Joué le 6 juin 2020
Le silence des montagnes se brisa. Un cri perçant venait de retentir, tirant Akan du sommeil. Il ne lui fallut pas plus d’une minute pour replier son matériel et lever le camp et s’élancer en direction du vacarme. Des flocons de neige tombait avec légèreté autour de lui. Il ne les sentait plus. Pas plus que le froid sec qui régnait dans les montagnes: il les connaissait par cœur. Après tout, il y avait vécu toute sa vie. Il parvint bientôt à discerner des grognements de loups ponctuant les éclat de voix apeurés. Il accéléra le pas et prit son arc long en main.
Quelques instants plus tard, il s’arrêta et mis un genoux à terre. Deux mètres en contrebas, quatre loups décharnés tournaient autour d’un homme et d’un chariot, montrant les crocs. L’homme avait un bâton de marche pour seul arme et voyait sa fin approcher. Akan lâcha la corde bandé de son arc et une flèche siffla. L’un des loups s’effondra, le crâne transpercé. Les autres bêtes se stoppèrent et prirent conscience de la présence de l’archer. Elles avaient faim certes, mais l’instinct de survie prit le dessus. Les loups prirent la fuite et disparurent dans une des nombreuses crevasses qui jonchaient les parois rocailleuses. Akan passa son arc en bandoulière et entreprit de rejoindre l’homme adossé à son chariot.
Il était visiblement en état de choc mais ne semblait pas blessé. C’était un homme d’environ cinquante ans, au visage buriné par le grand air. Entre ses habit de voyage usé et sa roulotte, il ne faisait aucun doute pour Akan que l’homme était un marchand itinérant. Il arborait une moustache épaisse dont il devait sans nul doute être fier. Le rôdeur s’approcha du loup mort et récupéra sa flèche qu’il replaça dans le carquois qu’il portait dans le dos.
« Oh merci ! Vous êtes un héros ! Je ne sais pas comment vous remercier. Sans vous je serai probablement …- N’y pensez plus. Vous ne me devez rien.
- Et avec un grand cœur en plus de ça ! Comment vous appelez vous ?
- Je suis Akan.
- Moi c’est Harald. Râvi de faire votre connaissance ! Vous êtes un drakéide n’est-ce pas ?
- En effet.»
Il était difficile de ne pas s’en rendre compte. La peau d’Akan était recouverte d’écailles bleus claires et son visage ressemblait à celui d’un dragon : il avait des yeux sombres avec des pupilles presque verticales et une mâchoire proéminente qui cachait plusieurs rangées de crocs acérés. À la place de cheveux, le haut de son crâne était parsemé de multiples cornes bleues claires qui pointaient vers l’arrière. Enfin, ses mains se terminaient par de longues griffes. Il portait un assemblage de cuir sombre lui servant d’armure de fortune. En plus de son arc passé en bandoulière, une épée courte était accrochée au dessus de son épaule droite et une dague courbée était fixée dans le creux de ses reins, la garde de celle-ci dépassant de côté gauche.
Harald arborait un grand sourire qui creusait de profondes rides entre ses yeux.
« Vous êtes mon premier drakéïde ! C’est vraiment ma journée ! »
Akan sourit à son tour, amusé par l’humeur visiblement joviale du marchand.
« Puis-je savoir ce qui vous amène aussi loin dans les montagnes ?
- Oh vous allez voir c’est nigaud. je me rends à la fête de la caverne. Et je me suis dit que ça serait plus rapide en passant par les montagnes que par la forêt. Bah apparemment c’est pas la meilleure idée que j’ai eue ! J’avais pas pensé que la roulotte serait si dur à manœuvrer dans les pentes. Et les loups aussi. J’y avais pas pensé. Dites voir Akan, vous sauriez m’indiquer le chemin pour retourner à la forêt ?
- Bien sûr. Je vais vous servir de guide. Où se trouve exactement cette fête de la caverne ?
- Vous n’y avez jamais été ? Mais c’est incroyable ! Moi non plus. Il faut absolument que je vous y emmène. Ou plutôt que vous m’y emmeniez, à vrai dire … Mais venez avec moi ! Il parait qu’il y a cette caverne qui s’ouvre dans la forêt qu’une fois par an. C’est vraiment le truc à pas manquer. Parole d’Harald ! »
Il était presque impossible de résister à la bonne humeur du marchand.
« Très bien je vais vous y conduire. Vous avez raison, je ne peux pas rater ça.
- Super ! Alors c’est facile, c’est à l’orée de forêt, pas très loin du village où qu’y a tous ces gens ... ». Il se lança dans une description enjouée de l’endroit avec « ces gens si gentils », « ces grands arbres » et une multitude d’autre détails insignifiants. Les explications d’Harald n’étaient pas très précises mais ce n’était pas un problème pour Akan qui se savait capable de les emmener à la forêt. Il pourrait ensuite se rendre sur le lieu des festivités par le chemin qu’Harald semblait connaître.
Le voyage dura moins de deux jours, ce qui d’après Harald, leur permettrait d’arriver juste à temps. Akan parlait peu mais appréciait la compagnie du marchand. Celui-ci n’avait d’ailleurs pas besoin du rôdeur pour occuper la conversation. Il semblait qu’il n’était jamais à cours d’histoires toujours incroyables et il avait cette particularité de s’émerveiller de tout. Akan apprit qu’il était marchand de peaux depuis bien longtemps maintenant mais que depuis la mort de son épouse, un tragique événement qui l’avait frappé l’an passé, il avait décidé de parcourir les routes. Pour le jeune drakéïde, ces voyages servaient moins à vendre ses produits qu’à occuper son existence. Il devait essayer de combler le vide laissé par le mort de sa femme. Le rôdeur ne comprenait que trop bien ce sentiment.
Deux jours plus tard, les deux voyageurs avaient atteint sans peine la forêt et approchait du lieu des festivités. La route était décorée de très nombreuses banderoles d’aspect simple et un grand nombre de personnes se pressait, apparemment en direction de la fête. Ils avaient les bras chargés de victuailles. Il n’était pas question de grands plats raffinés ou de décorations somptueuses. Harald expliquait que les gens de la région n’avaient pas beaucoup à offrir mais mettaient un point d’honneur à honorer cette fête chaque année. Chacun apportait sa pierre à l’édifice, accrochant des banderoles cousues avec le peu de tissu dont ils disposaient, apportant des paniers emplies de baies et de légumes. Certains avaient même réussi à mettre la main sur de la viande. Akan se sentait bien dans cette atmosphère joyeuse. Alors qu’ils arpentaient le chemin, Harald héla une famille qui passait à côté d’eux.
« Alban ! Lili ! Vous êtes venu ! Quel chance ! »
Ceux-ci vinrent à leur rencontre. Alban était un jeune homme d’environ vingt-cinq ans aux larges épaules et aux mains calleuses. Il avait les mains et les ongles propres et sa barbe venait visiblement d’être taillée. Lili était une jolie jeune femme du même âge au visage illuminé d’un beau sourire. Elle portait une simple tunique unie d’un beau rose pastel. Elle était parfumée, un mélange de violette et de lilas semblait-il. Quatre enfants, étonnamment propre en cette fin d’après-midi gesticulaient en tout sens autour d’eux.
« Harald. Bienvenu ! Toi et ton ami venez pour la fête ? demanda Lili.
- Et comment ! Laissez moi vous présenter Akan. C’est un drakéïde, vous vous rendez compte. Il m’a sauvé dans les montagnes et a accepté de m’emmener jusqu’à la fête. Il m’a sorti d’un beau pétrin vous pouvez me croire.
- Enchanté maître rôdeur.
- Enchanté, répondit Akan en souriant. »
À la vue de sa dentition de dragon, l’un des quatre garçons s’arrêta bouche bé devant le rôdeur, stupéfait. Les trois autres continuait de courir autour des quatre adultes. L’un d’entre eux devait certainement essayer d’attraper les trois autres, qui se servaient des jambes de leur parents, et bientôt de celles d’Harald et Akan, pour lui échapper.
« Vous êtes chargé ma parole ! Montez donc dans mon chariot ! Je vous dépose vous et les mômes !
- Oh merci Harald c’est tellement aimable à toi.
- Pas de ça entre nous Alban, on va tous au même endroit ! Montez !»
La charmante famille prit place dans le chariot d’Harald et c’est tous ensemble qu’ils prirent le chemin de la fête.
***
La forêt était calme. Aldéir marchait d’un pas tranquille, appréciant la quiétude qui l’entourait. Ses sens elfiques exacerbés lui permettait de vivre pleinement cet instant : il entendait les mulots qui creusaient sous ses pas, les oiseaux qui voletaient à quelques centaines de mètres à l’est de lui. Il pouvait encore sentir les parfums enivrants que dégageaient les fleurs sauvages qui parsemaient la clairière qu’il avait traversé quelques minutes plus tôt. Il était en réelle communion avec la nature. En réalité, pour lui, c’était exactement ça. Il sentait la vie pulser autour de lui, comme si tous les êtres vivants étaient connectés par une sorte de toile cosmique. Une toile vivante et absolument magnifique. Il n’était pas très religieux et n’avait que peu d’intérêt pour les dieux. Il vouait cependant un culte personnel à ces puissances naturelles, comme il les appelaient. Aussi loin qu’il se souvenait, il avait toujours adoré le sentiment d’harmonie et de calme qui accompagnait ses nombreux voyages. Né dans la noblesse elfique, il portait le prestigieux patronyme de Verteflammes et servait sa famille en qualité d’émissaire depuis qu’il était en âge de voyager seul. Il revenait justement d’une des ces missions. Sa connaissance parfaite de ces bois lui avait permis d’accomplir ses obligations très rapidement. Il avait donc un peu de temps pour lui avant de devoir rentrer. Du temps libre qu’il apprécierait en participant à une fête locale dont il avait entendu parler. Cet évènement, la fête de la caverne, avait lieu tous les ans et rassemblait la plupart des communautés locales. C’était une occasion de danser, manger et boire dans la bonne humeur mais c’était aussi une expérience presque mystique. A l’orée de la forêt se trouvait en effet un sentier qui menait à une grotte dont l’entrée n’était accessible qu’une fois par an. Aldéir y voyait une manifestation des puissances naturelles et souhaitait explorer cette grotte, voir ce phénomène de ses propres yeux. Mais la fête ne commençait que plus tard dans l’après-midi et donc Aldéir avait un peu de temps pour simplement apprécier le moment en se promenant dans ces bois qui lui étaient si chers.
Un frisson lui parcourut soudainement l’échine. Il se savait observé. Il aurait reconnu cette sensation entre toutes. Comme si la toile des puissances naturelles venait soudainement de se tordre sur sa droite, à environ 20 mètres. Des gnolls.
Aldéir avait ces créatures en horreur. Elles étaient dotées d’une certaine intelligence malsaine et prenait un malin plaisir à causer peine et destruction. Des abominations. Aldéir venait de se trouver un nouvel objectif.
Lorsqu’une flèche siffla dans l’air, il était prêt. Il l’esquiva d’un bond sur le côté tout en bandant son arc. Il n’avait pas touché le sol que sa propre flèche filait en direction de l’archer gnoll. Un bruit mat lui indiqua que sa cible venait de toucher le sol. Faisant preuve de réflexes prodigieux, il se remit debout et s’élança. Il arriva rapidement au niveau du corps et récupéra sa flèche. Il connaissait trop bien ces créatures pour se laisser duper. Jamais un gnoll seul n’aurait osé l’attaquer, même par surprise. Il inspecta le sol et remarqua sans mal un jeu de trace. Un autre gnoll, probablement un mal. Il était seul. Aldéir se mit en chasse, un sourire carnassier déformant son visage.
Il remontait la piste du gnoll sans faire le moindre bruit. Il avait cette grâce féline caractéristique des elfes, exacerbée par sa connaissance du terrain et sa communion avec les puissances naturelles. Il arriva rapidement en vue du gnoll qui s’était assis par terre et taillait un bout de bois, sûrement pour en faire une pique.
Aldéir contourna discrètement sa cible et fut bientôt dans son dos. Il dégaina ses deux épées courtes. Il émergea alors des fourrés et, avant même que sa proie se soit aperçu de sa présence, asséna un coup avec chacune de ses lames, perforant le monstre au niveau du cœur et de la tête. Celle-ci n’avait eut aucune chance. Aldéir nettoya ses lames puis reprit son chemin, errant sans but précis. Il s’était rapproché de la route sans même y faire attention et fut bientôt surpris de voir la multitude d’humains qui s’y trouvaient. Il était maintenant très proche de la route et, bientôt, un homme le salua dans un semblant d’elfique.
« Salutation seigneur elfe. Quel honneur que de vous croiser ! »
L’homme était bien habillé et portait une courte cape bleue. Certainement un marchand devina Aldéir qui remarqua cependant l’absence de roulotte. L’homme était accompagné d’une femme à la tunique ornée de fine broderie, elle aussi agrémentée d’une courte cape, et d’une petite fille d’environ cinq ans. Ils avaient les bras chargés de paniers contenant des fruits, des fèves et mêmes des morceaux de viande.
« Salutation à vous Monsieur. Madame, Aldéir baissa la tête pour saluer la femme qui vira au rouge. Bonjour jeune fille. Je ne puis m’empêcher de remarquer ces victuailles. Vous rendez-vous à la fête des cavernes ?
- Pour sûr que c’est là qu’on va ! s’écria la jeune fille, enjouée.
- Enfin Tisha, surveille tes manière quand tu t’adresses à un seigneur. Excusez la seigneur elfe. »
Aldéir souriait. Il avait effectivement fier allure dans son armure d’écaille flambant neuve. Ses long cheveux noir était lisse et presque brillant. Deux magnifiques épées étaient accrochées de chaque côté de sa ceinture et un bel arc ouvragé était fixé dans son dos, à côté de son carquois.
« Ce n’est rien ne vous en faites pas.
- Si vous vous y rendez également, ce serait un honneur que de vous y emmener.
- Oh oui, seigneur, venez à la fête, s’écria Tisha.
- Avec plaisir, répondit le rôdeur elfe. »
***
« La parole est à vous, amie conteuse. »
Ginger se leva et, comme elle le faisait pour toute ses représentations, grimpa sur la table. Comme tous les gnomes des forêts, Ginger ne devait pas mesurer beaucoup plus d’un mètre de haut. Elle portait des habits aux couleurs chatoyantes et avaient des cheveux roses et bleus coupés court. Un sourire facétieux illuminait son visage. Elle portait une besace de voyageur qui, semblait-il, devait être bien remplie. A son côté, une dague et une flûte de pan. Elle se fendit d’une magnifique révérence à l’attention de l’assemblée qui l’observait avec attention. Lorsque Ginger avait décidé de s’arrêter dans cette taverne pour le déjeuner, elle ne s’attendait pas à y trouver autant de monde. Quoi qu’il en soit, elle s’était rapidement fait connaître de l’assistance et, comme elle l’espérait, on lui avait rapidement demandé de faire preuve de ses talents de conteuse. Une occasion rêvée pour une barde itinérante. Ginger sortit un luth de sa besace et commença à jouer quelques accords. Le silence s’installa progressivement dans la taverne, seulement troublée par la mélodie de Ginger et les crépitement de la cheminée. Lorsqu’elle fut satisfaite de l’ambiance qui s’était installé, elle commença à conter:
Dans une ménagerie
De volatiles remplies
Vivait un cygne et un oison:
Celui là destiné aux regards
Le second élevé pour son goût
Tantôt on les voyait côte à côte nager
Tantôt courir sur l’onde, et tantôt se plonger
Pendant qu’elle racontait l’histoire, elle se déplaçait sur la table, mimant les oiseaux en train de nager, de courir, de plonger. Certains enfants riaient devant les frasques de la jolie jeune barde. Ginger leur fit un clin d’oeil et, alors qu’elle reprenait son souffle pour entamer la seconde strophe, fit mine de leur envoyer un baiser. Alors qu’elle soufflait au dessus de sa main tendue, une petite créature sortit d’une de ses manches et virevolta en direction des enfants. C’était une petite boule de poile bleue avec des petite ailes de papillons dont les nombreuses couleurs lui donnait un aspect presque brillant. La petite créature, nommée Murphy, parvint jusqu’aux enfants et, après un roulé boulé aérien fit volte face à moins de cinq centimètre du visage d’une petite fille. Elle s’immobilisa un instant puis s'élança en direction de Ginger avant de se poser délicatement sur son nez. L’assistance était stupéfaite et les enfants émerveillés. Satisfaite de l’effet de Murphy, Ginger reprit alors son histoire :
Un jour, le Cuisinier ayant trop bu d’un coup
Prit pour oison le Cygne l’attrapa par le cou
Il allait le rôtir où le mettre en potage
Ginger prit un air horrifié alors qu’elle prononçait ce vers. Son auditoire était pendu à ces lèvres tant et si bien que la plupart prirent eux aussi un air outré.
L’Oiseau, prêt à mourir, se plaint de vive voix.
Le Cuisinier fut fort surpris.
Et vit bien qu’il s’était mépris.
Un si beau chanteur, dit-il, ne devrait pas finir en soupe !
Non ! Par les dieux, que jamais ma main ne coupe
La gorge à qui s’en sert si bien.
Et, demanda le cygne, qu’en est-il de mon gras voisin ?
Mérite-t-il de finir en rôti ?
Le Cuisinier, fort déconfit, rangea alors tous ses outils
Puisque c’est ainsi, j’irai cueillir des fruits !
Ginger s’inclina bien bas alors que la foule la couvrait d’applaudissement. Un jeune garçon s’écria alors : « Hourra pour la dame barde ! Hourra ! ». Ces cris furent bientôt rejoint par la plupart des clients de l’établissement, tandis que, discrètement, le tavernier faisait disparaître dans l’arrière boutique les quelques volailles qu’il avait mis en évidence sur le comptoir.
Après cette représentation réussi, le tavernier offrit à Ginger un repas chaud, sans viande bien sûr, qu’elle accompagna de quelques fruits cueillis sur le chemin. Alors qu’elle savourait son déjeuner, elle laissait traîner ses oreilles, toujours à l’affût de quelques inspirations pour ces prochaines histoires. Un groupe de convive, installé à sa gauche, piqua sa curiosité. Il semblait tout excité à l’idée d’assister à la fameuse fête de la caverne qui aurait lieu ce soir.
Ginger avait déjà entendu des histoires sur cette fameuse caverne mystique dans laquelle les jeunes couples s’aventuraient pour que leur amour soit béni par la nature. D’après l’un des hommes qui discutaient, c’était une grotte dont l’entrée bloquée par des racines ne se dégageait qu’une fois par an. Ginger décida qu’elle devait s’y rendre. Une telle expérience lui inspirerait certainement grands nombres de récits.
Lorsqu’elle eut fini son repas, elle prit la route et commença à remonter la route, suivant la masse d’hommes, de femmes et d’enfants qui devaient se rendre eux aussi à la fête.
Alors qu’elle marchait, perdue dans ses pensées, une femme manqua de la renverser. Elle était accompagné d’un homme et de deux adolescents, un garçon qui devait avoir seize ans et une jeune fille un peu plus jeune.
Ginger s’exclama :
« Vous pourriez faire attention où vous marcher quand même ! »
La femme ne lui adressa pas un regard. L’homme, qui venait apparemment de remarquer sa présence, s’excusa :
« Dame gnome, je vous prie d’excuser mon épouse. Nous n’avons pas l’habitude de croiser des membres de votre … peuple. »
Ginger avait assez fréquenté les routes pour reconnaître, à sa manière de parler, un chevalier. Il avait beau ne pas être en armure et porter un pourpoint de clair sans armoiries apparentes, son appartenance à la noblesse ne faisait aucun doute. Tandis que l’homme s’excusait, la femme levait les yeux au ciel.
Le jeune garçon fit mine de saluer Ginger à la façon des chevalier lorsque sa mère lui jeta un regard noir. Celui-ci s’expliqua alors, penaud:
« Mais mère, si je veux être un chevalier comme Père, il faut que je fasse preuve de galanterie ! »
Ce fut au tour du père de lever les yeux au ciel.
Ginger, un rictus moqueur sur la figure, demanda innocemment :
« Vous vous rendez à la fête de la caverne ?
- Nous n’avons pas vraiment le temps de vous parler, lui répondit sèchement la femme.
- Oui effectivement. Voyez-vous, mon très cher fils n’ayant su prouver sa bravoure au combat, il espère faire ses preuves en pénétrant dans cette fameuse grotte. De mon temps, on chassait des orcs ou des démons mais j’imagine qu’aller chercher des cailloux dans une grotte est une preuve de bravoure plus moderne.
- Enfin Albert, Elsonfera un chevalier exceptionnel ! Il écrit des poèmes magnifiques !
- Mère ! s’écria le jeune garçon en rougissant »
Ginger était à deux doigt d’éclater de rire, mais elle se retint de justesse.
- Et vous dame gnome, vous vous rendez aussi à la fête ? demanda la jeune fille, restée silencieuse jusqu’à présent.
- Tout à fait. Je suis barde et je pense qu’une telle aventure mérite d’être conté ! Surtout si elle est marque le début de la carrière d’un si grand chevalier, répondit Ginger tout en souriant.
- Oui, oui j’imagine rétorqua le chevalier sans grande conviction. Ravi de vous voir, il me semblait effectivement avoir entendu parler d’une barde avec une petite boule volante. Enfin, vous n’avez qu’à nous accompagner. »
La femme fit la moue mais ne dit rien. Ginger leur emboîta le pas.
***
Pater s’ennuyait. Il avait passé la matinée à cueillir différentes plantes avec son père. Celui-ci s’était ensuite retiré dans une clairière un peu isolé de la forêt pour un rite qu’il devait réaliser seul. Pater n’avait pas encore été initié donc il ne connaissait pas les détails de cette cérémonie. Il savait juste que son père allait encore s’absenter pendant quelques jours. La solitude n’avait jamais été un problème pour lui. Il en avait profité pour parcourir les nombreux ouvrages que son père gardait dans le fond de la tanière où ils s’étaient installés.
Mais aujourd’hui, Pater avait réalisé que même si il avait soif de connaissance, il avait aussi envie d’aventure. Mais que pouvait-il bien faire ?
Sans conviction, il se dirigea à nouveau vers ces étagères qu’il connaissait par coeur. Il parcourra les différents titres: Rudiment de druidisme, Traité sur les créatures primordiales, Dragons et autre bêtes primitives, Arcanum Magus, Contes et folklore des forêts, Rites et Cercles de la nature, Démonologie de l’adepte … Il les avait déjà tous parcourus un si grand nombre de fois … Il se saisit de Contes et folklore des forêts et commença à feuilleter l’ouvrage avec délicatesse. Alors qu’il allait passer à un autre livre, son regard s’attarda sur une carte. Il lui semblait reconnaître le terrain que décrivait le recueil de conte. Il examina de plus près le dessin.
La carte présentait la portion sud de la forêt dans laquelle il vivait actuellement avec son père. Il reconnaissait la clairière sacrée, le bosquet où il allait cueillir des baies et des herbes et même la grotte dans laquelle il se trouvait ! Il chercha frénétiquement le titre de ce chapitre: La fête de la caverne. Il se souvenait effectivement avoir lu ce passage. Il s’agissait d’une légende selon laquelle les plantes qui obstruaient l’entrée d’une certaine caverne s’écartaient chaque année le temps d’une nuit. Les gens se réunissaient pour festoyer et pénétrer dans la grotte. Le livre faisait aussi mention d’une coutume selon on devait ressortir de la grotte avec un morceau de gemme particulier, Apparemment, la caverne abritait un grand nombre de cristaux translucides uniques qui présentait des motifs étranges. L’auteur attribuait la présence de ces motifs à la pression des racines sur les pierres tout au long de l’année. Lorsque Pater réalisa que la fête devait être célébrée le soir même, il prit sa décision : puisque son père ne serait de toute façon pas disponible pendant quelques jours, il irait vivre sa propre aventure. Il voulait aller étudier cette fête lui même. Il attrapa son bâton posé dans un coin de la grotte et vérifia que sa branche de gui, symbole de son éducation druidique, était bien fixée à sa ceinture. Il sortit alors dans la forêt et se mit en route en direction de cette fameuse fête de la caverne.
Après quelques heures de marche, il se savait proche du lieu des festivités : des banderoles étaient accrochées dans les arbres et il percevait les bruits de plusieurs dizaines de personnes à proximité. Instinctivement, il se dissimula dans les fourrées et approcha discrètement. Devant lui, une famille était en train de ramasser du bois. La mère se trouva bientôt devant lui et poussa un petit cri d’étonnement :
« Par les dieux, vous m’avez fait peur. Mais qu’êtes vous donc ? »
La surprise de la femme était compréhensible, Pater faisait environ deux mètre de haut. Il était drapé dans une longue toge grise et portait une peau d’ours sur son dos. Il avait la peau gris sombre. des yeux violets sans pupille et deux cornes qui s’enroulaient autour de son crâne comme une espèce de couronne. Ses cheveux noirs qu’il portait long lui tombait en dessous des épaules tandis qu’une longue queue en pointe s’enroulait autour de sa jambe.
« Je suis druide, répondit Pater calmement
- Ah comme Loup-Vert ! s’exclama la femme, visiblement rassuré par cette réponse.
- Certainement, je ne le connais pas.
- Vous êtes là pour la fête ?
- Tout à fait.
- Ravi de vous rencontrer maître druide. Venez donc il faut que je vous présente le reste de ma famille ! »
Alors qu’elle prononçait ses mots, elle tirait Pater par la manche, l’attirant dans la clairière. Un homme y installait une espèce de auvent tandis que les enfants ramassaient du petit bois. Toute la famille portait des vêtements simples mais propres, ornés de motifs de fleurs et d’animaux.
«Alors voici Louis mon mari, et ces quatre magnifiques jeunes enfants sont nos filles: Lys, Lila, Rose et Dandélion. Je m’appelle Lisa.
- Enchanté, je me nomme Pater, répondit le jeune druide.
- C’est un druide, comme Loup-Vert, continua la femme.
- Bonjour maître druide, dit Louis en s’approchant de Pater pour lui serrer la main. Vous êtes de la forêt ? Une sorte de satyre ?
- Je suis de la forêt oui mais je suis un Tieffelin.
- Ah, Louis se tut un instant avant de rajouter, Loup-Vert nous a mis en garde contre ceux de votre race.
- Je comprends, mon père aussi m’a mis en garde contre les Tieflfelins. Il est humain.
- Ah oui je comprends.
- Vous avez besoin d’aide ?
- Ah bah si vous proposez, je veux bien un coup de main pour tendre cette maudite toile au dessus de la nourriture. Vous vous joindrez à nous pour la fête, après ?
- Bien sûr, répondit Pater. »
Tandis que la femme et les quatre filles retournaient à leur occupations, Louis et Pater s’activèrent sur le auvent et furent bientôt rejoints par de nombreux autres hommes pour mettre en place les tables et allumer les feux. La fête allait pouvoir commencer.
***
La nuit commençait à tomber sur la fête lorsqu’Akan et Harald arrivèrent. C’était un joyeux attroupement en plein air d’une quarantaine de personne à l’orée de la forêt. De larges planches servaient de table et croulaient sous les nombreux victuailles: des fruits, des baies, des pomme de terres, des carottes, des soupe, des ragoûts, des pâtés … Presque toutes les personnes présentes étaient humaines. Harald stoppa son chariot et fit signe à Alban. Celui-ci aida sa femme à descendre tandis que les bambins s’étaient déjà jetés à terre et avaient rejoint les autres enfants qui couraient entre les tables en criant joyeusement. Après avoir remercié Harald, Alban et Lili s’éloignèrent. Akan observait autour de lui et appréciait l’atmosphère festive et joyeuse qui régnait. La lumière déclinait rapidement et c’était donc tout naturellement que des petits groupes se formaient autour des feux qui avaient été allumés près des tables. Sans même s’en rendre compte, les quatre seuls non humains se retrouvèrent bien vite dans le même groupe, accompagné du joyeux Harald.
« Mais quel chance incroyable ! Un seigneur elfe ! Salutation seigneur elfe, je suis Harald , marchand de peaux et mon ami Akan est un drakéïde. Vous en avez déjà rencontré ? Je jure que je n’en avais croisé avant qu’il ne me sauve d’une attaque de loup dans les montagnes. Maintenant que j’y pense vous êtes mon premier elfe aussi ! N’est-ce pas formidable ?
- Bonjour, répondit Aldéir amusé par le jovial marchand. C'est amusant en effet. Enchanté Akan, ajouta-t-il en lui tendant la main.
- Oh par les dieux un gnome des forêts ! Vous êtes aussi mon premier ! Vous êtes barde ? Et vous vous êtes un Tieflin n'est ce pas ? Je n'en avais jamais croisé non plus ! C'est vraiment une belle soirée !
- Tout à fait. Je suis Ginger.
- Et moi Pater, je suis druide.
- Vous voulez un peu de pâté de fève ? Oh par les dieux vous devez y goûter ! Il est fabuleux. Attendez moi ici je vais vous en chercher. »
Il n'avait pas fait trois pas qu'il abordait un homme en lui faisant une accolade et commençait à lui raconter une histoire « absolument incroyable ».
Aldéir lâcha, amusé : « J'ai l'impression qu'on ne vas pas avoir ces pâtés de fèves tout de suite. »
Les trois autres compères sourirent de la remarque du rôdeur elfe. Autour d'eux, la fête battait son plein: les enfants courraient en tous sens, manquant de renverser les tables et bousculant quiconque se trouvaient sur leur passage. Un couple d'une vingtaine d'année était assis non loin et se tenaient la main en se dévorant des yeux. Un peu plus loin un vieil homme était assis et sirotait une bière en observant les plus jeunes. Parmi toute cette joyeuse agitation, un homme sortait du lot. Il se tenait à l'écart des autres, comme si il se faisait discret. Il était très fin, de taille moyenne et avait des cheveux blond courts qui laissait par endroit son crâne apparent. Une barbe blonde lui mangeait la moitié du visage. Il regardait de tout sens et se déplaçait de manière étrange, comme si tous ses membre décidaient eux même de bouger, sans se coordonner les uns avec les autres et murmurait seul, comme s'il était en conversation avec lui même. Malgré son étrangeté, tous les nouveaux arrivants commençaient par aller le saluer en lui serrant la main avant de s'éloigner pour se joindre à la fête. Alors qu'Harald venait de quitter la table, celui-ci sembla remarquer les quatre étrangers et s'approcha.
« Bonjour bonjour. Je suis Sylfis. Bienvenue parmi nous j'imagine.»
Alors qu'il parlait, il serrait mollement la main des quatres aventuriers. Ginger examina avec intérêt le médaillon de Sylfis. Aldéir, qui avait remarqué l'intérêt de Ginger demanda alors :
« Intéressant ce médaillon. Il représente un dieux ?
- Oula mais il me parlent. Ah. Euh. Oui oui, répondit-il»
Il s'exprimait de manière étrange et décousue, comme si il ne s'adressait pas qu'à Aldéir. Son regard ne cessait de bouger, sans jamais se fixer plus de quelques secondes. L'elfe continua :
«Quel dieu ?
- Ah oui. Et il continue de me parler. C'est super… Euh vous êtes religieux vous-même ?
- Oui en quelque sorte.
- Ah quel dieu priez-vous ?
- Les puissances naturelles, pas un dieu en particulier.
- Ah oui oui c'est bien … Et bien ce n'est pas celui là. Bon, c'est super, et si vous alliez manger et moi je … je vais partir par là bas. »
Alors qu'il commençait à s'éloigner le rôdeur n'en démordait pas :
« Très bien mais quel dieux en particulier si ce n'est pas celui là ?
- Ah oui. Il continue. C'est super … Votre dieux vous l'avez déjà vu ? Non pas vraiment. Et bien moi, enfin … C'est le dieux de la Vérité en quelque sorte Celle que personne ne veut connaître. Enfin ! Sur cette superbe conversation, je vais vous laisser à la fête, il faut que je … que j'aille par là.» Il s'éloigna prestement de son étrange démarche, les main agitées de tic nerveux.
Harald devait avoir présenté tous le groupe à bon nombre de personne puisqu'un homme s'approcha et cria joyeusement : « Maître barde ! Chantez nous quelque chose ! Houra pour la barde ! ». Il fut bientôt repris par la plupart des personnes présentes. Ginger grimpa alors sur la table et s'exclama :
« Très bien. Mais je suis plutôt du genre à conter des histoires. Et vous savez quoi ? Je vais vous racontez l'histoire de la caverne ! »
L'homme, rendu joyeux par la bière qui coulait depuis un certain temps déjà, s'écria alors « Ouais ! Une histoire ! La caverne ! La caverne ! La caverne … ». Bientôt, toute l'assemblée scandait et acclamait Ginger, la pressant de raconter son histoire.
Bien entendu, Ginger n'avait pas la moindre idée des origines de cette grotte mais ce n'est pas ce genre de détail qui allait l'arrêter. Elle prit son luth et commença à jouer. La foule se calma alors et elle commença à conter. Elle décrivit comment il y a très longtemps, des dragons se terraient dans les cavernes de la région. Elle expliqua comment en soufflant, ceux-ci transformaient les pierres des cavernes en gemmes et comment, encore aujourd'hui ces pierres portaient la marque des griffes des dragons qui les avait créées. Enfin, elle raconta comment, les dragons s'était enfuis et pour protéger leur gemmes, ils avaient décidé de cacher toute les pierres dans une seule caverne et de la dissimuler derrière un rideau de racines, sans savoir qu'une fois par an, la caverne serait accessible aux plus braves. Lorsqu'elle eut terminé son histoire, la foule hurla son approbation, applaudissant, sifflant et criant « Hourra ». Les plus âgés hochaient même la tête, comme pour signifier à tous que c'était évidemment comme cela que c'était arrivé. La fête reprit de plus belle. Pendant ce temps, Akan et Aldéir s'étaient approché d'une des tables de victuailles.
« Ma parole un grand gaillard comme vous, il vous faut une bonne portion ! Tenez, prenez ça. Vous aussi seigneur elfe ! Enfin … vous manger de la viande ?
- Oui bien sûr, répondit Aldéir »
Un des hommes derrière la table leur remettait à chacun une assiette qui contenait une petite tranche de viande, probablement du lapin ou du mulot. Plusieurs louches de bouillon dans lequel flottaient des herbes et des champignons avaient été rajouté par dessus. Les deux rôdeurs le remercièrent et Aldéir se servit une coupe de vin pour accompagner son plat. Le druide tieffelin, quant à lui, s'était approché de la forêt et observait le sentier au dessus duquel des lanternes avaient été disposées.
La nuit était maintenant complètement tombée et, l'alcool aidant, un joyeux vacarme se dégageait de la fête. Bientôt des centaines de feux-follets affluèrent sur le sentier. Ils semblaient descendre le sentier en direction de la fête. Ils devaient certainement venir de la caverne qui se trouvait sans nul doute au bout du sentier. Avec la lumière conjointe des feux follets et des lanternes, la forêt avait pris un aspect bleuté presque féerique. Akan chercha Sylfis du regard et le trouva dans un coin avec une assiette, apparemment en vive conversation avec lui même.
« Et si on faisait un jeu de Gagner le cœur de la princesse elfe ? »
La foule acquiesça avec force. Harald en particulier s'époumonait «Oui ! Oui ! Oui … ».
« Qui veux jouer ? »
Harald se leva brusquement en levant les deux bras. «Moi ! Moi ! Oh et puis mon ami Akan aussi ! Vous jouez avec nous ?
- Bien sûr, répondit l'intéressé amusé.
- Et vous seigneur elfe ? C'est pour sauver une princesse elfe tout de même ! demanda un autre.
- Effectivement, j'en suis !
- Allez maître barde ! Et vous aussi maître druide ! Tous les étrangers jouent !
- Et moi aussi, s'écria Harald puis, se rappelant qu'il faisait partie des étrangers rajouta, je suis aussi étranger !
- Ouais ! Harald l'étranger ! reprirent en cœur plusieurs personnes
- Et moi je vais jouer aussi, s'exclama Lisa, la femme qu'avait croisé Pater en arrivant.
- Oh non tu gagnes tout le temps, répondit un enfant, bientôt repris par l'assemblée.
- Lisa, tu arbitres alors !
- Ouais ! Lisa arbitre ! scanda la foule.
- D'accord. Vous connaissez les règles ? demanda la jeune femme.
- Bien sûr ! Enfin nan en fait pas du tout ! s'écria Harald tandis que tout le monde, lui compris éclatait de rire.
- C'est facile, on va tous chanter la chanson de la princesse. Dans chaque strophe il y aura un nom de fleur. Vous devez trouver la fleur avant la fin de la strophe. A la fin, le gagnant est celui qui a le la plus longue suite de fleurs avec des pétales qui se suivent.
- Ah d'accord … J'ai rien compris, répondit Harald après un temps d'arrêt, une fois encore tout le monde éclata de rire.
- Oh Harald ! C'est facile. Il faut ramasser les fleurs qu'on dit dans les strophes de la chanson ! Et à la fin on compte les pétales de toutes les fleurs ramassées et c'est celui qui à la plus longue suite de pétale, comme quand on joue aux cartes.
- Ouais ! répondit Harald en levant les deux bras.
- Bon vous êtes prêt ? Allons y ! »
Lisa commença à taper dans ses mains en rythme, bientôt rejoint par le reste des joyeux fêtards. Lorsqu'elle commença à chanter, sa voix fut repris par toute l'assemblée. La première strophe racontait l'histoire d'une jolie princesse elfe qui s'ennuyait dans sa tour, attendant l'arrivée de son prince charmant qui, elle l'espérait, lui ramènerait des violettes. Lorsque ce mot fut prononcé, les joueurs se mirent à chercher le sol. La chanson continuait et bientôt tous les participants eurent trouvé une belle violette. Seul Harald, avait ramassé une feuille morte. Malgré tout, il avait l'air très fier de lui et souriait à pleine dents. Bientôt, la foule entama la seconde strophe de la chanson. Un homme se présentait en bas de la tour avec un bouquet de pissenlits et la princesse refusait ses avances. Harald fut le premier à relever la tête du sol. Il tenait un petit caillou qu'il ajouta fièrement à sa feuille morte avant de reprendre une gorgée de bière. Concentré, Akan parvint sans mal à trouver un beau pissenlit. Les autres joueurs, quant à eux, n'eurent pas autant de chance. La strophe était sur le point de se terminer et il n'en avait toujours pas trouvé. Contre toute attente, il mirent tous trois la main sur un petit parterre de pissenlits, petits et abîmés. La chanson continuait avec le récit d'un gnome qui offrait une tulipe à la princesse. En peu de temps, Aldéir, Pater et Akan mirent la main sur de joli fleurs tandis que Ginger avait plus de difficulté. Elle finit cependant par cueillir une petite tulipe qu'elle ajouta à sa collection de fleurs. Harald, complètement ivre tenait une pelure de pomme de terre. Ce fut ensuite un nain qui tenta de gagner le cœur de la princesse elfe avec une jonquille. Les strophes devenaient de plus en plus courtes et la chanson s’accélérait. Cependant, après avoir passé autant de temps à chercher des fleurs, les quatre étrangers ne prirent que quelques instants avant de se saisir chacun d'une belle jonquille. Harald quand à lui ramassait une chope, sans se départir de sa bonne humeur. Enfin, un elfe se présenta et très gracieusement offrit des glycines à la princesse qui tomba sous son charme. Lorsque le nom de la dernière fleur fut lâché, les joueurs, à l'exception peut-être d'Harald, comprirent qu'ils n'avaient plus que quelques secondes pour la trouver. Aldéir fut le plus prompt, dans un mouvement précis et gracieux, il s'élança en direction de la forêt et trouva ce qu'il cherchait. Pater, ayant repéré une glycine auparavant, s'empressa d'aller la cueillir. Akan et Ginger ne furent pas assez rapide et durent se contenter des fleurs piétinés qui se trouvaient près d'eux. Contre toute attente Harald tenait une fleur: une belle pivoine toute rose. La chanson terminée, tout le monde se mit à applaudir tandis que Lisa rassemblait les cinq joueurs et observaient leur trouvaille. Harald fut très vite éliminé, provoquant l'hilarité générale. Pater et Ginger disposaient chacun d'une suite de trois fleurs aux nombres de pétales consécutifs. Akan et Aldéir quant à eux présentaient tous deux quatre fleurs qui se suivaient avec le même nombre de pétales. Lisa jugea l'égalité parfaite et les félicita tout deux tandis qu'un nouveau tonneau de bière était percé.
Ginger, impatiente demanda à Harald pourquoi les gens ne se dirigeaient pas vers la caverne.
« Ah bah ça c'est une bonne question ! Louis, cria-t-il, Louis ! Pourquoi qu'on remonte pas le sentier ?
- On attend que Loup-Vert arrive pour sa petite cérémonie.
- Et il arrive bientôt, demanda Ginger
- Il ne devrait plus tarder oui. »
Sylfris était toujours à l'écart et observait l'assemblée, ses mains agitées de tremblements nerveux. Un homme, une chope à la main, s'écria alors :
« Un tir à la corde ! Il faut qu'on fasse un tir à la corde !
- Ouais, s’époumona le reste de l'assemblée.
- Les étrangers contre le village !
- Mais non, on est trop ! répondit un homme.
- Les étrangers contre les enfants ! reprit le premier.
- N'importe quoi ! T'as trop abusé de la bière toi ! rétorqua un garçon en éclatant de rire.
- Les étrangers contre un tonneau de bière ! »
Tout le monde riait à gorge déployée en buvant. Ginger dit alors :
« je vous encourage avec mon luth !
- Ouais ! hurlèrent plusieurs hommes et femmes dans la foule »
Petit à petit, deux équipes se formèrent, Harald et les trois autres étrangers contre quatre autres homme du village. Une épaisse corde fut apportée et, bientôt, les hommes furent en place : Akan était en tête, suivi par Aldéir, Harald et enfin Pater.
« En trois manches ! Ouais ! »
Ginger commença à jouer, usant de ses talents de conteur pour galvaniser l'équipe des étrangers et tout particulièrement Akan.
Le signal fut donné et les deux équipes se mirent à tirer. La victoire revint aux étrangers. Au second signal, Akan fut déstabilisé un instant, manquant de lâcher la corde mais, inspiré par l'art de Ginger, se reprit à temps. Harald avait les muscles tendus et grognait sous l'effort. Aldéir et Pater tinrent bon. Une fois de plus, les villageois lâchèrent la corde. Au troisième signal, les villageois tirèrent de toute leur force, surprenant Aldéir qui glissa dans la boue et s'écrasa au sol, bientôt suivi par Harald. Pater, la mâchoire serrée, réaffirma sa prise sur la corde et parvint à la contrôler. Il se mit à tirer, bientôt rejoint par Akan. une fois encore leurs adversaires s'effondrèrent en lâchant la corde.
« Hourra pour les étrangers ! Hourra ! ».
La bière coulait à flot, les gens chantaient, mangeaient et dansaient. Malgré tout, certains commençaient à présenter des signes d'impatience. Les plus jeunes s'approchaient de plus en plus du sentier, sans oser pour autant s'y aventurer. Un des hommes proposa alors une partie de hachettes.
« Sylfis, vous jouez ? »
L'intéressé semblait pris de court.
« Ah des hachettes super. Oui si vous voulez. J'imagine que je peux jeter des hachettes sur une cible. Seigneur elfe, vous savez lancer ? »
Alors qu'il parlait, il avançait dans la lumière et s'était adressé à Aldéir, fixant un point au dessus de l'épaule de celui-ci.
« Oui bien sûr.
- Bien. Dans ce cas jouons. »
Tous deux se placèrent devant une cible de bois posé contre un arbre. On leur remit chacun trois hachettes. Sylfis lança le premier. Sa hachette vint se planter dans le cercle central, La foule applaudit. Aldéir lança à son tour mais ne parvint qu'à atteindre le second cercle. Impassible, Sylfis effectua son second lancer et fit de nouveau mouche. La foule applaudissait et encourageait Sylfis qui ne semblait pas y prêter la moindre attention. Aldéir lança à son tour. Sa hachette se planta de nouveau dans le second cercle. Alors que Sylfis armait son bras, il s'immobilisa soudainement. Il avait le regard fixe et distant, comme si il n'était plus vraiment avec Aldéir. L'assemblée ne semblait pas remarquer ce changement d'attitude où en tout cas n'en faisait aucun cas, continuant d'acclamer les deux participants à grands cris. Après plusieurs longues secondes, l'étrange Sylfis revint à lui et lança sa hachette avec une force impressionnante. Quelque chose dans son regard avait changé, il semblait encore plus fébrile qu'auparavant, presque fiévreux. Pour la troisième fois, la hachette se planta en plein centre. Aldéir, qui n'était visiblement pas doué avec les haches ne fit pas mieux que lors de ses précédents essais. La foule encensait Sylfis tout en félicitant aussi Aldéir. Ce dernier interrogea alors Sylfis:
« Lors de votre dernier lancer, vous étiez différent. Que s'est-il passé ?
- Différent ? Comme c'est amusant. Oui amusant, comme ce jeu finalement. Tout le monde s'amuse. C'est super. On s'applaudit, on chante mais tout ça n'a aucun sens. En quoi est-ce amusant de lancer des haches ? Et puis ça l'est beaucoup moins quand on se trouve de l'autre côté. Oui beaucoup moins. On lance, on lance et des fois on touche. Ah oui des fois on touche. Et pourquoi ? Pour des terres ? les beaux yeux d'une dame ? de l'argent ? Pour les autres, oui. Jamais pour soi... nous sommes dupes. Consentant. Non, tout ça n'a pas de sens. Mais bon allez-y amusons nous... »
Il avait parlé très vite, en agitant ses mains et sa tête de manière erratique. Même son intonation ne cessait de changer. Sur cette dernière phrase, il applaudit et, le regard dans le vague, s'éloigna de l'attroupement de son étrange démarche, allant se réfugier plus loin dans un coin d'ombre.
La fête reprit son cours même si certains semblaient étonné de ne pas voir arriver Loup-Vert. Pater, curieux alla examiner le sentier d'un peu plus près. Il découvrit avec étonnement des traces de coupes récentes dans le ramage de certains arbres autour du sentier. Les coupes semblait récente. Akan quant à lui observait avec attention autour de lui et remarqua que Sylfis le fixait. Lorsqu'il lui rendit son regard, l'étrange personnage s'approcha discrètement de Akan et lorsqu'il fut tout près, lui murmura à part :
« Vous n'avez pas l'impression qu'il manque des enfants ? »
Akan regarda autour de lui et réalisa effectivement que sur les six enfants qu'il avait croisé avec Harald en arrivant, seul quatre étaient visibles.
« En effet, j'ai l'impression qu'il en manque.
- Vous pourriez demander à votre … compagnon druide de … je ne sais pas … dire quelques mots, agiter les bras devant le sentier, enfin ce genre de chose ?
- Si je pense que c'est une bonne idée. Je vais voir ça avec lui. »
Akan s'éloigna et approcha discrètement de Pater.
« Il manque des enfants. Il est possible qu'ils se soient aventurés sur le sentier seul. Vous pourriez dire quelques mots pour que tout le monde s'y déplace ? Le druide local ne semble pas arrivé.
- Très bien, je peux faire ça oui.
- Merci »
Akan alla ensuite informer l'autre rôdeur de la situation, estimant que ses capacité de traqueurs pourrait être utile. Ginger, qui se trouvait non loin, se joint elle aussi à la conversation. Akan quitta ensuite le groupe pour aller observer le sentier tandis que l'elfe abordait Lisa :
« Mon ami druide souhaiterait ouvrir le chemin pour la caverne. Cela vous conviendrait-il ?
- C'est un druide après tout. Alors pourquoi pas. Et puis de toute façon, il commence à se faire tard et Loup-Vert n'est toujours pas là. »
Aldéir la remercia et alla informer le jeune tieffelin, accompagné de Ginger. Akan quant à lui observait attentivement le sentier. Il distinguait au moins trois jeux de traces distinctes. Des traces d'enfants.
Pater s'avança plus loin sur le sentier, bientôt suivi par le reste de la foule. Il voyait distinctement les traces d'enfants qui remontait le sentier mais il remarqua avec horreur d'autre empreintes : des hyènes. Il en comptait au moins cinq, peut-être plus. Il avait vécu dans cette partie de la forêt depuis suffisamment longtemps pour savoir que de telles bêtes ne devaient pas se trouver ici. De plus, il savait que les meutes de hyènes ne s'aventuraient généralement pas en dehors de leur territoire. Tout cela ne lui disait rien de bon. Il fit alors signes à ses trois compagnons pour leur montrer les traces. Le reste des fêtards, prenant le signe comme une invitation, se ruèrent sur le sentier en chantant joyeusement.
« Silence ! »
Pater venait de parler, sa voix amplifié par magie semblait résonner dans le bois, comme sorti tout droit des profondeurs. Le foule se calma un petit peu et échangeait des regards surpris, sans comprendre la raison de cet acte.
Pater, qui avait l'attention de la plupart des personnes présentes, continua normalement :
« La forêt est dangereuse. Il y a des hyènes non loin. Avez-vous vos enfants avec vous ? » Certains cris de stupeur commencèrent à émerger de la foule.
« Mais où sont ils passés ! Ils ont dut partir sur à la caverne, ces petite crapules !
- Oui à la caverne !
- Ouais ! »
Le groupe se mit en marche. En tête de cortège se trouvaient Pater et Ginger tandis que Sylfis fermait la marche, s'assurant que tous le monde restait groupés sur le sentier et fixant le sol, certainement à la recherche de traces. Ils arrivèrent bien vite devant l'entrée de la caverne.
En vérité, ce qu'ils avaient devant les yeux n'avait de caverne que le nom : On aurait dit une grotte creusé dans une végétation si dense que les parois de racines et de lierres semblaient impénétrables. Des feux follet bleutés émergeaient de la caverne au travers des racines qui se mouvaient doucement, créant des ouvertures large d'environ un mètres avant de se refermer. Le spectacle était saisissant, féerique. Les avertissements de Pater n'étaient pas venu à bout de la liesse des fêtards alcoolisés. On chantait et on riait devant la grotte. Certains commençaient même à sortir des tambourins et frappait dessus en cadence. Un premier couple d'amoureux s'avança en direction du rideau végétal, s'embrassa puis, sous les applaudissement de la foule en délire, se glissèrent, mains dans la main, au travers d'une ouverture. Harald s'approcha à son tour et s'immobilisa devant l'entrée. Il avait le sourire jusqu'aux oreilles.
« Allez Harald !
- Ouais ! Vas y Harald ! »
Celui-ci bondit dans au travers d'une ouverture puis ressortit presque aussitôt en criant :
« Je suis allé dans la caverne ! C'est ma première fois dans la caverne !
- Hourra pour Harald ! s'écria un hommes bientôt repris pas une dizaine d'autre.
- Mais tu dois aller chercher une pierre ! s'exclama alors une petite fille
- Ah oui, une pierre, réalisa Harald en riant. Deux fois dans la grotte !
- Hourra pour Harald ! Deux fois dans la grotte ! reprit la foule joyeusement »
Celui-ci bondit de nouveau au travers d'une fente qui venait de s'ouvrir et disparut dans la caverne.
Aldéir, Pater et Ginger s'avancèrent et, sous un tonnerre d'encouragement et d'applaudissement s’engouffrèrent à leur tour dans la caverne : ils avaient remarqué les traces des enfants.
Il faisait sombre à l'intérieur de la caverne. Ce n'était vraiment pas un problème car les trois compagnons pouvait voir dans le noir comme en plein jour. Ils venaient de pénétrer dans une espèce de salle de bonne taille dans laquelle Aldéir et Pater se tenaient courbés. Le sol était entièrement recouvert de racines tandis que les murs et la voûte se composaient d'un agglomérat de bois, de lierre et de feuilles. Les murs étaient agités, les plantes s'écartant, créant des ouvertures et se refermant sans logique apparente. Pater avança d'un pas assuré vers le mur du fond et s'engouffra dans une des brèches qui venaient de s'y ouvrir, suivi de près par le rôdeur et la barde. La pièce sur laquelle ils venaient de déboucher était plus haute mais tout aussi sombre. Derrière eux, les bruits de la fête et des tambours leur parvenait distinctement. Un examen attentif leur permit de mettre la main sur ces fameuses pierres dont parlaient le reste des villageois. Difficile à distinguer au sol en raison de leur transparence, ces petit cristaux étaient en réalité omniprésent sur le sol. Ils en ramassèrent chacun un. Certains de ces cristaux étaient tellement friables qu'ils partaient en poussière à peine soulevé de terre. Ceux qui résistait présentait des sortes de gravures, presque runique, dont la signification, si tant est qu'elles en ai eut, échappait complètement aux trois aventuriers. Ils s'engouffrèrent alors dans au travers d'une nouvelle ouverture.
***
Tandis qu'Harald pénétrait dans la caverne, Akan cherchait Sylfis des yeux. Celui-ci venait de bifurquer d'un pas assuré dans la forêt, les yeux fixés au sol. Akan s'approcha et suivit discrètement sa trace. À mesure qu'il s'éloignait du sentier et de ses feux follets, la lumière se faisait rare. Il se retrouva bientôt dans la nuit noire et ne tarda pas à perdre la trace de Sylfis. Il prit soudain conscience que quelque chose n'allait pas. Il ne percevait pas le moindre bruit d'animaux autour de lui. Cela ne pouvait signifier qu'une chose : il était la proie. Lorsqu'il entendit un bruit sourd derrière lui, il fit volte face. Un groupe de cinq hyènes, les babines retroussées, se ruaient sur lui. L'une avait été stoppée net par une racine qui avait soudainement surgit du sol, alertant le rôdeur du danger mortel, et se débattait sans succès, complètement immobilisée. Akan comprit instantanément qu'il n'avait pas la moindre chance dans un combat frontal. Il se jeta en direction de l'arbre le plus proche et commença à grimper pendant que les quatre bêtes restantes se jetaient férocement sur lui. La mâchoire de la première claqua à quelques centimètres de la jambe du rôdeur tandis que la seconde s'empêtrait, impuissante, dans une liane qui venait de s'animer. Le coup de patte de la troisième entama l'écorce de l'arbre sans effleurer Akan. La dernière hyène bondit et mordit le rôdeur à la jambe alors qu'il terminait son ascension. Les crocs de la hyène avait heureusement peu entamé la chair du rôdeur qui parvint à se hisser sur une branche, hors de portée des charognards qui tournaient autour de l'arbre ne grognant. Il prit son arc, encocha une flèche et tira. Une hyène s'effondra, le crâne transpercé. Réalisant leur situation, les autres prirent la fuite et disparurent dans l'ombre et la végétation.
***
La troisième salle était en tout point semblable à la précédente, au détail près que Pater avait l'impression qu'il y avait plus de gemmes au sol. Les trois compagnons pénétrèrent au travers d'une nouvelle ouverture pour découvrir une autre cavité végétale. Le sol de terre révéla à Pater et Aldéir que quelqu'un venait d'emprunter le même chemin qu'eux. Ils suivirent les traces et s'engouffrèrent dans une cinquième salle, identique à la précédentes. Derrière eux, ils pouvaient encore entendre les bruits de la fête et le rythme régulier des tambours. Une exclamation joyeuse leur parvint, provenant d'une salle à leur droite. Apparemment Harald venait de trouver une pierre. Continuant d'avancer, il passèrent dans une nouvelle salle, plus sombre, plus oppressante. Dans la salle suivante, Aldéir s'immobilisa. un frisson venait de parcourir son échine alors qu'il distinguait des yeux jaunes au travers d'une ouverture sur sa gauche. « Gnoll » dit-il avant de se diriger vers l'ouverture qui se refermait. Dès qu'une nouvelle brèche se fut formé dans le mur végétal, tout trois s'y engouffrèrent, les armes au clair. Au centre de la pièce se trouvait deux statues de pierre. Elles représentaient deux enfants figés dans une expression de pure terreur. En s'approchant, Pater réalisa avec horreur qu'il reconnaissait l'une d'entre elles : c'était Lys, la plus jeune des enfants qu'il avait croisé en arrivant à la fête. Son esprit tournait à cent à l'heure. La seule créature qu'il connaissait et qui avait le pouvoir de pétrifier était le basilique. Une telle créature, estima-t-il, ne pouvait pas résider dans cette caverne. Elle était trop imposante et aurait laissé des marques. Ginger, qui observait les statues fit remarquer à ses compagnons que toutes deux avaient l'air d'avoir été blessés. Une au torse et l'autre au bras. Aldéir quant à lui observait les traces au sol. Il n'eut aucun mal à reconnaître les empreintes de gnoll. Elle se dirigeait vers le mur est. D'un commun accord, les trois aventuriers décidèrent de ramener les statues vers l'extérieur. Ils ne pouvaient tout de même pas les laisser dans cette grotte piégé pendant un an. il n'eurent aucun mal à s'en saisir, celle-ci ne pesant pas beaucoup plus lourd que des enfants. Alors qu'ils s'orientaient vers le mur dont la fête semblait provenir, le vacarme se mua en une horrible cacophonie.. Les gens hurlaient, appelant à l'aide et poussant des cris de terreur. Aldéir se saisit de son arc et s'élança vers le mur. Une flèche s'enfonçant entre ses omoplates le stoppa net. Il fit volte-face et aperçut les yeux jaunes de l'autre côté du mur opposé alors que tandis que celui-ci se refermait. Avant que la fente ne soit complètement close, une créature en surgit à toute vitesse et se rua sur les trois compagnons. D'environ un mètre cinquante, ce monstre ressemblait à un hideux mélange entre un lézard, un oiseau et une chauve-souris. Il avait le corps d'un oiseau mais son dos était recouvert d'écailles surmontée d'une crête hérissée et possédait deux grandes ailes parcheminées qui se terminait par un ergot acérée. Son bec disproportionné laissait apparaître une langue fourchue. Ses yeux méchants rougeoyait et sa queue reptilienne fouettait l'air avec force. Ginger reconnu la créature immédiatement. Elle en avait déjà entendu parler dans certaines des histoires qu'elle avait apprises. C'était une cockatrice. Un monstre mauvais et vicieux, généralement dompté pour accomplir les tâches ingrates de créatures lâches. Ginger savait aussi que ces monstres avaient la capacité, comme elle de voir parfaitement dans le noir. Enfin, leurs morsures pouvaient pétrifier leurs victimes qui reprenait vie quelques jours plus tard. À eux trois, Ginger estima qu'ils n'aurait pas de mal à en venir à bout.
Le monstre se jeta avec force sur Aldéir, essayant de le transpercer de son bec. Lâchant son arc, le rôdeur dégaina ses armes alors que son armure d'écaille déviait le coup de la cockatrice. Il asséna deux coups violent à la bête qui glapit de douleur et eut un mouvement de recul. Ginger avait pris sa flûte de pan et avait entamé un air guerrier aux consonances elfiques qui redonna du courage à Aldéir, lui faisant oublier la douleur de la flèche qu'il avait encore planté dans le dos. Pater, son bâton en main, tenta de porter un coup à la cockatrice qui l'esquiva. Ginger lui planta alors sa dague entre les ailes. Le monstre poussa un cri perçant et tituba en arrière. Une autre flèche surgit du mur du fond et fila vers l'elfe. Celui-ci l'ignora et se rua sur le monstre affaiblie. La flèche ricocha sur les écailles de son armure tandis que le rôdeur portait deux nouveaux coups à la bête dont le sang se répandait sur le sol. Il la transperça de part en part avec ses deux lames. Pater lui asséna un coup de bâton qui lui explosa le crâne. La cockatrice s'effondra sur le sol.
Alors que les yeux du gnoll réapparaissaient derrière le mur, Ginger entama une berceuse. Les paupières du gnoll commencèrent à descendre mais il parvint à résister et à tirer une nouvelle flèche en direction du rôdeur, qui l'esquive sans mal alors que la brèche se referme. Les trois héros reprirent les statues des enfants et s'élancèrent vers l'entrée de la caverne dont leur parvenaient toujours les cris de terreur des villageois.
***
Akan rangea son arc et descendit de l'arbre sans un bruit. Il ne percevait toujours pas de bruit d'animaux autour de lui et resta donc sur ses gardes. Il récupéra la flèche qu'il venait de tirer et la replaça dans son carquois avant d'observer le sol, à la recherche de la piste laissée par Sylfis. Malgré les traces des hyènes, il parvint à repérer ce qu'il cherchait et entreprit de la suivre tout en restant discret. Il se déplaçait comme il l'avait appris dans les montagne : chaque mouvement était réfléchi pour préserver ses forces et limiter son impact sur son environnement. Il s'enfonçait de plus en plus dans la forêt. Il vit deux hyènes sortir des fourrées plus loin devant. Elles le fixèrent puis prirent la fuite et disparurent un peu plus loin. Un peu plus loin, la même scène se joue devant ses yeux. Trois hyènes qui s'immobilisent devant lui, hors de portée puis après un temps d'arrêt s'enfuie un peu plus profondément. Akan comprit alors ce qu'il se passait. Les hyènes jouaient avec lui, l'attiraient dans un piège. Il n'avait aucune envie de se laisser avoir. Par mesure de précaution, il grimpa dans l'arbre le plus proche et décida de retourner sur le sentier. Sautant de branche en branche, son entraînement et sa dextérité naturelle lui permettaient de se déplacer à bonne vitesse. C'est alors qu'il entendit des cris de terreur et de douleurs s'élever au loin. Ils provenaient de l'entrée de la grotte. Le rôdeur sauta à terre et courra aussi vite qu'il le pouvait pour rejoindre l'origine du vacarme. la scène qui l'attendait le glaça d'effroi. Une vingtaines de hyènes s'attaquait aux villageois qui tentaient vainement de se défendre. Ces derniers n'avaient aucune chance : ils étaient désarmé, ne portaient que des tissus fins, étaient ivre pour la plupart d'entre eux et n'avait probablement pas d'entraînement martial. Les animaux se déplaçaient par groupe de deux ou trois et attaquaient de manière coordonnée. Le sol était couvert de sang et de cadavre déchiqueté. Akan grimpa dans un arbre et se prépara à tirer. Sylfis surgit alors en courant comme un dératé de la forêt et, sans se soucier de sa propre sécurité, s'élança dans la mêlée. Akan décocha une flèche qui abattit une hyène qui s'approchait de l'étrange dément. Celui-ci, imperturbable, attrapa son médaillon et murmura des paroles qu'Akan ne pouvait entendre. Un éclair de lumière jaillit de son bras tendu et frappa une hyène au flan sans faire le moindre bruit. Celle-ci s'effondra, tuée sur le coup. Sylfis, qui venait de remarquer le rôdeur, commença à courir pour le rejoindre tout en criant « Il faut les aider, ils sont perdus sinon. ». Akan avait déjà préparé sa deuxième flèche et tira en direction d'une des hyènes qui s'attaquait à un homme à terre. Celle-ci fit un bond au dernier moment, esquivant la flèche qui alla se planter dans l'épaule de l'homme. « Les gnolls ! Il faut chercher les gnolls ! » cria Sylfis qui venait d'arriver au pied de l'arbre. Akan se concentra un instant à la recherche de gnoll à proximité. Ils se trouvaient à environ dix mètres sur sa droite, en dehors de la mêlée. Ils étaient quatre, tous armée d'arcs. Akan banda son arc et lâcha un tir qui passa au dessus de sa cible. Les gnolls furent plus efficaces. Deux d'entre eux visèrent Akan. L'un des deux traits s'enfonça profondément dans l'épaule du drakéide. Il grimaça de douleur. Sylfis avait déjà entamé l'ascension et se trouva bientôt à ses côtés, médaillon en main. « Guéris le toi qui est caché. Il le mérite. Oui guéris ce brave héros ». Une douce lumière se dégageait de ses mains à mesure qu'il parlait et Akan sentit la douleur refluer. Il arracha la flèche qui dépassait de son épaule et banda de nouveau son arc. Les quatre gnolls lâchèrent leurs flèches en même temps, prenant pour cible Akan et Sylfis. Aucune n'atteint sa cible.
À ce moment, Pater, Aldéir et Ginger émergèrent de la caverne avec les enfants pétrifiés, qu'il déposèrent près de la barde. Aldéir dégaina ses deux lames et se jeta dans la bataille, s'interposant entre trois hyène et un enfant terrifié. Ginger, proche des statues sortit son luth et commença à jouer, imprégnant ses paroles de toute la ferveur dont elle disposait. L'elfe porta un premier coup qui manqua sa cible. Déséquilibré, son deuxième coup ne porta pas non plus. Ginger concentra toute son attention sur le rôdeur elfe, vantant les exploits de ses ancêtres et la bravoure de son peuple. Lorsqu'Aldéir eut reprit pied, il était prêt. Il serait à la hauteur de la légende. Ses trois adversaires se jetèrent sur lui au même moment. Il réussit à esquiver une des hyènes et à en repoussé une autre d'un coup d'épaule. Le dernière parvint cependant à le griffer au bras. Pater de son côté avait frappé une hyène avec tant de force qu'elle avait été projeté à quelques mètres et ne bougeait plus. Trois autres hyènes en profitèrent pour se jeter sur lui. Il lutta bravement mais ne put rien faire face à leur incessants coups de crocs et de griffes. Il tomba à terre, inconscient.
Akan tira en direction des gnoll et atteint l'un d'entre eux en pleine poitrine. Celui-ci arracha la flèche et avec un regard mauvais banda son arc. Quatre nouvelles flèches filèrent vers le clerc et le rôdeur. Akan fut touché à la jambe et Sylfis dans le bras tandis que les deux autres flèches se fichèrent dans le tronc de l'arbre. Ignorant sa propre blessure, l'étrange prêtre continuait de psalmodier ses prière tout en retirant la flèche des chairs du rôdeur. Akan ne sentit bientôt plus la douleur de cette nouvelle blessure qui s'était arrêté de saigner. L'un des gnoll poussa un cri de surprise qui se mua bientôt en douleur alors que des ronces surgissait du sol et s'enroulaient autour de lui. Les trois autres tirèrent à nouveau. Deux flèches frappèrent le rôdeur en pleine poitrine qui bascula de la branche. Sylfis l'attrapa à bras le corps et s'écrasa avec lui au sol, amortissant grandement la chute du jeune drakéide inconscient. Il grogna de douleur mais parvint à s'agenouiller au côté d'Akan avant d'arracher les flèches. Il apposa une main sur la poitrine du rôdeur et presqu'en transe commença à psalmodier.
Deux hyènes s'approchèrent de Ginger et Aldéir et fléchirent leur pattes arrières, prêtes à bondir. Des racines jaillirent de la terre et grimpèrent pour atteindre le cou des bêtes avant de les plaquer violemment au sol. Sur tout le champ de bataille, la nature s'invitait au combat: des ronces emprisonnaient les hyènes qui glapissent de terreur, des lianes et des racines surgissaient sans prévenir, les faisant trébucher à chaque pas. La peur avait changé de camp. Aldéir parvint à abattre deux bêtes supplémentaires avant que toutes aient pu s'enfuir. Akan revint à lui peu de temps après, alors que Sylfis toujours à ses cotés, les vêtements imbibé de sang qui s'échappait de ses blessures, continuait d'implorer son dieux de le guérir. Lorsque celui-ci réalisa que le rôdeur avait ouvert les yeux, un grand sourire illumina son visage et tout deux se levèrent pour rejoindre les quelques survivant du massacre. Sur la cinquantaine de personne qui s'était rassemblée, seule une poignée était encore debout. Akan observa les corps sans vie d'Alban et Lili alors qu'il passait à côté d'eux. Ils étaient mort en tentant de protéger leurs enfants. Le corps de deux d'entre eux gisaient un peu plus loin. De la famille de nobles qui avait accompagné Ginger, seul Elson, le fils, avait survécut. Harald, sain et sauf, réconfortait Louis et Lisa, pleurant à chaude larme la mort de leurs enfants. Aucune trace du couple et de la petite fille qui avait accueilli Aldéir. Un homme sortit alors des bois et s'effondra à proximité. Il était vieux et gravement blessé. Son teint était pâle son visage était couvert de croûtes et d'ecchymoses. Ses bras griffés saignaient abondamment et une de ses jambes était visiblement brisée en deux endroits. Sylfis s'élança au chevet du vieil homme, bientôt imité par les quatre héros.
« Oh mon vieil ami. Mais que s'est-il passé ? il pleurait à chaude larmes
- Les gnolls … Ils m'ont … fait prisonnier et m'ont … torturé, souffla-t-il d'une voix douloureuse.
- Oh Loup-Vert c'est ma faute. J'aurai dû me contrôler. Qu'ai-je fait ? »
Sylfis sanglotait en se prenant la tête dans les mains. Il était encore plus agité que pendant le reste de la soirée, se balançant d'avant en arrière.
« Merci étrangers. Vous avez protégé le village mieux que je n'ai su le faire. Sylfis, mon ami, qu'as tu fait ?
- J'ai attrapé un gnoll et je lui ai fait du mal. Je voulais me venger de tout le mal que leur tribu nous inflige à longueur de temps. Mais je n'aurai pas du. Tout cela ne serait jamais arrivé.. Qu'ais-je fait ? Que suis-je devenu ? ses propos devinrent bientôt inintelligibles.
- Merci encore étrangers.
- Où sont ses gnolls ? demanda Akan une flamme de colère dans les yeux. Aldéir acquiesça. Si le drakéide n'avait pas posé la question, il l'aurait fait.
- Il se déplacent souvent mais ils m'ont emmené dans un campement à l'est d'ici.
- Vous serez vengé Loup-Vert. Ces gnolls mourront. Jusqu'au dernier. »
Le vieux druide venait de rendre son dernier soupir dans les bras de Sylfis. Pater détacha la branche de gui qui pendait à la ceinture de Loup-Vert et la posa sur sa poitrine. Il plaça les main du vieil homme sur celle-ci et commença à fredonner une douce mélodie. Il lui rendait l'hommage réservé aux druides tombé aux combat. Sylfis psalmodiait dans son coin, une main posé sur le visage de son ami, son médaillon dans l'autre. De grosses larmes coulaient sur son visage. Ginger entama un air déchirant à la flûte de pan. Le temps semblait s'être arrêté, comme si la nature elle-même rendait hommage à cet homme qui s'était sacrifier pour sa communauté. Bientôt, une plainte s'éleva de la forêt, provoqué par le bruissement de la végétation, et accompagna la flûte de pan de Ginger alors que les premiers rayons de soleil illuminait la clairière.
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Dans les jours qui suivirent, les quatres aventuriers aidèrent la communauté à se relever de ce terrible évènement. Sylfis ne tenait pas en place, aidant partout où il le pouvait et réconfortant les familles déchirés. Une battue fut organisé par les quatre étrangers, accompagnés de Sylfis, pour s'assurer qu'aucun danger ne se trouvait à proximité immédiate du village. Outre quelques hyènes, ils découvrirent les traces d'un massacre. Il ne faisait aucun doute que c'était l'oeuvre de gnolls. Une trentaine de corps gisaient sans sépulture dans ce qui devait être un hameau. Il avait été criblé de flèche pour la plupart. Les autres avait été mutilés probablement à l'aide de coutelas ou de dague. Les corps de certains enfants étaient méconnaissable. Un peu plus loin, ils tombèrent le campement mentionné par Loup-Vert. Il s'agissait d'une grotte qui tenait plus d'une tanière provisoire que d'un véritable campement. Celui-ci était désert. Aldéir estima qu'il devait être occupé par un petit détachement d'éclaireurs. Les traces indiquaient que les créatures avaient fui vers le Nord. Elles étaient visiblement parti en hâte, laissant derrière eux un beau butin : deux milles pièces de cuivre, mille deux cent pièce d'argent, trente pièce d'or, des dés sculpté en os et un masque de velour noir brodé d'argent. De plus, la tanière renfermait aussi quatre objets qui attirèrent l'attention des aventuriers. Un gladius qui semblait d'excellente facture, un talisman porte bonheur en forme de chat, une perle de pouvoir et un étrange masque sur lequel était attaché deux lentilles de cristal. Sylfis leur apprit que ce dernier objet était des yeux de lynx, une relique qui permettait de voir plus loin, comme au travers de jumelle, à volonté. Ils réalisèrent bientôt que ces quatre objets étaient magique et décidèrent de se les partager. Akan garda le gladius tandis qu'Aldéir récupéra les yeux de lynx. Ginger opta pour la perle de pouvoir tandis que Pater plaçait le talisman porte bonheur autour de son cou. D'un commun accord, les quatre compagnons décidèrent de donner le reste du butin aux villageois. Cela leur permettrait de reconstruire et leur avait de toute façon probablement été volé, au moins en partie. Lorsqu'ils firent part de leur décision au reste du village, ils furent encensé comme de véritables héros. Sylfis, touché par leur décision, s'exclama : « Tu vois ! Il y a des gens bien en ce bas monde quand même ! Je te l'avais dit !», invectivant son dieu en agitant les mains. Il vint ensuite étreindre les quatre jeunes aventuriers chaleureusement.
Les quatre héros partirent se reposer et préparer leur équipement. Le lendemain, ils partiraient à la chasse aux gnolls.