Joué le 4 juillet 2020
Lorsque les aventuriers ouvrirent les yeux, ils se trouvaient dans une large pièce baignée de lumière et étaient étendues sur de simples mais confortables couchettes. Un à uns, ils se redressèrent en réalisant que leurs blessures avaient disparues. Ils se sentaient en pleine forme. Un jeune homme qui ne devait pas avoir plus de vingt-cinq ans se porta à leur rencontre dès qu'ils se mirent à bouger. Ses cheveux mi-long étaient blond, presque doré, et brillaient sous l'effet de la lumière ambiante. Il portait de fin vêtements bleu et blanc.
«Par la lumière, vous êtes réveillés ! s'exclama-t-il. Je vous souhaite un bon retour parmi nous. Je suis Frère Éric, grand prêtre du temple de la Lumière. Comment vous sentez-vous ? Après les blessures que vous avez subis, c'est un miracle que vous soyez en vie ! Il semble que la lumière ne soit pas encore prêt à vous abandonner.
- Moi ça va super, répondit Gurda de son habituel ton bourru.
- Je suis ravi de l'apprendre, répondit frère Éric avec un sourire.
- Combien de temps avons-nous été inconscients ? demanda Aldéir.
- À peu près dix heures je dirais. Je vous prodigue des soins depuis qu'on vous a amené à moi au cours de la nuit dernière. J'avoue avoir perdu un peu la notion du temps, ajouta-t-il en regardant à travers l'un des nombreux vitraux qui laissait passer la lumière. Il doit être à peu près midi je dirais, l'astre solaire est haut dans le ciel.
- Vous savez comment on s'est retrouvé ici ? demanda Ginger.
- Comme je vous le disais, des chevaliers vous ont transporté jusqu'au temple. Apparemment, l'un de vos admirateurs les a alerté. De ce que j'ai compris, il était très agité et a mené les gardes jusqu'à la chambre dans laquelle vous vous trouviez. Un homme se trouvait déjà là et essayait d'enfoncer la porte mais il s'est enfui dès qu'il a vu les chevaliers arrivé.
- À quoi ressemblaient cet homme ? continua Ginger. Celui qui essayait d'entrer dans la chambre.
- C'est un demi-elfe plutôt connu dans le coin. Les gens le surnomme le démon aux yeux jaunes il me semble. Il est assez fin, avec de long cheveux pâle, presque blanc. Quoi qu'il en soit, le principal est que vous ayez été retrouvé à temps.
- C'est sûr, répondit Ginger. On vous en doit une bonne !
- Ce n'est rien, lui assura le clerc. En tant que fils de la Lumière, je ne pouvais pas laisser mourir sans rien faire. Et puis vous étiez au service du Conseil donc il en allait aussi de mon devoir de chevalier. Je dois d'ailleurs vous dire que le roi Kirk Laméhor a émis le souhait de vous rencontrer lorsqu'il a entendu ce qui vous était arrivé pendant votre enquête.
- Et la course ? demanda Akan.
- Elle a eut lieu hier soir comme prévue.
- Qui a gagné alors ? demanda Ginger avec curiosité.
- C'est le preux Sir Davos qui a remporté la victoire. Il était favori depuis si longtemps maintenant que sa victoire ne faisait pas l'ombre d'un doute de toute façon. Le Conseil se réunit dans deux heures pour une session extraordinaire. Je vous propose que nous nous y rendions ensemble, si vous vous sentez suffisamment remis.
- Ce sera parfait, répondit Akan après avoir échangé un regard entendu avec ses compagnons. Nous serons prêt. »
Frère Éric les salua une dernière fois avant de prendre congé.
La pièce dans laquelle ils se trouvaient était stupéfiante. L'édifice était constitué de pierres très claires sur lesquelles se réfléchissait la lumière qui filtrait au travers des nombreux vitraux. Au centre de la salle se trouvait une magnifique fontaines de pierre blanche qui accentuait encore l'atmosphère de calme et de sérénité qui régnait déjà dans cette partie du temple. La lumière du soleil nimbait l'eau en suspension d'un superbe halo irisé qui semblait provenir de toute les directions tant la pièce était éclairée. Outre les quelques couchettes qui avaient été installé pour les accueillir, la vaste salle de pierre était sobrement était sobrement meublé : des bancs de bois, un écritoire et quelques râteliers. Une magnifique armure blanche et dorée étaient disposé contre un des murs. Ajustée pour un individu fin, elle se composait d'un plastron auquel été fixé une large bande de tissu immaculé qui descendait à hauteur de tibia, de chausses ainsi que de deux grèves et gantelets. Les chausses ouvragées étaient rehaussées sur les côtés de deux imposantes tassettes qui couvraient l'intégralité des jambes, ornées du symbole de la lumière que l'on retrouvait un peu partout dans la pièce. Aldéir et Gurda jaugèrent l'armure d'un oeil expert et estimèrent tous deux qu'elle devait appartenir à frère Éric.
Les jeune héros passèrent l'heure qui suivit à se détendre, chacun à leur manière : Ginger faisait glisser distraitement ses doigts sur son luth, cherchant le mot juste dans le conte qu'elle composait. Pater, assis en tailleur à même le sol, comme à son habitude, méditait. Les yeux fermés, il s'efforçait de ressentir les énergies naturelles qui l'entouraient afin de les canaliser dans son propre corps. Akan, Aldéir et Gurda, quant à eux, s'étaient vite remis debout et avaient décidé de faire quelques passes d'entraînement, afin de désengourdir leur membres raides.
***
Lorsque frère Éric revint, les aventuriers avaient complètement récupéré et se sentait prêt à repartir à l'aventure. Ils s'engagèrent en sa compagnie dans les rues de la cité. Celles-ci étaient noires de monde en ce début d'après-midi et la foule semblait encore en liesse, alors même que la course avait eut lieu la veille. Ils croisèrent bon nombre de jeune gens qui échangeaient gaiement sur les résultats de la chevauchée, vantant la maîtrise des participants et évoquant quelques moment marquants de l'événement. Même si quelques une des décorations urbaines avaient disparu, la plupart des banderoles et des tenture ornaient toujours les murs de la ville.
Frère Éric avançait d'un bon pas, en répondant aimablement aux nombreux gens qui le saluait. Les passants inclinaient la tête en signe de respect, les enfants arrêtait de courir pour le laisser passer et certain chevaliers allait même jusqu'à le gratifier d'un véritable salut militaire auquel il répondait d'un hochement de tête solennel en touchant le médaillon qu'il portait autour du cou. Le groupe d'aventurier suivit le grand prêtre jusqu'à un imposant édifice de pierre gardé par quatre chevaliers en armes. Ceux-ci saluèrent frère Éric avec déférence et s'écartèrent pour le laisser passer. Il pénétra dans le grand bâtiment, suivi des cinq héros. Au terme d'un court corridor, le groupe déboucha dans une vaste salle dans laquelle étaient rassemblés presque cinquante personnes. Frère Éric ne ralentit pas le pas et avança à travers la foule qui pour rejoindre le fond de la salle où se trouvait le reste des membres du conseil. Sur un signe de sa part, les cinq héros l'imitèrent. La salle dans laquelle ils se trouvaient était sobre. Il n'y avait pas de mobilier à l'exception d'un large siège de bois qui occupait le fond de la pièce, sur une petite estrade. Au dessus de celui-ci était suspendu le blason de la cité : trois couronnes disposées respectivement sur des fonds vert, rouge et jaune. Les autres murs de pierre étaient nus mais la charpente de bois qui était apparente était omniprésente. Dans l'assemblée, les discussions allaient bon train.
« Ah ! C'est donc vous les fameux enquêteurs dont j'ai tant entendu parler ! Je suis Ulfgar Dartrek. » s'écria un vieux nain en s'approchant d'eux. Il avait une épaisse toison rousse ramené sur l'arrière de son crâne et qui rejoignait son abondante barbe. De longues mèches grisonnantes se mêlaient à sa chevelure et à sa barbe. Il portait de beaux vêtements bleu et or qui ne laissait que peu de doute quant à son appartenance à la caste des nobles. Il était accompagné de dame Sigrid Laméhor.
« Que vous est-il donc arrivé ? continua-t-il.
- Nous avons fait une mauvaise rencontre, répondit Akan, laconique.
- Voilà qui est étrange pour une simple histoire de palefrenier.
- Je crains que notre travail pour le Conseil et la raison de notre présence en ces murs ne se soient avéré plus enchevêtré que prévu, ajouta Aldéir.
- Je pense comprendre ce que vous voulez dire, intervint Dame Sigrid. Vous faites certainement référence à vos inquiétudes concernant les attaques gnolls qui vous ont mené jusqu'ici.
- En effet ma Dame, acquiesça le rôdeur avec un sourire.
- Votre présence ici est donc des plus intéressantes. Il se trouve que le Conseil se réunit aujourd'hui en session extraordinaire car des rapports nous indique que des mouvements de gnolls ont été repéré à proximité de la cité. Vos informations pourront sans aucun doute s'avérer utile dans les discussions qui vont suivre.
- Je vois que vous êtes remis, dit alors Sir Michael Timber en se joignant à la conversation.
- Tout à fait. Nous devons notre rémission au bons soins de frère Éric, lui répondit Aldéir.
- Tant mieux ! D'autant plus que l'on m'a rapporté que vos blessures étaient particulièrement graves.
- Tout à fait, confirma frère Éric. Des blessures mortelles et d'une rare cruauté.
- Mes hommes sont toujours à la recherche de celui qui vous a attaqué, continua le vieux chevalier, mais nous n'avons aucun élément sur son identité. Il avait déjà fuit les lieux lorsque vous avez été retrouvés. En revanche un demi-elfe qui tentait d'enfoncer la porte à prit la fuite à la vue de la garde de la cité. Nous ne l'avons pas encore retrouvé mais ce n'est qu'une question de temps.
- Ce demi-elfe ne nous voulait aucun mal, réagi Akan, il nous est venu en aide un peu plus tôt dans la soirée.
- Je n'en doute pas. D'ailleurs il souhaitait entrer dans la pièce lorsque mes hommes sont arrivés. Mais un homme qui n'a rien à se reprocher ne prend pas la fuite devant la garde. »
Sir Peror s'avança à son tour vers le groupe, accompagné d'un étrange demi-elfe. Il portait une armure faite d'écorce, de feuilles et de tissus qui lui couvrait la haut du torse et les épaules. un long manteau vert en lambeau était agrafé sous ses épaulettes. Ses braies vertes et rouges semblaient usés par le temps et le grand air. Il tenait une longue et noueuse branche de vigne dans la main droite, comme un grand bâton de marche.
« Bonjour à vous amis aventuriers, les salua Sir Peror aimablement. Je suis ravi de voir que vous avez récupéré de vos blessures. Je vous présente Keren dit le vagabond, un membre du conseil.
- Bonjour, compléta celui-ci machinalement en fixant Pater des yeux. Bon on va la faire cette réunion à la fin ? Si il y a des gnolls qui se regroupent, il faut qu'on réagisse vite pour protéger le bosquet.
- Et les habitants de la cité, ajouta Peror avec un regard insistant.
- Oui aussi bien sûr, reprit Keren rapidement.
- Vous parlez du bosquet derrière la bibliothèque ? demanda Aldéir.
- Tout à fait, lui répondit Sir Peror.
- La cité a donc été construite autour du bosquet ? Pour le protéger ? continua le rôdeur.
- Plus ou moins, lui répondit Keren. C'est plutôt que le bosquet est le dernier vestige de nature au milieu de cette cité et de sa civilisation un peu trop envahissante.
- Civilisation sans laquelle, le bosquet aurait disparu depuis longtemps, intervint dame Sigrid. »
Avant que Keren puisse répondre, les portes qui se trouvait à droite de l'estrade s'ouvrirent et le silence se fit dans la salle tandis que le roi Kirk Laméhor pénétrait dans la pièce. Toutes les personnes présentes inclinèrent la tête, sans exception. Les aventuriers firent de même alors que le roi prenait place dans son trône. C'était un jeune homme d'une trentaine d'année au visage glabre et aux yeux bleus. Ses cheveux blonds, soigneusement peignés, l'identifiaient comme un membre de la famille des Laméhor. Il était vêtu de riches habits bleu foncé ainsi que d'une épaisse cape en fourrure. Il ne portait pour seul bijoux qu'un collier dans lequel était incrusté plusieurs pierres précieuses.
« Je déclare la séance ouverte, dit-il d'une voix forte. Peror, veuillez rappeler l'ordre du jour je vous prie.
- Bien sûr mon roi. Cette session extraordinaire à pour but de discuter d'une part de l'attaque des jeunes aventuriers que voici dans le cadre de leur travail pour le conseil et d'autre part des mouvements de gnoll rapporté par Keren.
- Effectivement, je souhaite avoir plus de détails sur les circonstances de la mésaventure de nos enquêteurs. Les rapports de Keren mentionnent des mouvements de troupes organisées, n'est-ce pas ? L'histoire nous a prouvé qu'il est nécessaire d'agir au plus tôt avant que ces créatures ne deviennent une réelle menace pour la cité.
- Effectivement, lui répondit Keren.
- Je ne peux qu'appuyer votre connaissance de l'histoire mon roi, ajouta Sir Peror.
- Commençons tout d'abord par le cas de ces jeunes gens dont je ne connais même pas les noms, dit le roi en regardant Gurda.
- Je suis Gurda, du clan du Hêtre.
- Le clan du Hêtre ? répéta Kirk avec hésitation en se tournant vers Peror.
- C'est un petit clan qui se trouve dans les montagnes à l'ouest de la cité, mon roi.
- Ah oui je vois. Très bien, dit-il en posant son regard sur la gnome.
- Je suis la barde Ginger.
- Une barde. Voilà qui est très bien. Vous êtes venu dans notre cité pour rejoindre le Collège du Savoir ?
- Tout à fait, votre majesté, répondit la gnome avec un grand sourire.
- Fort bien. Vous avez fait un très bon choix. Notre grande cité est après tout le centre de la connaissance.
- C'est parfaitement exact, mon roi, appuya Sir Peror.
- Nous devons cela à nos illustres Sages bien entendu et à la grande bibliothèque qu'ils entretiennent en nos murs. Je ne doute pas que vous saurez faire rayonner notre belle cité à travers vos chansons, termina-t-il avant de porter son attention sur Pater.
- Je me nomme Pater. Je suis un druide du cercle de la lune.
- Et un tieffelin, compléta le roi. Nos murs comptent beaucoup de membres de votre peuple. Je déplore que bon nombre d'entre eux ne comptent pas parmi mes plus fidèles sujets.
- Voilà un bel euphémisme, réagit Dame Sigrid.
- Enfin ! reprit Kirk. Vous n'êtes pas responsables des actions de certains de vos semblables. Vous dites appartenir au cercle de la lune ?
- En effet, lui répondit le jeune tieffelin. J'ai fait le choix de rejoindre ce cercle de druide au mode de vie plus sauvage et nomade que le reste de notre communauté.
- Oui je vois. Il me semble que c'est aussi le cercle de Keren, n'est-ce pas ?
- En effet, mon roi, répondit celui-ci. Nous appartenons au même cercle, continua-t-il en fixant Pater avec intensité.
- Seigneur sangdragon ? demanda le roi en observant le drakéide.
- Je me nomme Akan, mon roi. J'appartiens à un fier clan drakéide des montagnes, aujourd'hui disparu. Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas entendu le terme de sangdragon.
- Il est vrai que nous continuons d'employer cette appellation ici, à la Cité des Trois Couronnes. Nous devons cela à la grande communauté de sage et d'historien que j'évoquais tantôt avec votre camarade barde. Que pensez-vous de notre cité ?
- Je la trouve agréable et cosmopolite, bien qu'elle ne me semble quelque peu étrange à moi qui n'ai jamais connu que les vastes étendues sauvages du nord.
- Je comprends sans mal votre surprise. J'espère que vous apprécierez votre séjour parmi nous malgré l'infortune dont vous avez été les victime. Je tiens à vous assurer personnellement que ce crime ne restera pas impuni. Seigneur elfe ?
- Je suis Aldéir de la famille Verteflammes, sire.
- Verteflammes ? C'est une famille en lien avec les Melonangol ?
- Non mon roi, répondit Peror. Il s'agit d'une autre noble lignée elfe.
- Ah très bien. Et que venez-vous faire dans notre belle cité ?
- Mes compagnons et moi même sommes en chasse. Nous avons assisté à un véritable massacre dans un village au sud d'ici et avons décidé de traquer les gnolls qui se sont enfuis. Notre périple nous amené jusqu'au Lac de Tourbe où un autre village avait été anéanti par nos proies ainsi qu'une autre tribu gnoll. Nous sommes venus ici pour rencontrer dame Xanaphia car ces attaques de gnolls semblent être liées à une ancienne prophétie connue sous le nom de prophétie des quatres éléments et des quatre enfants et sur laquelle la vénérable druide pouvait nous apporter des éclaircissements.
- Votre témoignage semble ainsi confirmer les rapports des éclaireurs que nous a relayé Keren. Vous confirmez donc qu'il ne s'agit pas d'un large groupe de gnoll mais bien d'une sorte de coalition entre plusieurs tribus ?
- Je confirme en effet que nous avons pu constater nous même au moins deux tribus différentes qui travaillaient de concert, lui répondit Aldéir.
- J'ajouterai même qu'elle semblaient être dirigées par le tieffelin qui s'en est pris à nous hier soir, compléta Ginger, provoquant des murmures dans l'assemblée.
- Je vois. J'aimerai connaître les détails de ces mouvements gnolls. Keren ?
- Vous avez déjà la plupart des détails du rapport. Nous savons que de large groupes de gnolls ont été repéré à quelques kilomètres de la cité. D'après les éclaireurs, ils se déplaçaient de manière coordonnée, comme le ferait une armée. Nous n'avons cependant pas plus d'informations quant à leur nombre ou leur destination.
- Tout cela ne me plait pas. Nous devrions nous préparer à la guerre. Que disent les présages ? Frère Éric ?
- Le temple de la lumière n'a à ce jour pas perçu de signes particuliers. Je crois me souvenir que l'un de mes disciple ait prédit une éclipse dans les prochains jours. Un tel présage n'est pas de bon augure mais je ne pense pas que cela ait le moindre lien avec l'affaire présente.
- Peror ?
- La mort de la vénérable dame Xanaphia pourrait être annonciateur de grands bouleversement à venir, mon roi. Outre ce tragique évènement, je crains de ne pas avoir d'autre informations à vous apporter.
- J'ai effectivement eu vent de cette triste nouvelle. Que son souvenir nourrisse la terre. C'est bien ainsi que l'on honore les druides ?
- Tout à fait, mon roi, confirma Sir Peror.
- Le simple fait que des tribus de gnolls aient décidé de s'unir sous une même bannière me parait déjà être un présage suffisant pour justifier la prise des armes sire, intervint Keren avec force.
- Effectivement, approuva Kirk. Que pense les Nobles d'une entrée en guerre ? Sigrid ?
- Vous le savez aussi bien que moi, la guerre n'est jamais souhaitable, répondit l'intéressée. Dans le cas présent, je ne peux que me ranger à l'avis général et me positionner en faveur d'une prise officielle des armes. Je pense cependant que celle-ci doit être effectué selon certaines conditions. Tout d'abord, je tiens à rappeler que c'est à l'Ordre des Trois Couronnes de défendre la Cité. Il est donc évident que le gros des forces devra provenir de leurs rangs. Bien entendu, la sécurité de la cité demeure la priorité des grandes familles que je représente. Dans l'éventualité d'un départ en guerre, nous pourrons également fournir des hommes, principalement au travers du service d'ost dans les provinces dont nous avons la charge. Nous pourrions également mettre à profit certains membres des familles qui ont reçu une éducation martiale. Pour ce qui est du financement de l'effort de guerre, il me paraît justifié que la famille Melonangol participent de manière importante. Il s'agit après tout d'une honnête contrepartie que d'investir dans la défense de la cité que l'on souhaite rejoindre. Ceci constituerait une belle preuve de leur loyauté envers les Trois Couronnes.
- Vos arguments me semblent sensés. Frère Éric, quelle est votre position ?
- Je pense que la guerre est malheureusement la bonne solution. En revanche, il me semble important de protéger la population en priorité. C'est pourquoi je souhaiterai que la majeure partie des chevaliers saints soient affecté à la protection de la cité et ne soient donc pas déployé au front.
- Keren ?
- Pour moi, il n'y a aucun doute à avoir. Il nous faut partir en guerre et le plus vite possible. Il nous faut déployer des homme en avant garde pour déterminer avec précision la localisation et le nombre de ces gnolls puis mener une attaque massive de front pour les anéantir une bonne fois pour toute. La ville est entourée de haute muraille qui lui permettront de tenir en cas d'attaque par un éventuel peloton caché. Nous pouvons nous permettre de lancer toute nos forces dans l'assaut, n'en déplaise au Temple de la Lumière, ajouta le druide en posant son regard dédaigneux sur frère Éric qui ne réagit pas.
- Je prends note de votre avis Keren. Qu'en pensez-vous Peror ?
- L'éventualité de partir en guerre m'inquiète, mon roi. Je sais bien que nous ne disposons jamais d'une vue d'ensemble pour prendre ce type de décision mais il me semble que nous manquons cruellement d'élément dans le cas présent. Je partage l'avis de Keren quant à la nécessité de déterminer leur nombre avant toute action militaire d'envergure mais il me semble tout autant important de comprendre leur motivation. Après tout, peut-être ne cherche-t-ils du tout à attaquer la ville. »
Keren lui jeta un regard presque méprisant mais préféra garder le silence.
« Michael ? continua le roi.
- Je suis de l'avis général. Il nous faut partir en guerre. Je regrette que les frères de lumière ne se joignent pas au combat mais je comprends néanmoins leurs motivations. Quoi qu'il en soit, soyez assuré que tous mes chevaliers et moi même prendront part à toute manoeuvre militaire que vous jugerez utile pour se débarrasser de cette menace. Je pense personnellement que nous devons attaquer de front. Même si nous avons à faire à plusieurs tribus de gnolls, j'ai toute confiance en mes hommes pour sortir victorieux d'une confrontation directe, quel que soit leur nombre.
- J'apprécie votre confiance Michael. Ulfgar, vous avez des choses à ajouter ?
- Je pense que tout a déjà été dit, sire. La guerre est mauvaise pour les affaires mais l'attente l'est tout autant. Plusieurs convois de marchandise ne sont pas arrivé ces derniers jours. Au vu des informations rapportées par Keren le vagabond, il y a fort à parier qu'ils soient tombé sur des gnolls. La situation ne peut perdurer ainsi. Cependant, je soutiens Dame Sigrid à propos de l'effort de guerre. Il est normal de mettre la main à la bourse pour la cité mais à condition d'être justement récompensé. Si les Melonangol souhaite officiellement rejoindre les familles de la cité, il est clair qu'ils vont devoir contribuer plus que les autres.
- Bien. Il me semble avoir entendu les avis de tous les membres du Conseil. Aventuriers, avez-vous des points à ajouter ?
- J'aimerai revenir sur le tieffelin qui nous a attaqué, commença Ginger. Comme je vous l'ai dit, nos informations le désigne comme l'actuel chef de la coalition gnoll. Sa présence dans la cité ne peut pas avoir été un hasard. Il était à la recherche de quelque chose en lien avec la prophétie mentionnée par Aldéir. Si il ne l'a pas déjà obtenu, il est certain qu'il reviendra, si tant est qu'il est quitté la ville, ce dont nous ne sommes actuellement pas certain. Votre cité abriterait-elle une relique ou un objet particulièrement puissant que pourrait rechercher le tieffelin ?
- Nous disposons en effet d'une relique. L'étendard des Trois Couronnes. Il s'agit d'une ancienne bannière qui fut brandie par les premiers rois de la cité. Elle symbolise l'entrée en guerre de la cité mais n'a pas été élevé depuis très longtemps.
- Tout à fait sire, approuva Sir Peror. Au moins un siècle.
- Pour ma part, il ne fait aucun doute que tout cela soit lié à la prophétie des quatres éléments et des quatres enfants, intervint Aldéir. Je pense d'ailleurs que dame Xanaphia, puisse-t-elle rejoindre les rives de l'Éternelle Rencontre, avait déjà vécu des des bouleversements similaires par le passé. Elle semblait dire que la situation ne faisait que recommencer mais que l'issue pouvait être changée. Je ne sais honnêtement pas si les gnolls ont l'intention d'attaquer la ville mais je pense que ce soit peu probable. Les récentes attaques dont nous avons connaissance tendent à montrer une toute autre motivation. Il s'agissait à chaque fois de village isolée et les assauts avaient toujours pour objectif la récupération d'un artéfact. Les disparitions de convois sont pour moi le résultat de rencontre malchanceuse avec les groupes de gnolls plutôt que d'une stratégie militaire.
- Je suis d'accord avec Aldéir, appuya Ginger. Tout porte à croire que la cité ne les intéressait que parce qu'elle abritait le livre de dame Xanaphia, aujourd'hui entre les mains du tieffelin.
- Exactement, continua Aldéir. Il y a d'ailleurs fort à parier qu'ils n'essaierons pas de prendre la cité par les armes pour s'emparer d'un quelconque autre artéfact. Ils préfèreront envoyer un agent seul, comme il l'ont fait pour le livre.
- Même si elles ne souhaite pas activement prendre d'assaut la ville, doit-on pour autant laisser vivre ces créatures ? demanda Keren sans laisser aucun doute quant à son opinion sur la question.
- Je n'évoquais ceci que pour apporter un autre éclairage concernant la défense de la cité, corrigea Aldéir. Il ne fait aucun doute pour moi que de ces monstres ne méritent de toute façon pas de fouler le même sol que nous. Je ne pense pas que le moindre débat soit nécessaire quant à la nécessité d'exterminer les gnolls.
- Merci de ces précisions, seigneur Verteflammes. Cette histoire de tieffelin m'intrigue. Vous êtes absolument certain que votre assaillant est celui qui dirige les tribus gnolls ?
- Cela ne fait aucun doute, sire, répondit le rôdeur. Il utilise des armes enduites d'un horrible poison qui brûle les chairs de ses victimes, laissant des marques très reconnaissables que nous avons relevé sur plusieurs sites attaqués par les gnolls et dont nous avons nous même fait l'expérience la nuit dernière.
- La chose est entendu. Nos éclaireurs nous préviendrons si les gnolls essayent d'attaquer la ville. Pour l'heure nous devons nous préparer. Ce tieffelin à commis un acte de guerre en s'en prenant à vous au sein de la cité alors que vous étiez mandaté par le Conseil. Il est clair aussi que les gnolls sont incapable de vivre en bonne entente avec les paisibles communautés locales et donc avec la cité. Vous êtes d'accord Michael ?
- En tout point, sire.
- Sigrid ?
- Je ne partage pas complètement ce point de vue mais je me plierai à votre décision. La négociation de demain midi avec les Melonangol sera alors très à propos.
- Effectivement, confirma Kirk. C'est donc entendu. Je déclare officiellement la cité en guerre, ajouta-t-il avec d'une voix forte qui suscita une vague d'agitation dans l'assemblée. Nous devons tout d'abord envoyer un signal fort à l'ennemi. Ensuite il nous faudra rassembler plus d'informations, certainement en envoyant des espions dans leur rangs. Nous allons hisser l'Étendard des Trois Couronnes. Il se trouve dans le tombeau de mon prédécesseur ?
- En effet sire, acquiesça frère Éric. Comme le veut la tradition.
- Bien. Je crois me souvenir que vous Harth et vous étiez proche ces dernière années. Vous avez vous même officié ses funérailles ?
- Tout à fait sire. Après que Harth se soit converti, nous nous sommes beaucoup rapprochés et il m'avait expressément demandé de m'occuper en personne de ses derniers honneurs.
- Je vois. Quoi qu'il en soit j'irai en personne exhumer l'étendard, une fois la séance terminée.
- Je crains que ce ne soit pas possible sire, intervint frère Éric. Elle ne peut être récupéré que demain midi, lorsque le soleil sera à son zénith. Le rituel impose de plus que le porteur ait été béni par la lumière très récemment ce qui n'est pas votre cas, bien que cette partie puisse aisément s'arranger. »
Il avait parlé d'une voix gênée qui fit tiquer Pater. Il ne faisait aucun doute pour le tieffelin que frère Éric mentait.
« Même si j'acceptais de recevoir la bénédiction de la lumière, je ne pourrais toujours pas récupérer la relique demain midi en raison des négociations avec la famille Melonangol. Je m'étonne cependant de ne jamais avoir entendu parler de ces contraintes, réagit le roi, quelque peu soupçonneux.
- C'est tout à fait normal mon roi, il s'agit d'une demande particulière du roi Harth qu'il m'avait formulé à la fin de sa vie. Cela ne présente cependant pas de réels problèmes. Je pourrais aller chercher l'étendard moi même et vous le ramener une fois le rituel accompli.»
Sigrid et Peror échangèrent un regard surpris qui n'échappa pas à Kirk Laméhor. Celui-ci reprit alors :
« Si je comprends bien, n'importe qui peut exhumer la bannière à condition d'avoir reçu la bénédiction de la lumière dans les derniers jours. C'est bien cela frère Éric ? demanda le roi en souriant doucement.
- Tout à fait mon roi, à condition bien sûr que cela ait lieu à midi.
- J'imagine que les aventuriers dont vous vous êtes occupés ont dû recevoir cette bénédiction afin de pouvoir récupérer de leurs blessures. N'est-ce pas frère Éric ?
- Effectivement, répondit le clerc, habilement acculé par Kirk.
- Bien. Dans ce cas, ils iront chercher l'étendard et me le ramèneront immédiatement après le rituel. Vous confirmez que cela ne pose aucun problème frère Éric ?
- Pas le moindre sire. répondit celui-ci. Je n'avais tout simplement pas pensé à cette possibilité.
- Alors c'est entendu. Je suis sûr que ce sera un véritable honneur pour vous que de vous acquitter d'une si noble tâche. Si personne n'a rien à rajouter, je vais clore la séance.
- Excusez moi mon roi mais j'aimerai rajouter quelque chose, intervint Akan d'une voix forte.
- Je vous en prie seigneur Sangdragon.
- Il y a un point important qui n'a pour l'instant pas été évoqué mais qui me paraît crucial pour la défense de la cité. J'ai des raisons de penser qu'une créature bien plus dangereuse qu'un tieffelin ne soit à la tête des gnolls.
- Nous vous écoutons, l'encouragea Kirk avec intérêt.
- Comme vous l'a expliqué Aldéir, il semblerait que les gnolls soient à la recherche de quatre pierres, quatre anciens artéfacts mentionné dans la prophétie des quatre éléments et des quatres anciens. Il semblerait que l'une des pierres ait été récupéré par un dragon bleu nommé Urikach. »
Des exclamations de surprise et de crainte parcourent l'assemblée à l'évocation du monstre. Le silence se fit pesant. Aldéir reprit :
« Je dois aussi ajouter que dame Xanaphia partageait ma crainte que le dragon soit l'instigateur de cette quête des quatre pierre. Si c'est effectivement le cas, il est plus que probable que ce soit lui qui unissent les gnolls sous une même bannière.
- Des gnolls qui serviraient un dragon ? Est-ce là quelque chose qui s'est déjà vu ? demanda le roi d'une voix d'où perçait une pointe d'inquiétude.
- Je crains que oui, répondit Ginger. De nombreuses chansons font référence à des dragons s'entourant de créatures plus faibles pour accomplir leur méfaits.
- Certains texte que j'ai eut l'occasion d'étudier en font également mention sire, confirma Pater.
- Les légendes que nous racontaient les anciens de mon clan parlaient aussi des grands dragons chromatiques et de leurs armées de gobelins ou de kobolds, ajouta Gurda.
- Voilà qui change drastiquement la situation, reprit le roi avec gravité. Si un dragon menace la cité, le danger est réel. La région entière pourrait être menacée. Merci seigneur Sangdragon. Votre intervention a peut-être sauvé la vie de centaines de chevaliers. Il nous faut plus que jamais récupérer l'étendard et mener à bien les négociations de demain. Je vous attendrai demain midi sur les docks pour récupérer l'étendard. Maître barde, pourriez-vous accompagner cet évènement de vos talents ? Vous serez rémunéré par le conseil. Peror, pouvez vous conclure cette session du Conseil par un bref rappel de ce qui a été décidé, comme vous savez si bien le faire ?
- Bien entendu mon roi. Le Conseil a officiellement déclaré la cité en état de guerre en réponse à l'agression de représentants du Conseil la nuit dernière. L'étendard sera récupéré par le groupe d'aventurier avec l'aide de frère Éric et sera remis à sa majesté le roi Kirk Laméhor demain midi. Dame Sigrid et sa majesté participerons aux négociations de demain avec la famille Melonangol dans le but de financer la majeure partie de l'effort de guerre en échange d'une place parmi la noblesse de la cité. Cet or servira à se procurer le matériel nécessaire à la défense de la cité ainsi qu'à armer les hommes de l'ost qui sera levée dans tous les territoires sous contrôle des Trois Couronnes. Enfin, il a été décidé que des espions seraient missionné afin de rassembler des informations sur les positions et les forces ennemis.
- Excellent. Merci Peror. La séance est levée. »
Le roi se leva et disparut par la porte à gauche de l'estrade. Peu après, Keren jeta un dernier regard à Pater avant de quitter la salle à son tour. Peu à peu, l'assemblée qui avait assisté à la réunion du conseil se dispersa. L'atmosphère avant changée : le coeur n'était plus à la fête mais à l'inquiétude et la peur.
Frère Éric s'approcha d'Akan et lui dit :
« Il me reste quelques affaires à régler avant de partir. Je vous propose de nous retrouver au temple. Si vous préférez, vous pouvez rester un peu, je n'en ai pas pour très longtemps. De cette façon nous cheminerons ensemble.
- Frère Éric, le héla Sir Michael. J'ai à vous parler.
- Je vous laisse. Si je ne vous trouve pas ici lorsque j'en ai terminé, je vous rejoindrai au temple, dit-il avant de s'éloigner en direction du vieux chevalier. »
Dame Sigrid et Ulfgar discutaient ensemble dans un coin. Sir Peror s'approcha d u groupe d'aventurier.
« Je suis heureux que vous alliez bien. Et aussi que vous ayez assisté à cette session extraordinaire. On me surnomme le prudent, non sans raison, mais j'ai vraiment l'impression que nous manquons de recul sur la situation. Vos interventions respectives ont certainement contribué à combler ce manque, au moins partiellement.
- Votre prudence me semble justifiée, lui dit Pater. Surtout lorsqu'il est difficile de faire preuve d'une confiance totale au sein même de nos propres rangs, ajouta-t-il avec un regard lourd de sens.
- C'est là les jeux de la politique, lui répondit Sir Peror en lui rendant son regard, lui signifiant qu'il avait compris le sous-entendu.
- Pourquoi tu dis ça ? lui demanda Ginger étonnée.
- Beaucoup de membres du Conseil ont parfois un double langage, lui répondit Peror. Prenez le cas de Sigrid et Ulfgar. Ils se sont tous deux positionnés en faveur de la déclaration de guerre mais n'ont pas hésité à rappeler que leur intervention à un prix. Les apparences peuvent être trompeuse dans les eaux troubles que sont la politique d'une cité. Outre cela, votre ami faisait sûrement référence aux propos de frère Éric concernant le rituel d'exhumation de l'étendard. Le roi Harth, le prédécesseur du roi Kirk, était un excellent monarque qui avait pour frère Éric une réelle affection. Il le traitait presque comme son propre fils. C'est pour cela que je ne suis pas très surpris que frère Éric garde pour lui certains détails concernant la fin de la vie du roi Harth. Le roi Kirk l'a cependant habilement coincé en vous engageant pour récupérer l'étendard.
- À quoi sert cet étendard au juste ? demanda Akan.
- C'est avant tout un rappel de notre histoire, le symbole de l'union des trois factions qui forment aujourd'hui les trois couronnes de la cité. La légende veut qu'il accorde la victoire à ceux qui le brandisse et jusqu'à maintenant, l'histoire n'a pas démontré le contraire. En revanche, il faut que l'étendard soit manié par un porteur digne, sans quoi il tomberait en poussière. C'est en tout cas ce que raconte le mythe.
- Alors Sir Peror, vous allez bien ? demanda dame Sigrid en s'approchant.
- Oui, merci Dame Sigrid.
- Vous n'avez pas encore trouvé quelqu'un pour vous remplacer au Conseil ? demanda-t-elle avec ironie. Vous savez bien pourtant que la politique n'est pas un milieu pour vous, mon cher Peror.
- Je ne peux vous donner tort sur ce dernier point, Dame Sigrid. Mais je ne peux me résoudre à laisser Keren comme unique représentant de la caste des Sages. Le Conseil a besoin de quelqu'un de plus permanent, quelqu'un qui vivent dans nos murs.
- En effet, approuva-t-elle avant de se tourner vers Akan. Je voulais aussi m'entretenir avec vous des conclusions de votre enquête. Tous ont semble-t-il oublié de vous demander un rapport sur le travail pour lequel nous vous avons engagé. J'aimerai croire que c'est votre malencontreuse rencontre avec le tieffelin que vous décriviez plus tôt mais je sais bien que la raison est toute autre. Il est bien plus commode de laisser planer le mystère lorsque l'on souhaite accuser les nobles d'avoir empoisonné un palefrenier. Après tout, nous ne sommes que de vils créatures politiques ambitieuse et mesquine, prêt à tout pour atteindre nos vils objectifs. Contrairement à nos bon chevaliers qui sont un parangon de vertu à n'en point douter.
- Il me semble, dame Sigrid, que vous laissez vos sentiments obscurcir votre vision de la situation, intervint Sir Peror d'une voix calme et posée. La réalité est plus nuancé et vous le savez.
- Peut-être, Sir Peror, peut-être. Mais je ne suis pas connu pour faire preuve de subtilité. Je préfère parler sans détour et tel que je le pense. Peut-être fais-je preuve de trop d'impétuosité. Enfin, c'est ainsi que je suis et je ne compte pas changer, n'' en déplaise à certain. Donc ? Qu'avez-vous découvert ? continua-t-elle en reportant son attention sur Akan.
- Il semblerait que Yggen soit mort des suites d'un coup de sabot dans le crâne, commença Akan avant d'être interrompu par la noble femme.
- Il ne s'agit donc même pas d'un meurtre. Les accusations porté à notre encontre sont d'autant plus ridicules.
- Cependant, le cheval se défendait car Yggen avait été engagé pour l'empoisonner. Sa mort, bien qu'accidentelle, n'est donc pas simplement le fruit d'un malheureux accidents.
- Intéressant. Savez-vous qui l'avait engagé ? demanda Dame Sigrid avec intérêt.
- Nous avons été attaqué avant de pouvoir terminer notre enquête.
- Je vois. Vous n'avez donc pas la moindre preuve qui pourrait corroborer la thèse d'un quelconque complot. Il pourrait tout autant s'agir d'une banale affaire de paris dont les bas-fonds de la cité doivent regorger. Je sais qu'il ne faut pas dire du mal des morts mais il ne faut pas pour autant oublier les faits. Après tout, cet Yggen était un voleur avant de rentrer au service de Sir Davos. Je doute qu'il ai coupé tout lien avec le reste de ces racailles. Il n'a peut-être même jamais quitté cette prétendu guilde, elle donnait l'impression de cracher ce mot plus que de le prononcer.
- C'est parfaitement possible, concéda Akan, mais nous n'avons pas plus de preuve pour valider cette version des faits.
- Très bien. En ce qui me concerne, l'affaire est entendue. Je vous remercie pour ces précisions. Je vous souhaite une agréable après-midi et vous dit à demain-midi. Je me trouverai en compagnie de roi pour les négociation avec la famille Melonangol, étant moi-même à l'origine de cette rencontre.
- Quelle était exactement la finalité de cette rencontre ? demanda Akan. Avant les évènements d'aujourd'hui j'entends. Les Melonangol souhaitait renforcer leur relations commerciales avec la cité ou voulaient-ils intégrer la noblesse des Trois Couronnes ?
- C'est bien de titre de noblesse dont il s'agit, entre autre dans le but d'accroître leur emprise commerciale dans la ville. Bien entendu, le statut de noble leur permettrait également de siéger au Conseil.
- La surreprésentation de la caste des nobles ne serait pas un problème ?
- Pas du tout puisque le nombre de conseiller resterait inchangé. Les membres du conseil ne siège pas tous à toute les sessions, chaque couronne est toujours représentée par deux conseillers mais l'identité de ces représentants peut varier d'une fois sur l'autre. Il est vrai cependant que certains conseillers sont plus permanents que d'autre. C'est par exemple mon cas et celui de Sir Peror. N'est-ce pas ?
- Effectivement, nous sommes tous deux des exceptions à cette règle, comme l'était la vénérable dame Xanaphia.
- En tout cas, je vous remercie pour ce que vous avez fait pour la cité et en particulier d'avoir mis vos vie en danger. Je conçois que votre vie d'aventurier vous pousse souvent à cette extrémité mais cela ne diminue pas pour autant votre engagement. J'abhorre la violence sous toute ses formes mais je ne suis pas assez naïve pour ne pas réaliser qu'elle est parfois nécessaire. Et je préfère la savoir employée à la lumière de vos expériences plutôt que sur de simple rapport d'éclaireurs. »
Sur ces mots, elle inclina la tête et quitta la pièce, suivi par Sir Peror. Quelques minutes plus tard, Sir Michael sortit en trombe de la salle du trône, visiblement énervé. Frère Éric se porta alors à la rencontre des cinq aventuriers et il se mirent en route ensemble vers le temple de la lumière.
***
Le temple était aussi lumineux qu'ils l'avaient quittés presque trois heures plus tôt. Les lits sur lesquels ils s'étaient réveillés avait disparu et les fidèles avait réintégré la grande salle de la fontaine. Malgré la présence de quelques roturiers, la majorité des personnes présentes étaient des chevaliers en armure. Ils se recueillaient dans le silence. Lorsque frère Éric fit son entrée, accompagné du groupe d'aventuriers, les adeptes le saluèrent avec respect. L'un des chevaliers s'approcha du groupe, un sourire sur le visage. Les six jeunes héros reconnurent rapidement Sir Davos Courreplaine, dernier vainqueur de la grande course des trois couronnes.
« J'étais justement venu m'enquérir de votre état, dit le chevalier à voix basse. Je suis heureux de voir que vous vous portez mieux.
- Nous devons notre heureuse condition aux bons soins de frère Éric, répondit Aldéir.
- Gloire vous soit rendu mon frère, dit alors Sir Davos au clerc. Je crains malheureusement de ne pas pouvoir rester beaucoup plus longtemps en votre compagnie, s'excusa-t-il aux aventuriers. Je serai cependant honoré de vous recevoir pour partager un repas avec vous, si vous le souhaitez.
- Ce sera avec plaisir, répondit Ginger avec un grand sourire. »
Le chevalier les salua une dernière fois et quitta le temple d'un pas rapide.
« Si vous le voulez bien, j'aimerai vous parler en privé, déclara alors frère Éric.
- Bien sûr, accepta Akan avec l'assentiment du reste de ses compagnons. Nous vous suivons. »
Le clerc les mena alors dans un escalier de pierre auquel on accédait au travers d'une petite alcôve de la grande pièce. Ils arrivèrent bientôt devant une lourde porte de bois que le clerc déverrouilla à l'aide d'une petite clé de fer. Il les fit entrer, pénétra à son tour, et referma la porte derrière lui.
Ils se trouvaient dans une petite pièce qui ne devait pas mesurer plus de dix mètres carrés. La cellule ne contenait pour seul mobilier qu'un pupitre de bois et une paillasse pour le couchage. Un petit vitrail orné du symbole de la lumière apportait un peu de lumière dans la pièce en journée, tandis qu'un porte bougie de fer était fixé à l'un des murs pour l'éclairer la nuit. Le soleil rayonnant du temple était aussi tracé à la craie sur la porte. Le clerc posa sa main droite au centre du symbole de la porte et prit la parole :
« Vous êtes ici dans mes quartiers, commença-t-il avec un air grave. Je dois être honnête avec vous, il y a certaine choses que vous ignorez et dont je dois vous mettre au courant avant que nous allions chercher l'étendard, sans quoi vous risquez d'être surpris par ce que vous allez voir.
- C'est à dire ? demanda Akan avec calme.
- Notre ancien roi, Harth Laméhor n'est pas inhumé dans son cercueil avec la relique. Harth n'est pas mort. Il m'a demandé d'organiser cette mascarade afin de pouvoir abandonner la politique et finir sa vie au loin des intrigues de la cité. Il était comme un père pour moi, aussi ai-je accepté et lui ai-je promis de garder son secret des membres du Conseil et du reste de la cité. Vous n'êtes pas des habitants de notre cité, aussi ne suis-je pas parjure en vous le révélant si vous me promettez que cela restera un secret. Je vous assure que mes actes et propos ne sont motivé par autre chose que l'amour et l'admiration que j'éprouve pour Harth. Je ne souhaitais qu'exaucer le souhait de mon roi. Ais-je votre parole ? Jurez-vous de ne jamais divulguer ce secret à quiconque ? »
Akan plongea ses yeux dans ceux de frère Éric. Il y lut avec une certitude absolue que celui-ci était sincère.
« Vous avez ma parole, mon frère, répondit-il solennellement.
- Si Akan vous donne sa parole, ça me suffit, ajouta la naine. Je promets aussi, sur mon clan.
- Pourquoi ne pas avoir abdiqué ? demanda Aldéir, surpris.
- Ce n'est pas une pratique commune de notre cité, lui répondit frère Éric. À vrai dire, je ne crois pas qu'un tel événement ai déjà eu lieu depuis la création des Trois Couronnes. Nos rois et reines sont désignés par le Conseil mais règne jusqu'à leur mort.
- Je vois, reprit l'elfe. Je vous donne ma parole.
- Vous avez aussi la mienne, intervint Pater.
- Oui c'est d'accord, accepta aussi Ginger.
- Au nom de la lumière, je vous remercie. Je n'oublierai pas votre acte de foi. »
Il retira la main du symbole.
« Où se trouve le tombeau ? demanda Aldéir.
- En bas, des escaliers, après la salle de la fontaine. Je peux vous y emmener si vous le souhaitez.
- Ne devons-nous pas attendre demain midi ? demanda le rôdeur. »
Le prêtre replaça sa main sur la porte puis répondit après une courte pause.
« Harth ne m'a jamais demandé de bénir la relique, d'ailleurs je ne me trouvait pas avec lui lorsqu'il l'a placé dans sa tombe.. Il n'y a donc aucun rituel à accomplir pour la récupérer. Celui-ci n'était qu'un moyen de m'assurer que le roi ne découvre pas la vérité sur Harth.
- Je vois. Je pense qu'il est plus sûr de laisser l'étendard dans le tombeau le plus longtemps possible. Après tout, nous ne sommes pas censé pouvoir l'en sortir avant demain midi. Je serai malgré tout plus confiant si je pouvais m'assurer qu'il s'y trouve, ajouta Aldéir.
- Très bien, répondit le clerc en retirant la main de la porte. »
Il ouvrit la porte et les guida jusque dans une petite chapelle attenant à la pièce de la fontaine. Il y régnait la même douce et apaisante lumière que dans l'autre salle. Au centre de la pièce se trouvait un imposant gisant en pierre. Ils s'en approchèrent et l'examinèrent en détails. Il s'agissait d'un homme âgée qui portait une longue barbe taillée. Ses cheveux étaient tiré vers l'arrière et encadrait un visage serein. Il portait une longue robe orné de motifs compliqués.
« Je m'étonne de ne voir qu'un seul tombeau, réagit Aldéir.
- Nous n'avons pas de véritable caveau dédié aux sépultures de nos rois et reines. Après s'être converti, Harth avait fait le choix d'être inhumé ici. Son prédécesseur, Magnus le devin avait quant à lui décidé de reposer au Bosquet des sages. Tous sont libre de choisir leur dernière demeure, telle est la coutume. »
Le clerc s'approcha du socle de pierre et le fit coulisser de quelques centimètres. Il eut alors un mouvement de recul tandis que son visage se décomposait. Le sépulcre était vide.
« Je … Je ne comprends pas, bégaya le prêtre.
- L'étendard a peut-être été volé, risqua Aldéir. Vous avez dit vous même ne pas l'avoir protégé avec un quelconque rituel.
- C'est impossible. Personne ne peut pénétrer dans cette chapelle avec de mauvaises intentions. Les lieux sont sacrés et protégés. C'est entre autre une des raisons pour lesquels Harth et moi avons estimé superflu l'ajout d'une autre protection. L'étendard ne peut que se trouver dans le tombeau de Magnus.
- Il faut donc que nous nous y rendions, répondit Akan.
- Cela risque d'être plus compliqué que vous le pensez. Si il s'y trouve encore, c'est que Harth ne l'a pas récupéré. Il est donc toujours protégé.
- Que voulez-vous dire ? demanda Aldéir.
- Il est de coutume que l'étendard soit protégé par un rituel particulier qui permet de s'assurer que celui-ci ne soit pas volé. Lorsqu'un roi meurt, le rituel autorise n'importe qui à récupérer l'étendard pendant vingt-quatre heure. Une fois cette durée écoulée, seul le roi légitime de la cité peut se saisir de la relique sans risque.
- Vous seriez capable de lever la protection ? demanda Akan.
- Je ne suis même pas capable de rentrer dans le tombeau de Magnus. Même dame Xanaphia ne pouvait y pénétrer. Mais même si je le pouvais je ne pourrai pas vous aider.
- Donc seul Kirk et Harth peuvent récupérer l'étendard ? demanda Aldéir.
- Techniquement, Kirk n'est pas un roi légitime puisque Harth est en vie. Je pense que seul Harth en est capable.
- Je vois. »
Ginger avait déjà entendu parler de Magnus. Elle le connaissait pour avoir longuement travaillé sur la théorie de l'opposition magique, une hypothèse selon laquelle chacune des huit traditions arcanique possédaient une tradition opposée qui permettait de contrer ses effets. Elle se souvenait avoir rapproché cette théorie des quatres éléments fondamentaux qui s'opposent mutuellement : l'eau contre le feu, le feu contre la terre … Elle se rappelait aussi de sa pratique de la tradition de divination. Il était notamment célèbre pour avoir prédit, a priori à tort, la déchéance d'une famille elfe qui devait être anéanti ou se ranger au côté de la lune. C'est cette étrange prédiction qui ne s'était jamais réalisé qui lui avait d'ailleurs valu le sobriquet de devin.
« De toute façon, nous n'avons pas vraiment d'autre option que de nous rendre au Bosquet, conclut Akan. »
Ils se mirent donc en route vers le Bosquet des sages, accompagné de frère Éric.
Le soleil commençait à décliner lorsque le groupe pénétra dans le Bosquet, derrière la grande bibliothèque. Frère Éric conduisit ses compagnons sur le sentier qui conduisait à la statue auprès de laquelle reposait la défunte Xanaphia, vénérable Sage de la cité.
L'endroit était tel que les aventuriers l'avaient laissé : La statue brisée représentait un ange dont la main tendue avaient renfermé une gemme écarlate, taillée en forme d'oeuf, et qui devaient, selon les déductions des cinq compagnons, être l'une des quatre pierre mentionnées par la prophétie des quatres éléments et des quatres enfants. La végétation était dense à proximité mais partiellement brûlé, à l'exception d'un joli assemblage de fleurs sauvages et de racines marquaient la tombe de l'ancienne druide.
Frère Éric indiqua aux aventuriers un chemin presqu'invisible qui s'enfonçait plus profondément entre les arbres du bosquet.
« Le tombeau de Magnus devrait se trouver au bout de ce chemin, expliqua le clerc. Il vous suffit de continuer dans cette direction.
- Vous ne venez pas avec nous ? demanda Pater.
- Je vais vous accompagner, mais comme je vous le disais au temple, je n'ai jamais pu pénétrer dans le mausolée. À dire vrai, je n'ai même jamais réussi à le trouver, la magie qui le protège arrive toujours à me faire perdre mon chemin, tant et si bien que je finis, sans même m'en rendre compte, par revenir sur mes pas jusqu'à la statue de dame Xanaphia.
- Très bien. Essayons malgré tout, déclara Aldéir. »
Ils empruntèrent alors le sentier. La végétation était si dense qu'ils ne pouvaient pas toujours cheminer côte à côte. À mesure qu'ils avançaient, la progression devenait de plus en plus difficile et c'est tout naturellement qu'ils finirent par s'éloigner les uns des autres, sans même s'en apercevoir. Après quelques minutes, Aldéir arriva dans une espèce de clairière au centre de laquelle se trouvait un étrange monument. Il fut bientôt rejoint par le reste de ses compagnons qui surgirent les uns après les autres des arbres qui entouraient la clairière. Curieusement, aucun d'entre eux n'émergea du Bosquet par le même chemin, alors même que tous avaient juré avoir emprunté sensiblement le même chemin. Frère Éric, quant à lui, ne rejoint jamais la clairière. Ils se regroupèrent et s'approchèrent de l'insolite bâtiment.
Il s'agissait d'une construction de pierre dont la façade d'environ vingt mètres était ornée d statues rendu méconnaissable par le passage du temps. Le mausolé était complètement délabrée à l'exception de la porte de fer, recouverte de motifs de lianes entrelacées, qui semblait neuve. Celle-ci était comme illuminée par un puissant rayon lumineux dont la couleur variait périodiquement. Ginger dénombra huit couleurs qui se succédaient de manière cyclique : blanc, jaune, vert, bleu, violet, rouge, gris et noir.
Aldéir s'approcha de la porte pour l'examiner lorsque celle-ci s'entrouvrit sans un bruit. Ses compagnons s'approchèrent à leur tour et décidèrent, sans échanger, de passer l'étrange porte. Aldéir pénétra le premier, suivi de Gurda, Pater, Akan et enfin Ginger qui prit soin de placer une petite pierre sur le seuil, bloquant la fermeture de la porte. À peine eurent-ils traversé le seuil de pierre que Aldéir et Ginger réalisèrent qu'ils venaient d'être téléportés. Derrière eux se trouvaient une porte identique à celle qu'ils venaient de passer, mais celle-ci était fermé. Ginger savait qu'elle ne trouverait pas la moindre trace de pierre. Devant eux, se trouvait un étroit couloir long d'environ trois mètre et qui imposait aux aventuriers de progresser les uns derrière les autres. Aldéir, Gurda et Pater, quant à eux, avaient avancé suffisamment pour atteindre une pièce carré d'environ cinquante-cinq mètres carrés au centre de laquelle se trouvait un gisant de pierre. Derrière celui-ci trônait un large brasero ciselé dans un élégant métal doré et au dessus duquel dansaient une grande flamme rougeoyante. Le mur de gauche était partiellement effondré au fond de la pièce, révélant un passage vers une autre salle. Une épaisse tenture orange reposait négligemment sur le sol, devant l'ouverture, au milieu des gravats. Deux autres étoffes ornaient les murs du fond et de droite. Akan reconnut les armoiries de la ville : la tenture rouge au fond de la pièce représentait la couronne des chevaliers tandis que celle de droite, d'un vert éclatant, était décoré de la couronne des Sages. Ginger, complètement à l'arrière, se plongea dans l'étude d'étranges symboles tracées au sol, à proximité de là où elle se trouvait.
Alors que le groupe de héros allait s'avancer, un homme fit irruption dans la pièce, surgissant de l'ouverture du mur de gauche. Il avait des traits humains mais sa peau, d'une pâleur cadavérique, ainsi que sa démarche lente et ses longues griffes ne laissait que peu de doute sur sa vraie nature : il s'agissait d'une goule. À peine avait-elle fait trois pas qu'un colosse en armure de plate entra à son tour dans la pièce. Son visage était entièrement dissimulé derrière un casque à la visière baissée.
Gurda dégaina sa fidèle hache d'arme et la saisit à deux mains avant de s'élancer vers la goule, laissant éclater sa rage dans un cri de guerre retentissant. La goule fut trop lente pour réagir : la naine leva sa hache et trancha la jambe gauche du monstre, au niveau du genoux. Celui-ci hurla de douleur et bascula vers l'avant, incapable de rester debout. Gurda banda ses muscles à nouveau et décapita le monstre qui s'effondra dans la mare noire et épaisse qui avait commencé à recouvrir les dalles de pierres.
Pendant ce temps, les deux rôdeurs s'était rapproché de l'armure, les armes au clair. Aldéir fut le premier à frapper. Il porta un rapide estocade avec son premier sabre sans réussir à entamer l'épaisse couche de métal qui recouvrait son opposant. Akan ferma les yeux et concentra toute son attention sur l'armure. Lorsqu'il ouvrit les yeux, il souriait. Il avait marqué sa cible. Le drakéide s'approcha d'un pas confiant et frappa avec son gladius. Il toucha son adversaire à l'avant bras gauche, envoyant valser le gantelet de fer à quelques mètres. Akan se figea quelques instants en constatant l'absence de sang, ou même de membre, là où se trouvait le gantelet quelques instants plus tôt. L'armure était vide. Aldéir remarqua du coin de l'oeil la surprise de son ami et décida de tenter le tout pour le tout. Le violent coup qu'il porta rebondit avec force sur le plastron de l'armure, le déséquilibrant. Son adversaire profita de l'occasion pour lui asséner un rapide coup poing au visage qu'Aldéir parvint à esquiver in extremis. Il n'eut pas autant de chance avec le suivant qui s'enfonça dans son flanc droit, lui arrachant un grognement de douleur.
Pater, pendant ce temps, avait tiré un petit morceau de fer de sa réserve de composant et avait commencé à incanter. Il prononça quelques mots dans l'étrange langue des druides et le bâtonnet de fer se dissipa comme s'il avait été fait de cendre. Pater focalisa sa magie sur l'armure pour la paralyser, sans succès.
Aldéir reprit contenance rapidement et se remit en garde. Il aperçut alors un tieffelin, drapé dans une longue robe noire, agiter les mains en psalmodiant une incantation. La seconde suivante, un trait enflammé fila à toute vitesse vers le rôdeur qui n'eut que le temps de se mettre de profil, se protégeant derrière son épaule. Les flammes le percutèrent de plein fouet, sans pour autant parvenir à faire roussir sa nouvelle armure de cuir clouté.
Il raffermit sa prise sur ses deux épées courtes et asséna avec force précision deux coup à l'armure. Le premier déforma le métal de l'épaulière, tandis que le second, qui toucha à l'exact même endroit, perfora le métal. Il ramena ses lames vers lui et jeta au loin la pièce d'armure qui était resté empalé sur son arme d'un souple mouvement de poignet. Les deux rôdeurs constatèrent en même temps que l'armure n'était en réalité pas complètement vide. Un cadavre était visible à travers le vide laissé par l'épaulière arrachée.
Akan saisit sa dague dans sa main gauche avant d'attaquer avec ses deux armes. Il ne parvint qu'à cabosser un peu plus l'armure. Pater, qui était resté en retrait jusque là, fit appel aux dons qu'il avait reçu en rejoignant le cercle de la lune. Il rejeta la tête en arrière, se laissant emporter par ses instincts primitifs, tandis que son corps se transformait pour prendre l'apparence d'un grand ours au pelage noir. Il poussa un rugissement et se jeta sur l'armure, toute griffes dehors. Son premier coup fut évité par son adversaire qui fit un pas de côté avec une étonnante rapidité. Le second coup de griffe lacéra profondément le plastron de l'armure, transperçant le métal comme du papier.
Un second trait de feu fusa sur Aldéir qui, s'étant préparé, l'esquiva d'une gracieuse acrobatie. Lorsqu'il remit en garde, le tieffelin était sorti de son champ de vision. La naine poussa un nouveau rugissement et s'élança en direction de l'armure. Elle sauta par dessus le gisant de pierre, contournant le mur formé par l'ours et les deux rôdeurs, et leva sa hache. Elle frappa l'armure de toute ses forces. Celle-ci explosa en morceau à l'impact, laissant un cadavre d'homme tomber au sol au milieu des morceaux de ferrailles cabossés. Un grand sourire illumina le visage de la naine.
À cet instant, une étrange brume se matérialisa au niveau de l'ouverture dans le mur. En y regardant de plus près, on croyait y voir des silhouettes décharnées, au visage figé dans une expression haineuse, se déplacer en tout sens, sans pour autant s'éloigner de là où elles étaient apparus, et laissant une traînée blanche dans leur passage.
Ginger, qui n'était pas parvenu à apprendre grand chose sur les symboles arcaniques qui ornaient les dalles à l'entrée, s'était approché du la zone de combat et avait sorti son luth. Elle concentra sa puissance dans sa voix et gratta quelques accords sur les cordes tout en prononçant d'étranges mots de pouvoir en fixant Aldéir. Celui-ci vit les quelques brûlures qu'il avait au bras et à l'épaule cicatriser tandis qu'il sentait l'hématome de son flanc se résorber.
Le mage tieffelin reparut dans le champ de vision des rôdeurs et incanta à nouveau. Les flammes fusèrent sur Gurda, au milieu du passage et entouré des étranges esprits blancs. Elle encaissa le sort sans broncher, le visage toujours déformé par son sourire sanguinaire. Une des silhouettes blanches se matérialisa derrière elle et lui porta un coup dans le dos qui fit noircir sa peau et lui arracha une grimace de douleur. Elle fit quelques pas en arrière et sortit de la zone embrumée.
Aldéir fit appel à ses dons de rôdeur pour marquer le mage et rengaina ses armes, pour se saisir de son arc long. Akan, quant à lui, décida d'aller s'occuper du mage au corps à corps. Il entra dans la brume et fut stoppé net par une silhouette qui le frappa au torse. Il dissipa le créature d'un coup d'épée et fit quelques pas supplémentaires. Il avait l'impression que des mains fantomatiques lui agrippait les jambes alors qu'il avançait, ce qui le ralentissait considérablement. Il pénétra finalement dans la salle qui était caché derrière le mur effondré et découvrit avec stupeur qu'une femme rousse l'attendait, postée en embuscade et apparemment insensible à la brume. Elle portait une armure de maille sur laquelle reposait un médaillon si usée qu'il était difficile de discerner le motif qui l'ornait. Le drakéide concentra son pouvoir dans son arme et tenta un coup d'estoc sur cette nouvelle adversaire, sans parvenir à la toucher. Elle prit son médaillon dans sa main et tendit son autre bras vers le rôdeur. Un éclair blanc et lumineux fila sans un bruit et vint heurter Akan en pleine poitrine, qui expulsa tout l'air dans ses poumons dans un hoquet de douleur et de surprise. Une bras blanc et immatériel lui transperça alors le torse et il s'effondra, inconscient. Pater, toujours sous sa forme d'ours, pénétra à son tour dans la zone embrumé et, s'approcha d'Akan. Il grogna de douleur lorsque les griffes fantomatiques lui marquèrent le dos mais continua d'avancer. Il donna un violent coup de griffe à la femme, lui arrachant une partie du bras, avant de plonger ses crocs dans le torse de celle-ci.
Un nouveau trait de feu frappa Gurda à l'épaule. Celle-ci poussa un juron avant de se jeter dans la brume. Elle avançait malgré les coups des silhouettes fantomatiques qui lui marquaient la peau et fut bientôt au côté de la femme rousse, le torse toujours emprisonné dans la mâchoire de Pater. La naine frappa le femme à la taille tandis que le druide continuait de tirer sur le corps de sa victime. Celui-ci se déchira au niveau du point d'impact, se séparant en deux. Pater cracha négligemment le torse sanguinolent alors que la brume disparaissait comme elle était apparu.
Ginger sortit alors la perle de pouvoir de l'une de ses poches et puisa dans les forces magiques qu'elle renfermait, sentant son propre pouvoir augmenter, Elle s'approcha alors d'Akan et posa une main sur son torse tout en psalmodiant une apaisante mélodie qui lui fit reprendre conscience tandis que certaines de ses blessures se refermaient. Elle l'aida à se relever avant de soigner Gurda de la même manière.
L'ours et la naine s'approchèrent alors ensemble du magie tieffelin qui tremblait de terreur. Il incanta frénétiquement un autre trait de feu sur Gurda sans parvenir à la toucher. Pater lui asséna un unique coup de griffe qui le décapita net. Il reprit ensuite sa forme de tieffelin.
Les cinq compagnons se regroupèrent au centre de cette nouvelle salle. Elle était vide, à l'exception d'un braséro en fer noir complètement détruit. Gurda s'approcha et l'examina avec attention : le métal avait été déformé à coup de masse et avait fini par être arraché du sol. Ginger et Pater avait remarqué la présence de marques au sol similaires à celle que la jeune barde avait découverte en entrant dans le mausolée. Ils étudièrent ensemble les symboles magiques et finirent par comprendre que ce qu'ils voyaient était en fait un morceau d'un cercle magique. Ginger avait déjà vu cet assemblage de symbole lors de son séjour à la grande bibliothèque et Pater confirma sa théorie : il s'agissait d'un cercle de focalisation, à la réalisation subtile, et qui servait à canaliser les huits traditions arcanique. Ginger estima que ce devait être l'oeuvre de Magnus le devin. Pendant ce temps, Aldéir et Akan s'occupaient de fouiller les corps. La robe du tieffelin contenait un peu moins de quinze pièces d'or ainsi qu'une potion vert sombre qu'Aldéir identifia comme une potion de résistance au poison. Un collier en or orné d'une belle obsidienne ornait le cou de la goule tandis qu'une bague sur laquelle était enchassée un quartz bleu se trouvait dans les restes de l'armure animée. Akan récupéra la chemise de maille que portait la femme et fit l'inventaire de ses poches : elle disposait d'une potion de soin, d'un peu moins de vingt pièces d'or et d'une feuille de parchemin roulée. Aldéir quant à lui étudiait avec curiosité son médaillon. Celui-ci fait de bois et de fer représentait une dague à la lame courbée.
Après avoir partagé le butin, le groupe se rassembla autour d'Akan pour étudier le parchemin de la prêtresse.
Il s'agissait d'une liste de huit mots : Navet, Taie, Cave, Dent, Ide, Envia, Avec, Vice. Des annotations avaient été rajouté autour de ceux-ci. À droite on pouvait lire « C'était un mage, magie partout ici, divination centre» et à gauche, le chiffre huit était entouré avec un point d'interrogation. On avait également écrit tout en haut « Pas une question de nombre de lettres, mais de lettres elle-même ». Enfin, Ginger déchiffra les derniers mots griffonnés dans le coin supérieur gauche : « Les mots correspondent ». Le dernier mot de la phrase était entouré et accompagné d'un laconique « Fiable », tracé à la hâte.
« Quelqu'un à une idée de ce que cela signifie ? demanda Akan au reste de ses compagnons.
- Moi en tout cas j'en ai pas une seule, répondit Gurda. »
Ginger et Pater échangèrent un regard et la jeune gnome déclara :
« Cela parle des huits traditions arcaniques.
- Que veux-tu dire ? demanda le drakéide avec incompréhension.
- Regarde les premières lettres de la liste de mots. Ils correspondent presque aux initiales des huit traditions arcaniques, lui répondit Pater. Il y a nécromancie, puis transmutation. Pour craie je ne sais pas. Ensuite divination, illusion, enchantement ou évocation, abjuration et pour le dernier je ne sais pas non plus.
- Effectivement ça me semble être plus qu'une simple coïncidence. Peut-être que le v de vice correspond à l'évocation, pour le différencier de l'enchantement, suggéra Akan.
- Peut-être oui, concéda le druide. Mais il reste le c de cave que je n'arrive pas à associer.
- Tu as bien dis qu'il y avait huits traditions ? Quelle est celle qui nous manque ? demanda Aldéir, pragmatique.
- L'invocation, répondit Pater.
- Mais oui ! s'écria Ginger en se frappant le front. J'ai trouvé ! Magnus le devin était un érudit. Il n'aurait jamais fait référence à l'invocation.
- Que veux-tu dire ? demanda Pater.
- Je veux dire que le terme de tradition d'invocation est récent. À l'origine, on parlait de conjuration.
- Mais oui, tu as raison ! s'exclama le druide.
- Je crois que vous tenez quelque chose en tout cas ! dit Gurda qui était retourné examiner les restes du braséro brisé. J'y avais pas fais attention tout à l'heure mais il y a un N de gravé sur ce machin. On devrait aller voir l'autre, il y a peut-être aussi une inscription. »
Le groupe de héros se rassembla à côté du braséro doré qui brûlait dans la salle du gisant. Il découvrirent rapidement la présence de la lettre D, gravée dans le métal.
« Divination est au centre, marmonna Ginger.
- Pardon ? demanda Aldéir, qui pensait que la barde venait de lui parler.
- Non je disais, divination est au centre. C'est ce qui était écrit sur le parchemin. Si nous avons raison et que la lettre D correspond à divination, alors ce brasero est censé être au centre …
- Et donc il y a surement d'autre pièces dissimulés derrière les murs, compléta l'elfe.
- Je peux casser les murs avec ma hache si vous voulez, proposa Gurda avec un grand sourire.
- Je pense que ce ne sera pas nécessaire, répondit Ginger. Magnus a certainement pensé à cela lorsqu'il a fait construire le mausolée.
- Ça a pas été construit ça, corrigea Gurda. C'est de la magie qui a fait ça, parole de nain !
- Alors il doit y avoir des passages secrets, conclut Pater. Nous devrions fouiller la pièce. »
Ils se mirent donc à inspecter les moindres recoins. Aldéir observa le gisant et essaya de déplacer la plaque de pierre. Celle-ci ne bougea pas d'un pouce, même avec l'aide d'Akan. En examinant de plus près le cercueil de pierre, Aldéir y découvrit une inscription étrange :
« Ce cadet devint devin en vain et céda. »
Ne trouvant pas de mécanismes particuliers au niveau du gisant, les deux rôdeurs décidèrent d'inspecter les murs.
« Venez voir ! cria Ginger. Les bougeoires au murs ! Je pense que ce sont des leviers. »
La barde se trouvait à proximité de l'entrée de la salle. Tous se rassemblèrent à côté d'elle et observèrent les morceau de fer que leur montrait Ginger. Il y en avait quatre au total, deux sur le mur inférieur, de chaque côté du couloir par lequel ils étaient entrés, et deux autres sur les murs gauche et droite. La naine s'approcha du bougeoir le plus à gauche et tira dessus, comme sur un levier. Celui-ci pivota sans la moindre résistance et un crissement se fit entendre derrière le mur.
« Allons voir dans la pièce de gauche, peut-être qu'un passage s'y est ouvert » proposa Aldéir. Tous le suivirent et furent ravi de voir qu'une nouvelle pièce venait d'apparaître dans le mur sur leur gauche. Aldéir y entra, suivi de Gurda et d'Akan. La pièce était plus petite et était dénué de tout mobilier, à l'exception d'un autre braséro noir qui s'enflamma lorsqu'Aldéir posa un pied dans la salle. Les yeux de l'elfe se voilèrent et virèrent au noir tandis qu'une couronne entortillé de morceau de fer se matérialisait sur sa tête. Il posa ses yeux vide sur Gurda en lui imposant sa marque de chasseur avant de dégainer ses armes et de porter un premier coup à la naine qui, surprise, fut méchamment touché au flanc droit. Il rectifia ensuite sa position pour faire face à Gurda et Akan et fit de nouveau parler ses lames. Akan parvint à esquiver le coup mais la Gurda, quant à elle, épuisé par sa récente rage, ne put réagir à temps. L'épée du rôdeur elfe lui transperça l'abdomen, lui provoquant une douleur atroce qui lui fit perdre conscience. Ginger se rua près de celle-ci, gardant ses distances avec Aldéir et commença à incanter un sort de soin. Lorsque Gurda ouvrit les yeux, quelques instants plus tard, la barde avait déjà commencé à soigner Akan qui faisait toujours face à Aldéir en tentant de le raisonner. Le drakéide se concentre et en appela aux pouvoirs de la nature, qu'il canalisa dans son gladius. Il porta un violent coup d'estoc à l'elfe, lui infligeant une vilaine blessure dont jaillit une masse de liane noire qui vint s'entortiller autour des jambes d'Aldéir, l'empêchant de se déplacer.
Gurda se remit sur ses jambes en balançant son marteau maladroitement, sans parvenir à toucher l'agile rôdeur. Pater avait une fois de plus sorti un bâtonnet de fer et lança son sort de paralysie sur Aldéir. Celui-ci s'immobilisa soudainement, son bras armé pour frapper.
Akan relâcha sa concentration et les lianes noirs disparurent du corps de l'elfe. Tous sortirent de la pièce. Peu de temps après, Aldéir parvint à reprendre le contrôle de son corps et se rua à son tour en dehors de la salle. La couronne de fer avait disparu et ses yeux avaient retrouvés leur aspect naturel.
« Je suis désolé, s'excusa-t-il. J'ai tenté de résister mais je n'étais pas assez fort. Le temps que j'arrive à briser l'emprise du sort, je vous avais déjà attaqué.
- T'inquiète pas, le rassura Gurda. C'est pas ta faute. Et puis Ginger m'a retapé. Je suis presque comme neuve !
- Qu'allons nous faire ? demanda Pater.
- Dans un premier temps, je vais voir ce que je peux apprendre sur la magie qui a ensorcelé Aldéir, répondit Ginger. Laissez-moi dix minutes, j'ai exactement ce qu'il faut pour ça. »
La barde sortit une craie blanche de l'un de ses sacs et traça un petit cercle autour d'elle. Elle ajouta ensuite un ensemble de symboles complexes et s'assit en tailleur, au centre de celui-ci. Elle commença à chanter doucement dans une langue aux intonations étranges. Ses yeux fermés se mirent à luire faiblement, leur lumière gagnant en intensité à mesure que le chant progressait. Lorsque Ginger cessa son incantation, le cercle crépita puis disparut. Elle se leva et ouvrit les yeux. À la place de ses pupilles se trouvait une reproduction du cercle qu'elle avait tracée.
« La magie est vraiment partout ici. Là, dit-elle en pointant la salle qu'il venait de quitter et dans laquelle brûlait toujours le braséro, il y a de la magie d'enchantement. Elle semble émaner du braséro. Et ici, il y a comme des restes de nécromancie. Mais c'est beaucoup plus faible.
- C'est peut-être parce que le braséro est brisé. Et dans la salle principale ? C'est de la divination ? demanda Aldéir. »
Ginger se déplaça un peu, afin de voir l'autre pièce à travers le mur effondré.
« Bingo, dit-elle. Une fois encore, ça semble émaner du braséro. mais le gisant est chargé de pouvoir lui aussi. Je perçois de la magie des huits écoles qui irradie de la pierre, Je pense que c'est cela qui le maintient fermé.
- Quel est l'opposé de l'enchantement ? demanda Akan.
- L'opposé de l'enchantement ? De quoi parles-tu ? répondit Ginger intriguée.
- Tu as dit tout à l'heure que Magnus avait travaillé sur cette théorie selon laquelle les traditions arcaniques s'opposaient entre elles. Je me dit qu'on peut peut-être éteindre le braséro avec un sort de l'école opposé.
- Je vois où tu veux en venir mais ce n'est qu'une théorie. Elle est loin d'être admise par tous les érudits et même parmi ceux qui la défendent, je ne crois pas qu'il y ait de véritable consensus sur ces questions. Mais je suis d'accord avec toi, je pense qu'il va falloir donner quelque chose aux braseros pour les éteindre. Je propose déjà qu'on aille actionner tous les bougeoirs. Mon rituel ne va pas durer très longtemps donc autant essayer d'avoir le maximum d'information avant de prendre une décision.
- Tu as raison, approuva Akan. »
Ginger ouvrit la marche et actionna un à uns les trois levier restants. Tous entendirent distinctement les crissements des pierres qui bougeaient mais aucun passage ne s'ouvrit dans la pièce du gisant.
« Il y avait une tenture sur le mur défoncé, fit remarquer Aldéir. Peut-être y a-t-il des passages secrets derrières les deux autres tentures.
- Ça vaut le coup de regarder, dit Gurda. »
Aldéir, Gurda et Akan détachèrent la tenture rouge qui était accrochée au mur du fond et étudièrent les pierres avec attention.
« Ici, pointa Gurda. Toutes les pierres sont d'origine magique mais celle-là a été taillée à la main. »
Elle posa sa petite main dessus et appuya. La pierre coulissa dans le mur et celui-ci disparut dans un désagréable chuintement, révélant une nouvelle pièce.
« Illusion pour celle là. Passons à l'autre tenture, je ne tiens pas à essayer de rentrer tout de suite.
- Tu l'as dit ! approuva la naine avec force. »
Ils découvrirent rapidement la présence d'un mécanisme similaire sur le mur de droite, révélant une pièce imprégnée de magie d'évocation. Un peu plus loin, Ginger aperçut une autre ouverture dans la pièce d'évocation, certainement révélée par l'un des bougeoir, et dont elle distinguait des émanation magiques d'abjuration.
« Retournons au niveau de la salle de l'enchantement, proposa Aldéir, peut-être qu'on a ouvert un autre passage avec les leviers. »
Ils se rendirent donc à nouveau dans la salle du braséro brisé et s'approchèrent, en prenant soin de ne pas y pénétrer, de la pièce de l'enchantement.
« Je pense que je peux résister au sort, dit Ginger. Je vais essayer de rentrer pour voir ce qu'il y a après.
- Tu es sûre de toi ? demanda Akan.
- Aussi sûre que je puisse l'être. Allez, j'y vais ! »
Elle entra dans la pièce et s'immobilisa en fermant les yeux. Lorsqu'elle les rouvrit, elle leur fit un grand sourire. Elle continua et pénétra dans la pièce suivante qui irradiait de magie de transmutation.
À peine eut-elle posé le pied dans la salle qu'une main de boue et de roche jaillit de la dalle et lui saisit la jambe. Elle poussa un cri de douleur alors que la pression commençait à broyer sa jambe. Akan se rua dans la pièce, parvenant à résister à l'énchantement, et se saisit de la barde. Il tira de toute ses forces mais la main de boue tint bon.
Ginger se concentra et incanta le premier sort de transmutation qui lui vint à l'esprit, ciblant le braséro de la nouvelle salle. Celui-ci s'éteint immédiatement et la main qui lui enserrait la cheville disparut aussitôt. La vision véritable que lui avait accordé son rituel lui permettait déjà de voir la magie environnante perdre en intensité.
« Il faut viser les braséro avec un sort de la même tradition arcanique, s'écria-t-elle !
- Je vais m'occuper de celui de l'évocation, dit Aldéir. J'ai exactement ce qu'il faut. »
Pendant qu'il s'y rendait, Ginger désactiva le braséro d'enchantement. Une fois arrivé dans la pièce du gisant, Aldéir fit apparaître les flammes vertes de sa famille sur sa lame et frappa dans l'air, en direction du braséro qu'il pouvait voir à travers l'ouverture. Une flammèche fut projetée et frappa le braséro éteint. Celui-ci s'alluma un instant avant de s'éteindre à nouveau.
Lorsqu'ils furent rassemblé devant l'ouverture avec Aldéir, Ginger confirma que le braséro était inactif. Elle pénétra dans la salle et découvrit deux autres salles : une salle pour la magie d'illusion à sa gauche et une pour l'abjuration à droite. Elle commença par désactiver le braséro d'illusion puis s'occupa de celui d'abjuration.
Lorsque celui-ci se fut éteint, un craquement retentit et un vieil homme apparut au centre de la pièce. Tous le reconnurent aussitôt : il s'agissait du même visage que celui qu'ils avaient observé dans le temple de la lumière. Ils avaient devant eux le vieux roi Harth Courreplaine.
« Vous venez de me sortir d'un sacré pétrin, s'exclama le vieil homme. Je vous remercie. Je suis Harth Courreplaine.
- Oui, nous vous avons reconnu, répondit Ginger. Vous êtes coincé ici depuis un sacré bout de temps !
- En effet, lorsque je suis entré dans cette salle, j'ai été transporté dans une espèce de caverne. Heureusement pour moi, j'ai pu survivre les quelques semaines que j'y ai passé grâce au cours d'eau qui la traversait et aux diverses plantes qui poussaient dans la région. En tout cas, je suis bien content que vous m'ayez ramené. Qu'est ce qui vous amène dans le tombeau de Magnus ?
- Nous sommes là pour l'étendard, répondit la barde.
- Ah ? La cité rentre en guerre ? demanda le vieux roi soucieux.
- Je crains que oui.
- Quel est donc cette nouvelle menace qui justifie une telle action ?
- Une armée de gnolls, lui répondit Ginger.
- Une fédération de plusieurs clans gnolls, compléta Aldéir. Possiblement sous l'égide d'un dragon.
- La situation est vraiment préoccupante, murmura le vieil homme de plus en plus inquiet. Qu'en pense Dame Xanaphia ?
- Elle est retournée à la terre, répondit solennellement Pater en baissant la tête.
- Beaucoup de choses ont changé depuis ma disparition.
- Il faut dire que vous avez été absent longtemps, lui fit remarquer Akan.
- Je sais bien mais je n'aurai jamais cru que la dame Xanaphia pourrait nous quitter et la cité entrer en guerre en l'espace de quelques semaines.
- Vous avez disparu depuis huit mois, le corrigea Ginger.
- Huit mois ? Ceci explique comment la situation a pu autant évoluer. Le temps devait s'écouler différemment dans cette étrange caverne. Frère Éric est toujours en vie ?
- Oui, lui répondit Aldéir. Et il a gardé votre secret. À part, lui nous sommes les seuls au courants, et nous ne sommes que de passage ici.
- Désolé mais nous sommes malheureusement pressé par le temps, intervint Akan. Pouvez-vous vous récupérer l'étendard ? Puisque vous n'êtes pas mort, vous êtes toujours le roi légitime, n'est-ce pas ?
- En effet. Me saisir de l'étendard ne devrait pas poser de problème. La vrai difficulté est cette protection magique qui m'empêche d'ouvrir le cercueil de pierre.
- Nous savons comment la désactiver, le rassura Ginger. Il nous faut simplement nous reposer un peu afin de récupérer des forces.
- Un peu de repos ne me fera pas de mal non plus, acquiesça Harth. »
Ils s'installèrent dans la salle du gisant, installèrent un camp rudimentaire sur les dalles de pierre et partagèrent ensemble les quelques rations qu'ils avaient avec eux. Lorsqu'ils eurent terminé leur repas, tous partirent se reposer.
***
Il leur fallut plusieurs heures pour récupérer des épreuves qu'ils venaient de vivre. Lorsque tous se sentirent prêt, Pater désactiva le braséro de conjuration et ils se rendirent ensemble dans la salle centrale.
« Tout le monde est prêt ? demanda Pater. C'est le dernier.
- Vas y, dit Aldéir, tous ses sens en alerte. »
Pater se concentra un instant et lança le premier sort de divination auquel il put penser sur le braséro doré.
Quelques secondes s'écoulèrent sans que rien ne vienne troubler le silence qui régnait dans le tombeau. Finalement, les flammes du braséro disparurent et Pater sentit soudainement comme une vague de chaleur l'envahir et sa vision s'obscurcit un instant. Lorsqu'il retrouva la vue, il poussa un hoquet de surprise.
Il avait l'impression qu'un voile venait de se déchirer devant ses yeux, lui révélant un monde familier mais radicalement différent. Il distinguait des myriades de couleurs indescriptibles qui ondulaient partout autour de lui et qui altéraient sa perception des choses. Son propre corps ne cessait de changer sous son regard : un instant il avait des mains de tieffelin et le suivant il lui semblaient voir des griffes acérées aux ongles de feu. Lorsqu'il posait ses yeux sur Gurda, il voyait nettement une espèce d'aura rouge sang pulser de manière erratique autour de sa silhouette. L'océan de couleurs qui emplissait l'air était plus calme autour d'Aldéir et Akan, vibrant doucement au rythme de leur respiration et changeant les couleurs environnantes. Akan, dont l'ombre changeante prenait parfois l'apparence d'un grand dragon, émettait un bleu électrique qui se diluait autour de lui tandis qu'Aldéir irradiait un vert profond qui rappelait la couleur des flammes qu'il évoquait sur ses armes, bien qu'un peu moin sombre. Ginger était de loin la plus lumineuse de tous. Pater avait même du mal à la regarder tant elle rayonnait. C'était comme si l'air autour d'elle ne cessait de se déformer au rythme d'une mélodie inaudible, trompant sa vision avec des mirages colorés. Elle pouvait donner l'impression d'être aussi haute qu'un géant un instant pour avoir la carrure d'une souris la seconde suivante.
Un frémissement dans l'air lui fit lever la tête et il découvrit l'étendard des trois couronnes, flottant doucement au dessus du gisant de pierre, comme porté par les vagues d'énergie que percevaient Pater. Il tendit la main et la posa sur le tissus qui prit soudain corps et se révéla aux yeux de ses compagnons, complètement inconscient de l'incroyable expérience que vivait le druide.
« Tu devrais le donner au roi Harth, dit Ginger. Il pourrait tomber en poussière d'après ce qu'a dit frère Éric !
- Bonne idée, répondit le druide, émerveillé de la façon dont il avait l'impression de voir ses paroles à mesure qu'il les prononçait. Prenez le.
- Très bien, répondit celui-ci sans complètement parvenir à se départir de la surprise qu'avait provoqué l'apparition de l'étendard. »
Il se saisit de la relique et commença à la rouler soigneusement.
Soudain, le braséro s'embrasa avec force devant leur yeux ébahis. Pater, quant à lui, eut un mouvement de recul devant l'intensité des énergies arcaniques qui émanaient des flammes et qu'il était le seul à percevoir.
Les flammes s'allongèrent et se mirent à danser et Pater comprit qu'un sort de divination était à l'oeuvre. Il voyait la magie façonner les flammes aussi distinctement qu'il sentait la chaleur du braséro sur sa peau.
« Regardez les flammes ! dit Pater, elles nous montrent quelque chose. »
Une sphère lumineuse était en effet visible dans le brasier, de temps en temps masqué par des ombres, comme une pleine lune par une nuit nuageuse. Après quelques instants, les flammes se firent plus intense et la scène changea, la lune de feu s'assombrit jusqu'à devenir presque noire avant de disparaître, dissipée par la danse du brasier. les mouvements des flammes s'accentuèrent et il fut bientôt évident qu'elles prenaient l'apparence d'un visage. Il était plongé dans l'ombre, masquant la plupart de ses traits mais on devinait malgré tout les yeux en amandes et les oreilles pointues caractéristiques des elfes. Le visage s'assombrit encore et se déforma.
Ses oreilles s'allongèrent et se fondirent dans le reste du crâne grandissant jusqu'à ressembler à des cornes. Ses yeux en amandes devinrent plus petit et se mirent à briller d'un rouge sombre tandis que le sourire de l'elfe de feu se changeait en une grimace haineuse d'où émergeait des crocs ardents qui donnait l'impression d'être couverts de sang. Le visage démoniaque continua de danser un instant devant leurs yeux de disparaître à son tour.
Pater comprit que la magie à l'oeuvre n'était pas fini pour autant. Il voyait encore les vagues de pouvoir danser autour des flammes et sut qu'il pouvait leur demander de modeler le brasier pour lui.
« Que prépare l'armée des gnolls de Skalafaar ? » demanda-t-il d'une voix forte et pleine d'assurance.
Aussitôt, les flammes se remirent à bouger pour former une scène criante de réalisme. Ils virent des silhouettes de gnolls se rassembler au centre du brasier et se multiplier. D'une dizaine, ils furent bientôt plusieurs centaines, peut-être même plus d'un millier, rassemblé devant une masse de flammes, comme pour la défendre. Cette masse centrale se stabilisa bientôt pour devenir un espèce de contrefort rocheux dont émergeaient quatre pics, de hauteurs différentes, qui pointaient vers le ciel.
Finalement, les flammes disparurent aussi soudainement qu'elles s'étaient matérialisées et un bruit de claquement se fit entendre, provenant de l'entrée du mausolé. La vision de Pater se brouilla à nouveau et il retrouva ses sens de tieffelin.
« Tu as reconnu les montagnes toi aussi ? demanda Gurda à Akan.
- Absolument. Le fait que tu les ai reconnu toi aussi ne laisse pas la place au doute.
- Vous pouvez être plus clair ? demanda Aldéir, quelque peu troublé par la vision à laquelle ils venaient d'assister.
- Les montagnes que défendaient les gnolls dans les flammes, commença Gurda. Avec les quatres pics. C'est un contrefort qu'est pas très loin de la cité, vers le nord. Quand il n'y a pas trop de nuage, on peut même voir ses quatres machins depuis les remparts de la ville.
- Tout ça ne me dit rien qui vaille, réagit Aldéir sombrement.
- Moi non plus, reprit le vieux roi, je vais devoir remettre mon départ à plus tard. Je pense que la porte du tombeau est ouverte à présent, je crains d'avoir beaucoup à faire. Je vais rester en ville quelqus temps et il est probable que je vous contacte par le biais de frère Éric. En attendant, j'aimerai conserver mon anonymat, la dernière chose dont à besoin la cité est le retour d'un roi mort depuis presqu'un an.
- En effet, approuva Akan. Nous devrions nous hâter, nous avons passer beaucoup de temps ici et nous risquons de rater le rendez-vous aux quais, continua-t-il à l'attention de ses camarades.
- Oui dépêchons nous, répondit Aldéir. »
Le roi Harth se dissimula sous sa capuche et remit l'étendard à Pater avant d'ouvrir la marche vers la sortie. Il fut le premier à passer la porte du tombeau, suivi de près par le reste des aventuriers.
Lorsqu'ils eurent tous été téléporté dans le bosquet, celui-ci les remercia une dernière fois et disparut dans les fourrées.
Le soleil était déjà haut dans le ciel, aussi les cinqs compagnons se mirent ils aussitôt en route pour les docks de la cité.
***
Une foule de gens étaient rassemblées sur les quais lorsqu'ils arrivèrent avec l'étendard. L'excitation et l'impatience était palpable parmi l'assemblée qui attendait l'arrivée de leur roi. Aldéir, toujours sur ses gardes, remarqua immédiatement l'attitude mauvaise des dockers qui les fixaient avec une animosité non dissimulée. Le bateau d'Enialis Melonangol était amarré à proximité et celui-ci, debout sur le pont, leur fit un petit signe de la main, auquel ils répondirent amicalement.
Le roi ne tarda pas à arriver, accompagné de Dame Sigrid et de quelques autres notables, et à se frayer un passage au milieu de la foule qui l'acclamait et s'écartait devant lui avec respect. Seul quelques tieffelins, attentivement surveillé par les quelques chevaliers du cortège royal, ne semblaient pas partager la liesse collective. Lorsque la petite procession fut au niveau du groupe de héros, Dame Sigrid arrêta et déclara gracieusement :
« Bonjour à vous cinq. Je vois que vous avez l'étendard. Excellent. »
Ginger se munit de son luth et commença à jouer, chargeant subtilement sa mélodie de pouvoir. Elle se concentra un instant, choisissant avec soin les idées qu'elle souhaitait imposer à son auditoire. Elle sélectionna trois idées principales : tout d'abord, les rois de cette cité sont de bon rois et l'ont toujours été. Ensuite, la cité doit rayonner et accueillir de nouveau membres en son sein. Enfin, elle voulait aussi insister sur la nécessité de combattre les gnolls pour protéger la population. Lorsqu'elle commença à chanter, elle avait exactement ce qu'elle souhaitait. Ses mots résonnaient dans le coeur de l'assistance avec force et bientôt, alors même qu'elles venaient de composer la chanson, des voix se joignirent à la sienne.
Le roi Kirk s'approcha à son tour des aventuriers et tendit les mains, paumes vers le haut. Pater y déposa doucement l'étendard des trois couronnes. Frère Éric émergea solennellement de la foule en tenant une magnifique lance dont irradiait une puissante lumière, comme si elle attirait tous les rayons du soleil. Le clerc s'agenouilla devant son roi et abaissa la lance. Celui-ci attacha l'étendard à la hampe de fer et brandit la lance bien haut.
« Peuple des trois couronnes, nous sommes plus fort que jamais ! Grâce à l'étendard, la grande Cité des Trois Couronnes sera protégées et quel que soient les menaces qui nous assiègent, nous serons victorieux ! »
La foule hurla ses acclamation comme un seul homme, reprenant des morceaux de la chanson de Ginger et lançant des hourras enthousiaste. Certains semblait presqu'en transe tant ils mettaient du coeur dans leurs louanges. L'un d'entre eux vantaient si fort les louanges de Ginger qu'il était écarlate et suait à grosse gouttes. Un tonnerre d'applaudissement accompagna la déclaration du roi.La guerre ne serait qu'une formalité : la victoire était assurée.