur le bout de son index. Suivant une soudaine intuition, il s'approcha de la statue avec son fragile trésor et déposa la larme sur la rose de pierre. À peine eut elle touché la roche que déjà une lumière orangée éclaira la scène, comme pulsant de la statue elle-même, dispensant une douce chaleur.
« Akan.
- Oui Dame Xanaphia ? répondit le rôdeur.
- Vous allez donc ouvrir mon coffre. Promettez-moi que tous ses sacrifices n'auront pas été vain. Que les souffrances à venir permettront de mettre un terme à tout cela. Jurez le moi Akan.
- Je vous le promet Dame Xanaphia, répondit Akan, solennel.
- Je peux partir en paix alors. Une dernière chose. Qu'est-il arrivé à Yggen ?
- Nous pensons qu'il a été payé pour empoisonné Étoile Filante. Le cheval l'aura senti et l'aura tué d'un coup de sabot nerveux.
- Je vois. Tout cela m'attriste mais ne me surprend guère. Yggen était un voleur avant que je ne le prenne sous mon aile. Vous savez qui l'a engagé ?
- Je crains que non, répondit Akan, peiné.
- SI vous souhaitez le découvrir, je vous suggère de vous rendre aux Enfers. Si quelqu'un est au courant, il s'y trouvera. Je sens déjà mon esprit se disperser. Aidez-moi à aller jusqu'à mon cercueil maintenant. »
Akan lui tendit un bras sur lequel elle s'appuya lourdement. Il l'emmena alors au côté de la statue dont se dégageait à présent une lumière presqu'aveuglante. Plus ils s'approchaient de la sculpture, plus la température semblaient augmenter.
« Il vous faudra bientôt faire un choix. Faites le bon. Et pardonnez moi pour les souffrances que cette quête vous apportera. »
Elle s'effondra devant la statue, rattrapé in extremis par Akan et Aldéir qui la déposèrent délicatement au sol. Des fleurs sauvages se mirent alors à pousser autour d'eux, jusqu'à recouvrir son corps végétal. Un crépitement sourd résonna dans le bosquet et une silhouette de feu se matérialisa devant les yeux des jeunes aventuriers. Elle avait vaguement forme humanoïde mais les flammes qui lui donnaient corps ne cessaient d'onduler comme sous l'effet d'une brise invisible. Autour d'eux, les arbres se couvraient de traces noires alors que l'écorce s'enflammait. Les feuilles les plus proches de l'élémentaire avaient instantanément brûlé, dispersant des cendres grisâtres dans l'air. La température avait grimpé en flèche et était presque insupportable. Une voix caverneuse emplit alors le sous-bois.
« Qui paiera le prix ? »
Pendant quelques secondes, nul ne réagit. Pater fut le premier à reprendre contenance. Il posa sa main sur le tronc d'un chêne qui se trouvait près de lui et arracha une poignée d'écorce roussie. Il prononça quelques mots dans l'ancienne langue des druide et ferma le poing, réduisant l'écorce en poussière. La peau de sa main fut agité de léger soubresauts puis se changea en écorce. Lorsqu'il ouvrit la main, cette mue végétale prit vie et s'élança le long de son bras, recouvrant sa peau sombre d'une épaisse armure d'écorce. Il fut bientôt entièrement recouvert. Il s'exprima alors d'une voix forte :
« J'accepte de payer le prix. »
À peine avait-il fini sa phrase que l'élémentaire disparaissait dans un craquement sourd. Pater tomba à genoux, soudain pris de vertige. Une douleur cuisante lui faisait souffrir le martyr, gagnant en intensité à chaque instant. Il commença à hurler. Il avait l'impression de brûler vif alors même qu'ils se savait particulièrement résistant aux flammes. Proche de l'évanouissement, le supplice diminua soudain en intensité tandis que des voix familières résonnaient dans son esprit. Il entendait les cris de souffrance de dizaines d'hommes, de femmes et de démons et voyaient devant ses yeux leur corps fondre sous l'effet d'un feu invisible. Lorsqu'il revint à lui, la douleur avait disparu mais ils pleurait : sans pouvoir l'expliquer, il savait qu'il venait d'assister à la mort de toute sa lignée. Il était à présent orphelin, seul au monde.
***
Pendant ce temps, la statue s'était animé. Sous l'effet des racines des arbres alentours, l'ange s'était redressé et avait ouvert les yeux. Il tendait à présent sa main lui. Mais à la place d'une rose, il tenait une espèce de gemme rouge en forme d'oeuf. Le socle prit vie à son tour et se mua bientôt en épaisses flammes qui tournoyèrent quelques instants avant de prendre l'aspect d'un cou de dragon. La créature de feu ouvrit la gueule et s'élança sur la gemme qui disparut avant qu'il ne put la toucher. Le dragon explosa alors en une myriade de flammèches qui finirent par se dissiper dans l'air avant de toucher le sol. Comme l'avait prévu Gurda, la statue se brisa sous son propre poi, fracturant le cercueil de pierre dont le formidable contenu se déversa sur l'herbe carbonisée.
« Que t'arrives-t-il Pater ? demanda Aldéir inquiet.
- Me voilà orphelin, répondit-il laconique tout en sanglotant.
- Je … Désolé, souffla Aldéir en lui posant une main amicale sur l'épaule, respectant sa détresse. »
Après quelques minutes de silence, Pater se remit sur pied et s'approcha du butin avec le reste de ses compagnons.
Au sol se trouvaient trois potions, un anneau, une amulette, une armure de cuir clouté et une courte dague ouvragée. Il se répartirent le butin : Gurda récupéra l'anneau magique et une potion aux reflets rouges qui devaient être d'après Ginger une potion de soin. Lorsqu'elle passa l'anneau au doigt, elle se sentit immédiatement plus résistante, comme si une fine pellicule magique venait de recouvrir sa peau. La jeune barde attrapa l'amulette qu'elle mit autour de son cou. Pater se saisit d'un potion contenant un liquide jaune qui semblait bouillonner et la rangea dans sa sacoche. Le rôdeur elfe mit la main sur l'armure dont il s'équipa immédiatement. Le cuir s'adapta instantanément à sa morphologie, lui offrant une bonne protection tout en le laissant libre de ces mouvements. Enfin, Akan récupéra la dague qu'il passa à sa ceinture et la potion de hâte, une fiole contenant un liquide transparent et qui rappelait la brume.
Ils s'éloignèrent alors de la statue et se dirigèrent vers l'entrée de la bibliothèque où les attendait Sir Peror.
« Dame Xanaphia s'est éteinte ? demanda-t-il avec tristesse.
- Je le crains, répondit Akan doucement.
- C'était une femme exceptionnelle et une politicienne hors pair. La Cité a beaucoup perdu aujourd'hui. Elle était si triste ces dernier temps que je me console en me disant que sa fin lui a apporté le repos auquel elle aspirait.
- Sachez qu'elle est nous a quitté l'esprit en paix, lui assura Akan. Ce sont ses propres mots.
- Merci Akan.
- Pardonnez-moi de vous poser ces questions en ce si triste moment mais je crains que nous n'ayons que peu de temps pour mener notre enquête, intervint Aldéir gêné. Que pouvez-vous me dire sur Yggen ?
- Je comprends, ne vous en faite pas. Yggen était un brave garçon doué d'un certain talent avec les animaux. Dame Xanaphia s'était donc mis en tête de le former pour la course, d'autant qu'il était déjà au service de Sir Davos ce qui facilitait les choses. Comme je vous l'ai dit, c'était une habile politicienne. La rumeur voudrait qu'il ai été membre de la guilde des voleurs mais je ne sais si ces commérages sont fondés et très honnêtement, cela ne m'intéresse que fort peu. Je me contentais de suivre les instructions de Dame Xanaphia.
- Vous connaissez une certaine Anietta ? C'était la compagne d'Yggen.
- Non, ce nom ne m'est pas familier et je ne crois pas avoir jamais vu Yggen accompagné d'une femme. Mais une fois encore, mes connaissances sur ce jeune homme se limite à ce dont j'avais besoin pour accomplir les tâches que me confiaient Dame Xanaphia.
- Je comprends, conclut aimablement le rôdeur elfe. Si cela ne vous pose pas de problèmes, nous allons vous laisser.
- Bien entendu. Bon courage pour la suite de votre enquête.
- Merci. »
L'homme s'éloigna prestement, se dirigeant vers le bosquet.
« Bon j'ai une mauvaise nouvelle, dit Ginger qui venait de surgir de derrière une colonne. »
***
Alors que Aldéir interrogeait Sir Peror, Ginger décida d'aller chercher le fameux livre dont avait parlé Xanaphia. Elle se faufila discrètement hors de vue du reste du groupe et se dirigea vers l'entrée de la bibliothèque, à quelques mètres de là. Elle entra avec assurance et se dirigea vers le bureau auquel se trouvait le conservateur de la bibliothèque, un vieil homme que lui avait présenté Leona lors de son entrée au Collège du Savoir.
« Maître Ginger ! On a du mal à quitter la bibliothèque à ce que je vois ! Vous me direz, ce n'est pas très étonnant. Moi j'y ai passé ma vie et je suis loin d'avoir fait le tour de tous ces ouvrages ! Qu'est-ce qu'il vous faut ?
- Bonjour Brodum ! Je cherche un ouvrage mentionné par Xanaphia. Aurait-elle écrit un livre ?
- Vous devez parler du Dragon Éternel. C'est un vieux tome qu'elle a écrit il y a presque sept siècles. C'est bien dommage que vous veniez le chercher aujourd'hui. Yggen est passé hier pour le récupérer pour Dame Xanaphia.
- C'est dommage en effet. D'autant qu'Yggen est mort ce matin…
- Mort ? Mais c'est terrible ! Et le livre alors ? Il est où mon livre ? C'est quand même incroyable cette histoire ! Tout le monde sait que quand on emprunte un livre, on doit le ramener !
- Vous n'avez pas un rituel qui vous permet de le localiser ? Leona m'expliquait que c'est une pratique courante pour les grande bibliothèque comme la votre.
- Bien sûr que je connais ce rituel. Mais le livre dont vous parlez est étrange. Dame Xanaphia l'a créé par magie. Le rituel ne pourra donc pas le localiser…
- Étrange ? demanda Ginger, curieuse.
- Oui. J'ai essayé de le lire quand j'étais plus jeune mais j'ai vite abandonné. Il ne veut absolument rien dire. Il doit être codé j'imagine. Enfin ! Yggen est mort ?
- Oui. Mes amis et moi avons été missionné par le Conseil pour enquêter.
- Ma foi c'est quelque chose quand même. Et juste quand il a mon livre en plus. Quand vous aurez retrouvé le livre, n'oubliez pas de le ramener.
- Si on le retrouve vous voulez dire ?
- Oui voilà. Mais s'il vous plait faites vite, je n'aime pas savoir mes précieux ouvrages perdus dans la cité. »
Ginger le remercia et retourna vers ses compagnons alors que Sir Peror s'enfonçait dans le bosquet.
« Bon j'ai une mauvaise nouvelle, dit-elle.
- Que se passe-t-il ? demanda Akan.
- Je reviens de la bibliothèque et le livre de Xanaphia a été emprunté par Yggen hier.
- Je vois, réagit Aldéir. J'imagine que vous voulez continuer d'enquêter ?
- Effectivement, répondit Akan du tac au tac. Je propose que nous nous rendions aux Enfers. Il fera bientôt nuit donc nous devrions pouvoir rencontré des gens qui auront plus d'informations sur Yggen ou Anietta.
- Des membres de la guilde des voleurs tu veux dire, rectifia Aldéir.
- Exactement. Vous êtes partants ? demanda Akan au reste de ses compagnons. »
Tous acquiescèrent. Ils se mirent donc en route vers les Enfers.
***
La taverne se trouvait dans le quartier des Sages, à quelques rues de la bibliothèque. Lorsque le groupe d'aventurier s'approcha des Enfers, ils furent surpris de constater l'animation qui régnait dans la rue. La nuit commençait à tomber sur la cité mais, contrairement aux communautés des étendues sauvage, les habitants ne semblaient pas pressé de rentrer chez eux : le perron de l'auberge, fortement éclairé, était chargé de monde qui discutait joyeusement en buvant. À leurs vêtements, il ne faisait aucun doute qu'il s'agissait pour la majorité de sages : des magiciens, des étudiants, quelques druides et bardes … Une jeune tieffeline bien en chair se promenait entre les clients en faisant des œillades aguicheuses. Elle portait des habits de bonne facture qui exposait stratégiquement son corps, pour le plus grand plaisir des jeune gens. Sous l'impulsion de Gurda, elle même guidée par son amour de la boisson, les jeunes héros passèrent la porte des Enfers.
La salle commune, de bonne taille, était bondée. Un large bar s'étendait sur tout le côté gauche tandis qu'une volée de marche menant à l'étage se trouvait sur leur droite. Au fond de la pièce se trouvait une estrade sur laquelle un tieffelin, assis à même le sol, accordait un luth. Pater n'en croyait pas ses yeux : sur les quelques vingt-cinq clients de l'auberge, plus d'une quinzaine était tieffelin.
« Dites donc ! Des nouvelles têtes ! Et un tieffelin! Mais bienvenu chers amis ! Je suis Erguel, humble propriétaire des Enfers de la Cité. »
C'était un élégant tieffelin à la peau rouge qui venait de les interpeller de derrière le bar. Il avait des cheveux noirs et bouclés, coupés au carré, dont dépassaient deux épaisses cornes rouges qui s'enroulaient gracieusement. Il portait une fine tunique bleu claire relevée de motifs d'or aux manches et au niveau du col. Ses yeux étaient blanc, presque laiteux, et n'avait pas de pupille.
Pater fut le premier à le saluer, bientôt suivi par le reste de ses compagnons.
« Une fière chasseuse du clan de Hêtre, si je ne m'abuse ! s'extasia-t-il. On ne croise pas souvent des voyageurs de votre clan par ici ! Votre première bière est offerte, Et un drakéide ! Je crains de ne plus avoir beaucoup de table de libre mais si vous en trouvez une, je vous en prie, prenez place ! »
Gurda, un grand sourire sur le visage, le remercia et commanda immédiatement une bière. Aldéir observait la salle avec attention. Il repéra la jolie demi-démone de l'extérieur, assise à une table avec un humain, visiblement intéressé par ses charmes. Lorsqu'Aldéir s'approcha pour écouter leur conversation, tous deux se levèrent et la femme tieffelin l'entraîna en gloussant vers les escaliers. Au vu du sourire qui ornait le visage de l'homme, il était aux anges. Dans la salle, la majorité des clients discutaient de magie en sirotant une bière, l'autre partie disputaient des parties de dés. Un étrange demi-elfe attira l'attention du rôdeur. Il était assis à une table et souriait distraitement en ramassant ses gains. Il avait hérité de la peau lisse et des oreilles pointues des elfes mais la forme de sa mâchoire, un peu trop carré, ne trompait pas Aldéir quant à ses origines humaines. Ses yeux brillaient d'un doux éclat doré. Son adversaire, un tieffelin, se leva brusquement, cracha sur la table et s'éloigna en pestant en infernal vers une autre table.
« Putain de sale démon aux yeux jaunes !
- Doucement ! s'exclama Erguel amusé. Faut pas être mauvais perdant comme ça. C'est toi qui a décidé de jouer, et tu t'es fait plumer !
- Ce sale démon aux yeux jaunes gagne tout le temps ! repris en grommelant un homme assis en face du mauvais perdant. C'est qu'un sale bâtard. En plus c'est sa faute si Jack est en taule.
- C'est clair, repris le premier tieffelin à voix basse. Un de ces quatre, on lui fera la peau à ce chien. »
Les deux hommes échangèrent un sourire et finirent leur bière respectives d'un trait avant d'en commander une autre.
Ginger s'approcha de Gurda et lui chuchota :
« Je vais essayer de rejoindre le tieffelin sur la scène, si vous me cherchez.
- Ça marche ! répondit la naine. Tu veux que je t'accompagne avec mon cor ? Je manque peut-être de technique mais j'ai du souffle !
- Même pas en rêve, répondit-elle avec humour. C'est moi la barde ici alors ne t'avises pas de me voler la vedette, ajouta-t-elle plus sérieusement avant de sortir son luth et d'aller se mettre dans un coin, proche de l'estrade. »
Elle commença à jouer quelques notes en prenant un air faussement distrait et à accorder son instrument. Comme elle l'avait prévu, le tieffelin assis sur la scène la remarqua et lui fit signe de le rejoindre.
***
Pendant ce temps, Gurda avait rejoint le bar. Elle buvait en discutant avec les clients, les interrogeant sur Anietta. Elle allait abandonner lorsque l'un des tieffelins s'exclama :
« La copine d'Yggen ? Un peu que je vois qui c'est ! Elle est montée à l'étage y’a pas cinq minutes ! Vous devriez demander à Erguel. »
Gurda s'approcha alors du tavernier et lui posa la question.
« Dis moi tavernier. T'aurai pas vu Anietta ?
- Anietta ? répondit celui-ci avec un sourire. Mais qui est donc cette personne ?
- La copine d'Yggen. Le pauvre gars qui s'est fait tué.
- Yggen mort ? Et il est mort de quoi au juste ? demanda-t-il avec ironie. C'est des conneries tout ça. C'est encore une de ces histoires inventés par le Conseil pour mieux nous manipuler.
- Bah moi je crois bien qu'il est mort, dit Gurda.
- Vous pouvez croire ce que vous voulez mais moi je tomberai pas dans le panneau. Je les connais bien les manigances du Conseil. En tout cas pour Anietta, je peux pas vous aider. Mais si je la connaissais, je vous dirai sûrement qu'elle va bien et que vous devriez arrêter de vous inquiéter.
- Allez tavernier ! Dites moi donc ce que vous savez ! Je vous offre une bière ! rétorqua Gurda en riant.
- Vous êtes un sacré personnage quand même. Mais je suis désolé, je peux pas vous aider. Déjà on se connait pas et en plus vous venez me parler de la mort d'Yggen alors que c'est clairement un nouveau de coups du Conseil ça, où je m'appelle pas Erguel. Dans deux secondes, vous allez me dire que vous travaillez pour eux. Je suis désolé mais je me laisserai pas avoir. C'est pas contre vous. Mais dans mon établissement, on est libre de faire ce qu'on veut. On est à l'abri du Conseil et de leurs petit jeux.
- Arrête tes conspirations et racontes pas n'importe quoi sur la politique. De toute façon t'y comprends rien, s'exclama un client adossé à quelques mètres.
- C'est ce qu'ils veulent te faire croire ça mon vieux ! reprit le tavernier. Ça les arrange bien de me faire passer pour une chèvre. Parce qu'il n'y a que moi qui voit clair dans leur jeu !
- Oui oui bien sûr Erguel. T'as carrément tout compris. »
Gurda, hilare, leva sa choppe bien haut et s'exclama « Ah Erguel ! » avant de la vider, bientôt imité par les quelques clients qui avait suivi l'échange. Elle souffla dans son cor avec force avant de lever sa choppe à nouveau. Une dague traversa la pièce et vint se planter avec force dans la celle-ci. Le silence se fit instantanément dans la pièce.
« Il me semble que je t'avais bien dit de ne pas souffler dans ton machin quand je joue ! » s'exclama Ginger furieuse.
Gurda avait à peine entendu les imprécations de la gnome. Elle laissa son instinct prendre le dessus, dégaina le marteau qu'elle portait à la ceinture et la jeta avec force vers l'estrade. Celui-ci atteint Ginger à la poitrine, la faisant brutalement expirer l'air que contenait ses poumons.
« Nan mais ça va pas ! hurla Ginger. Je lance une dague dans ta chope et tu répond avec un marteau ?
- Bah oui. On me lance une dague, je balance mon marteau. Je vois pas bien ce qui t'étonnes là dedans, répondit la naine en éclatant de rire. »
Aldéir était à deux doigts d'éclater de rire devant le ridicule de la situation.
« Mesdemoiselles, calmez vos ardeurs, vous êtes dans ma taverne tout de même, intervint Erguel avec amusement. »
Gurda sauta au bas de son tabouret et retourna chercher son marteau en riant. Ginger, elle ne riait pas du tout.
« Ta corne, je vais la casser quand tu dormiras. Tu peux en être sûre. » cracha-t-elle, les dents serrés par la colère.
Gurda se retourna et lui fit son plus beau sourire avant de se remettre au bar et de commander une autre bière. Après quelques instants, Ginger reprit son calme et se remit à son accordage.
***
Peu à peu, tout le monde se remit à boire et discuter comme si rien ne s'était passé. Ginger écoutait d'une oreille distraite les conversation. On parlait de la course. Apparemment, Sir Davos était le favori. Tout le monde s'accordait à dire qu'il allait écraser son adversaire Ortan Laméhor. Pater s'approcha du demi-elfe et le salua.
« Bonjour. Vous voulez faire une partie ? proposa le démon aux yeux jaunes avec nonchalance.
- Euh, pourquoi pas oui, répondit le druide, pris au dépourvu.
- On joue à couper les têtes du conseil. C'est comme ça qu’Erguel appelle ce jeu en tout cas. Vous connaissez ?
- Pas vraiment non.
- C'est plutôt simple. On commence avec un total de onze tête par joueur participants. À tour de rôle, chacun va déclarer combien de tête il souhaite couper, entre une et trois. Celui qui coupe la dernière tête du Conseil à gagné la partie et remporte la mise de tous les joueurs. Si ça vous intéresse, revenez pour la prochaine partie, je devrais avoir terminé celle-ci d'ici quelques minutes, ajouta-t-il en souriant à ses adversaires.
- C'est d'accord. Bon jeu alors, répondit Pater avant de s'éloigner vers le bar. »
Le jeune tieffelin s'approcha du tavernier et engagea la conversation :
« Alors comme ça vous êtes pas un fan du Conseil vous non plus ?
- C'est le moins qu'on puisse dire, répondit-il. Non plus ? Vous avez compris leur petit manège vous aussi ? demanda-t-il avec de l'espoir dans les yeux.
- Bien sûr. Je suis pas ici depuis longtemps mais je ne les apprécie pas. Ils prennent de haut les tieffelins déjà et franchement ne me disent rien qui vaille.
- Un peu qu'ils sont louche ! Ça fait des années que je le dis moi mais ici, personne ne semble voir à quel point ils sont pas net. Ça me fait plaisir de voir que je suis pas le seul tieffelin avec les yeux en face des trous ! s'exclama-t-il gaiement.
- Ravi qu'on se comprennent, reprit Pater. Je préfère encore avoir affaire à Quark Thomas qu'au conseil, si vous voulez mon avis, ajouta-t-il plus bas.
- Ouais enfin Quark il est un peu secoué quand même, lui répondit Erguel en infernal et à voix encore plus basse. C'est un mec dangereux. Vous devriez vous méfier.
- Il est pas bon pour les affaires vous voulez dire ? continua Pater dans la langue des démons.
- Nan mais il est pas bon pour personne. Il est juste dangereux. Vous faites quoi dans le coin ? reprit-il à haute voix en commun.
- Je cherche une femme. Et, je vais être honnête avec vous, j'ai peur pour elle. Elle est en danger. C'est le Conseil qui lui en veux, termina-t-il en s'approchant du tavernier.
- Ah ça m'étonne pas ça. Je pense que je peux vous aider. Suivez moi à l'étage, mais discret ok ? »
Erguel mena Pater jusqu'aux escaliers et tous deux commencèrent à grimper. Le druide jeta un regard à ses amis qui l'observaient tranquillement au bar.
L'aubergiste frappa à une des portes de bois.
« C'est moi. Tu peux ouvrir. »
Aucune réponse ne se fit entendre de derrière le battant. Erguel tira alors des clés de sa ceinture et entreprit de déverrouiller la porte. Lorsqu'il l'ouvrit, il se figea.
Anietta était étendue au sol au milieu d'une mare de sang. Elle avait plusieurs plaies tout le long de son abdomen, comme si elle avait été poignardé à une dizaines de reprises. Les perforations présentaient les traces de brûlure chimique que Pater et ses compagnons avait déjà vu sur le corps des gnomes du village du Lac de Tourbe.
« Oh putain mais qu'est ce qui s'est passé ici ! s'écria Erguel avant de baisser le ton. Putain mais c'est quoi ce bordel ? Oh la vache mais je suis dans la merde. Faut pas rester là, vient on se tire d'ici. »
Il referma la porte et la verrouilla précipitamment. Pater tenta de le calmer mais ne parvint qu'à accentuer sa panique.
« Nan mais tu comprends pas. Tu m'as dit que le Conseil lui en voulait et maintenant elle est morte ? Je suis le suivant c'est sûr ! Tu crois que c'est une coïncidence que ce soit arrivé dans mon auberge ? Tu sais comme moi que le Conseil ne fait rien par hasard. Ils voulaient que je la trouve ! Mais oui c'est forcément ça ! Comme ça ils pourront m'accuser et me faire disparaître moi aussi ! C'est peut-être même pour ça qu'ils ont fait passé Yggen pour mort ! Pour que vous veniez ici. Tout est lié ! Au putain je suis dans la merde ... »
Il était sous le choc et cela n'avait fait qu'accentuer sa paranoïa. Lorsque l'une des portes s'ouvrit, il fit volte face, la main sur sa dague. La tieffeline qui sortit de la pièce poussa un soupir de soulagement en reconnaissant Erguel.
« Tu m'as fais peur ! J'étais avec un client, je viens de finir, dit-elle en regardant Pater. Tu veux prendre sa place mon beau ?
- Nan mais on à pas le temps pour ça ! explosa Erguel. Descends et occupes toi du bar. Et ne prends plus de client aussi.
- Euh … d'accord boss. »
Elle disparut dans les escaliers.
Pater décida de changer de tactique.
« T'as raison Erguel. T'es en danger maintenant. C'est pour ça qu'il faut que tu te calmes. Il s'attendent à ce que tu paniques, c'est sûr. Tu dois garder ton sang froid et faire comme si rien ne s'était passé.
- Putain t'as raison ! Faut pas que je rentre dans leur jeu. Ils peuvent me protéger tes potes. ?
- Bien sûr. T'inquiète, on te laissera pas tomber.
- C'est toi le chef n'est-ce pas ? Il risque pas de te doubler ? C'est du Conseil qu'on parle, on peut se fier à personne.
- Ne t'en fais pas, ils ont ma confiance et j'ai la leur.
- Si tu leur fais confiance, ça va alors.
- Commence par me dire ce que tu sais sur ce qui s'est passé, lui demanda Pater.
- Je sais rien du tout à part que je suis dans la merde. Yggen devait du pognon à un gars de chez nous. Un tieffelin qui se fait appeler Skalafaar. En gros il ont joué ensemble et Yggen a tout cramé comme d'hab'. De toute façon il a jamais su jouer ce petit. Enfin bref. Du coup je lui ai fait un peu peur mais gentiment, juste histoire de le motiver un peu à payer. Et puis j'ai plus entendu parler de lui jusqu'à ce que ta pote viennent me dire qu'il était mort.
- Et Anietta ?
- Elle s'est pointée tout à l'heure en disant qu'elle devait se cacher, qu'elle voulait pas mourir. Elle m'a dit que tout était arrangé, qu'elle avait le bouquin ou je sais pas quoi. Du coup je l'ai mise dans une des chambres.
- Quel bouquin ?
- J'en sais rien moi. Et je ne veux pas en savoir plus.
- Je peux le prendre si tu veux. Il est dans la chambre ?
- Mais puisque je te dis que j'en sais rien ! Si tu le veux, fais toi plaisir, moi je touche pas à cette merde. Ça pue cette histoire. C'est peut-être un livre du Conseil, tu vois ? Genre un livre de compte un peu tendancieux ou ce genre de truc.
- Je vais regarder. Tu peux ouvrir la chambre ?
- Ok mais tu fais vite. »
Pater examina la chambre rapidement mais ne trouva pas la moindre trace d'un livre. Erguel referma la porte à clé lorsqu'ils furent de nouveau tous deux dans le couloir.
« Je vais préparer des affaires pour m'enfuir. Va chercher tes potes et ramène les ici. »
Le tavernier ouvrit une des portes, entra et s'enferma à l'intérieur à double tour. Pater descendit chercher ses compagnons.
***
« Ça te dirait qu'on joue ensemble ? On partage les gains cinquante-cinquante, demanda le tieffelin assis sur l'estrade.
- Ouais carrément ! répondit Ginger qui s'était calmée depuis l'incident avec Gurda.
- T'es pas du coin je me trompe ? C'est la première fois que je te vois ici.
- En effet, répondit-elle avec son habituel sourire. Je suis venu pour la bibliothèque.
- Ah je vois. Pour le Collège du Savoir ?
- Oui exactement. Tu en fais parti toi aussi ?
- Ouais. Mais je suis pas très doué. Et puis mon chemin m'a mené sur d'autres routes. Enfin bon. De temps en temps, j'aime bien gratter un peu de luth, ça me rappelle mes années de barde. »
Ginger prit le temps de l'observer avec attention. Il avait les cheveux long et noirs et portaient des habits chics. Deux énormes cornes rouges pointaient verticalement au dessus de ses tempes. À ses côtés se trouvait une armure d'écaille sombre, une masse d'arme et un épais manteau de cuir qui avait visiblement bien vécu. Ginger remarqua une chaîne autour de son cou au bout duquel devait se trouver un pendentif ou un médaillon, caché sous sa chemise.
« Quand tu dis que ton chemin t'as mené sur d'autre routes, tu entends quoi par là ? Tu es devenu mercenaire ? prêtre ?
- J'imagine qu'on peut dire ça oui. Je suis devenu une sorte de prêtre.
- Tu honores quel dieu alors ?
- On a pas trop l'habitude de dire son nom à vrai dire. Quand tu l'as vu, t'as pas vraiment besoin de connaître son nom. C'est difficile à expliquer.
- C'est marrant, je connais un prêtre qui dit le même genre de choses.
- Qui ça ?
- Un humain du nom de Sylfis.
- Ah oui, ce vieux dingue, réagit-il en riant. Je l'ai déjà croisé.
- C'est marrant ça. Et du coup, vous priez le même dieux.
- Peut-être. Ou pas. Qui sait. Bon on chante ? Si ça te va, je fais la première pendant que tu accompagnes et on échange pour la suivante.
- Ça marche. Je suis prête. »
Le tieffelin commença alors à chanter. Il avait une voix grave qui rappelaient les grondements des flammes et portait sans mal dans toute la salle commune. Peu à peu, le silence se fit dans l'assistance qui écoutait avec attention les paroles du chanteur. Ginger grattait les cordes de son luth avec régularité. Le tieffelin parlait de son peuple. Une communauté mal comprise et recluse. Il rappelait à tous la chance que représentait la Cité pour eux et insistait sur le pouvoir de la solidarité. Il conclut son chant sur une note optimiste, prédisant une ère de respect et de paix pour les tieffelins qui saurait s'unir et vivre en harmonie dans la cité. La majorité de l'assistance salua sa chanson avec des applaudissements. Certains sifflaient et plusieurs tieffelins levèrent leur verre en son honneur. Le demi-elfe, bras dessus bras dessous avec une jeune et svelte tieffeline, s'engagea dans l'escalier l'air de rien, alors que la barmaid applaudissait.
***
Pater ne tarda pas à remonter avec ses amis, à l'exception de Ginger qui se trouvait encore sur la scène. Il leur expliqua rapidement la situation.
« C'est cette chambre là ? demanda Aldéir en montrant une porte du doigt.
- Oui mais Erguel l'a verrouillé avant de s'enfermer là bas.
- Tu ne peux pas lui demander la clé ? demanda Akan.
- Dans son état, je pense que ce n'est pas une bonne idée. J'ai réussi à le calmer un peu mais il reste très agité, répondit le druide.
- Je vois. »
Des gloussements discrets s'élevèrent de l'escalier. Quelques instants après, le demi-elfe surgit à l'étage avec une jeune tieffeline.
« Il y a foule ici apparemment, dit-il sur un ton ironique.
- Allez viens, on s'en fiche. Une fois dans la chambre, on sera plus que nous deux, rétorqua la demi-démone avec un sourire sensuel.
- Vas y je te rejoins dans quelques instants. Tu n'as qu'a commencé sans moi si tu veux, lui répondit-elle sans même la regarder. »
La tieffeline s'éloigna prestement, visiblement vexée. Elle claqua la porte d'une des chambres du bout du couloir.
« Vous avez besoin d'aide ? demanda le demi-elfe en fixant Akan du regard.
- Ça dépend. Tu sais ouvrir une porte verrouillé sans sa clé ? lui répondit le drakéide, intrigué.
- C'est possible oui.
- Et bien vas y alors. »
Le demi-elfe lui jeta un regard amusé et s'approcha de la serrure. Il sortit alors un crochet et un tendeur de sa tunique et commença à les insérer avec précaution dans l'ouverture.
« Vous travaillez pour qui ? demanda-t-il en s'agenouillant devant la porte.
- Le Conseil, lui révéla Akan, décidant de jouer cartes sur table avec cet étrange individu.
- C'est bien ce qu'il me semblait. Vous êtes les enquêteurs. Xanaphia m'a demandé de vous trouver. »
En moins de trois secondes, il fit claquer la serrure et ouvrit la porte avec une petite révérence moqueuse. Au même moment, des bruits de pas se firent entendre de l'escalier.
« Allez-y, je m'en occupe, dit-il avec assurance. »
Il se leva avec une étonnante agilité et se rendit à la rencontre du nouveau venu, un sourire affable sur le visage.
« Ah mon ami ! Quelle hasard de te croiser ici !
- On se connait ? répondit l'homme avec une certaine confusion.
- Bien sûr qu'on se connaît ! On a joué aux cartes ensemble, lui répondit le demi elfe en lui passant un bras autour des épaules et en l'entraînant en bas. Tu sais que depuis, j'ai fais la connaissance des superbe petit bout de femmes ? Ça te dirait que je te les présente en bas ?
- Bah ouais pourquoi pas ! répondit l'homme, quelque peu ivre. »
Ils descendirent les marches alors qu'Akan et ses amis entraient dans la chambre où se trouvait Anietta et refermait la porte derrière eux.
***
Ils parcoururent la petite pièce avec soin mais ne parvinrent pas à mettre la main sur le fameux livre dont avait parlé Erguel. Akan et Aldéir examinèrent le corps d'Anietta. Ils dénombrèrent pas moins de seize coups de dagues. Les chairs autour de chacune des plaies étaient boursouflée et brûlé à l'acide. Une analyse approfondie des rôdeurs leur apprit que l'un des coups avaient été mortel. Tous les autres n'avaient servi qu'à assouvir les penchants pervers de l'assaillant. Le corps était encore chaud.
« La porte était verrouillée quand vous êtes arrivés ? demanda Aldéir.
- Oui, lui répondit Pater, sûr de lui. »
Akan échangea un regard avec l'elfe et tous deux se tournèrent comme un seul homme vers la fenêtre entrouverte. Il s'y ruèrent ensemble et regardèrent à l'extérieur. Ils se trouvaient à presque quatre mètres du sol. Akan passa la tête à travers la chambranle et se rendit compte de la proximité du toit. Il pouvait y poser sa main à plat sans même se mettre sur la pointe des pieds. Aldéir comprit presqu'en même temps.
« Je vais grimper sur le toit, dit Akan avec assurance. Le tueur s'est probablement enfui par là.
- Entendu mais reste à portée. On te rejoindra si tu trouves des traces du passage de l'assassin.
- Très bien. »
Le drakéide, qui avait passé sa vie à grimper dans les montagnes, s'étira le dos. Il posa sa main droite à plat sur le toit et sa main gauche en opposition sur la chambranle. Il donna ensuite un violent coup de bassin, le tronc contracté, qui lui permit de rejoindre le toit dans une élégante acrobatie.
Il voyait devant lui une bonne partie de la ville qui brillaient de mille feux malgré la nuit. Il se sentit immédiatement observé, sans pouvoir déterminer l'origine de son malaise. Il ne lui fallut pas une minute pour découvrir des tuiles brisés et déplacées : quelqu'un avait marché sur le toit.
«Quelqu'un est passé par ici récemment, dit-il à l'attention de ses compagnons.
- Je te rejoins. Tu me donnes un coup de main ? demanda Aldéir.
- Bien sûr. »
Akan tendit sa main à travers le fenêtre et se campa sur ses deux jambes. L'elfe prit un peu d'élan et s'élança sur le toit, se servant du bras d'Akan comme d'un appui. Gurda fut la suivante. Pendant ce temps, Pater avaient descendu les marches et faisait signe à Ginger.
***
Lorsque l'assemblée eut fini d'applaudir le tieffelin, un grand nombre d'entre eux se levèrent pour venir déposer quelques pièces dans le chapeau qui se trouvait au bord de la scène. Bientôt, Ginger s'avança et commença à chanter à son tour, accompagné du luth du tieffelin. Elle raconta une version quelque peu exagéré de l'initiation de Pater. Elle décrivit comment le brave tieffelin avait vaincu un tigre à dent de sabre gigantesque en se transformant en ours. Dans cette version, le combat s'était terminé sur la victoire de l'énorme ours brun qui décidait d'épargner la vie de son adversaire en signe de grandeur d'âme et de respect. Lorsqu'elle termina sa chanson, un tonnerre d'applaudissement retentit dans la salle. Lorsque les deux bardes terminèrent de compter leur gains, le tieffelin lui dit :
« Félicitations à nous. "Ca nous fait douze pièce d'argent chacun.
- Super ! s'exclama Ginger tout sourire en empochant son cachet.
- Ce n'est pas votre fameux ami druide qui fait des signes de mains en bas des escaliers ?
- Je crois que si. Je vais devoir te laisser. Au plaisir de te recroiser alors !
- Pareillement, répondit-il en inclinant la tête. »
Elle sauta au bas de l'estrade et se dirigea à pas rapide vers Pater.
« Que se passe-t-il ? demanda-t-elle lorsqu'elle fut à sa hauteur.
- Pas le temps de tout t'expliquer, lui répondit-il en l'entraînant à l'étage. Anietta est morte en haut. Son corps est encore chaud et le tueur est passé par les toits. Akan, Aldéir et Gurda sont déjà à sa poursuite.
- On sait qui c'est ? demanda la gnome.
- Non mais les blessure qu'on a vu sur son corps ressemblent beaucoup à celle des cors du village des gnomes. Les mêmes traces de brûlure.
- On ferait mieux de se dépêcher. »
Pater passa le premier sur le toit, aidé par Aldéir et Akan. Ginger s'élança à son tour mais ne parvint pas à atteindre la corniche. Elle se sentit tomber lorsqu'un mot de pouvoir retentit dans la nuit. Elle se sentit soudain très légère et toucha le sol tout doucement, comme si elle s'enfonçait à travers un duvet de plumes. Devant elle se trouvait le “démon aux yeux jaunes”.
« Ça va ? Faut pas monter sur le toit tu sais, c'est dangereux en général. Ils font quoi tes potes ? Une soudaine envie de promenade ?
- Merci de ton aide. Ça va. T'es qui au juste ? Pourquoi tu m'as aidé ? demanda la gnome avec suspicion.
- Je suis un ami, répondit le demi-elfe surpris des questions de la gnome. Xanaphia m'as demandé de vous aider et m'a dit que je vous trouverai ici.
- Quand est-ce que tu as vu Xanaphia exactement ? continua-t-elle sèchement.
- En début d'après-midi il me semble, pourquoi ?
- Tu as des preuves de ce que tu avances ?
- Nan je n'en ai pas, lui répondit-il acerbe. Écoute, la prochaine fois que tu fera une chute mortelle, je m'assurerai de t'envoyer des preuves avant de t'aider.
- T'es au courant qu'elle est morte ? lui demanda Ginger de but en blanc.
- Non je ne le savais pas. C'est une bien triste nouvelle. Mais je n'y suis pas pour grand chose. Tu veux que je vous accompagne ? proposa le demi-elfe.
- Je sais pas qui tu es alors franchement, tu fais ce que tu veux mais moi je dois y aller ! lui répondit Ginger en s'élançant au sol à la suite de Pater qu'elle apercevait en haut du toit et qui avait déjà commencé à courir.
- Si tu le prends comme ça, je te laisse alors. Bon vent ! cria-t-il avant de s'éloigner d'un pas nonchalant vers l'entrée de l'auberge. »
Pendant ce temps, le reste du groupe avait continué de progresser sur le toit de l'auberge en suivant la piste tracée par les tuiles. Ils avaient rapidement atteint l'un des bords de la toiture. Aldéir observa les tuiles qui recouvraient le bâtiment qui se trouvaient en face d'eux, à moins d'un mètre. Il repéra la suite de la trace et sauta pour la rejoindre, imité par Akan, Gurda et ensuite Pater. Ginger qui les avaient suivi au sol remarqua une échelle à proximité du bâtiment sur lequel ses amis venaient d'atterrir. Elle se dépêcha de les rejoindre. Lorsqu'ils furent tous réunis, ils continuèrent de remonter la piste de leur cible.
Ils parvinrent bientôt à proximité d'une fenêtre ouverte, directement en contrebas, d'où s'échappait les bruits d'une conversation qu'Akan et Pater identifièrent comme de l'infernal, le parler des démons et des tieffelins. Akan concentra ses sens aiguisé et parvint à entendre une partie de la discussion :
« .. Oui j'ai réussi à trouver le livre. Je peux arracher toutes les pages du rituel.
- …
- Non, je n'ai pas encore la quatrième pierre.
- …
- Je sais bien mais le livre est codé. Je ne comprend rien à ce qu'il est écrit.
- …
- Entendu. »
Le silence s'installa dans la nuit. D'un regard ils avaient décidé de la suite : ils allaient pénétrer par la fenêtre et confronter l'assassin.
***
Pater y alla le premier. Il s'accroupit et se glissa au travers de la fenêtre ouverte. Il n'avait pas encore touché le sol qu'un tieffelin, posté à côté de la fenêtre rapière et dague en main, l'empalait simultanément au foie et au poumon. La douleur de sa chair perforé se mélangeait à une sensation de brûlure caustique qui lui fit perdre conscience instantanément. Il s'effondra lourdement alors qu'Aldéir prenait sa place.
Celui-ci, surprit par la présence du corps de Pater, ne parvint pas à s'équilibrer lorsqu'il toucha le sol de la pièce et tomba à genoux. Le tieffelin lui planta sa dague dans le dos et l'envoya au sol d'un coup de pied si violent que sa tête percuta le plancher en brisant une des planches. Un dernier coup de rapière au creux des reins le mis hors combat définitivement.
Akan, qui avait entendu les bruits de lutte se laissa glisser à l'intérieur, prêt à se défendre. Il réalisa qu'il connaissait le tieffelin qui se trouvait devant lui alors que celui-ci le transperçait avec sa lame enduite de ce poison acide. C'était celui que ses compagnons et lui avaient croisé à l'auberge du Lac de Tourbe. Le demi-démon s'approcha d'Akan, retira sa rapière du torse du drakéide d'un coup sec et lui asséna un violent coup de pommeau à la tempe qui l'envoya au tapis.
Gurda fit irruption dans la pièce au moment où le rôdeur s'écrasait sur le plancher. Elle dégaina sa hache de bataille, s'en saisit à deux mains et poussa un cri féroce. Son corps tremblait de rage lorsque le tieffelin lui porta un coup de rapière puis de dague. Ignorant la douleur et naturellement résistante au poison dont il avait enduit ses armes, Gurda se jeta sur lui et lui planta sa hache dans le flanc droit, entamant profondément son armure de cuir. Ginger glissa à son tour à travers la fenêtre mais perdit l'équilibre sur le corps de Pater toujours inconscient.
L'assassin grogna de douleur et planta sa dague dans le dos de la naine qui tomba lourdement. Il donna un second coup à la naine qui s'effondra pour de bon. Ginger se relevait à peine lorsqu'il la transperça de sa rapière empoisonnée. Elle sombra à son tour dans l'inconscience...