Joué le 13 juin 2020
Cela faisait presque une semaine que les gnolls avait interrompu la fête de la caverne. Pourtant, alors que le soleil couchait sur la poignée de survivant, une ambiance presque festive régnait. Quelques feux avaient été allumés sur la place du village et les gens discutaient calmement les uns avec les autres. Ce n'était pas la liesse générale des festivités précédente mais plutôt la manifestation d'une communauté savourant une accalmie après la pire des épreuves. Le temps des larmes était passé. Ils étaient simplement heureux d'être en vie.
Plus tôt dans la journée, les quatre héros qui avaient sauvé le village avaient annoncé qu'ils se mettraient en chasse le lendemain. Ils profitaient donc d'une dernière soirée avec ces gens qu'ils avaient appris à connaître au cours des derniers jours et, regroupés autour d'une table, partageait un dernier repas. Sylfis, l'étrange clerc, restait à l'écart comme à son habitude et marmonnait seul. Elson, un adolescent qui avait survécu à l'attaque, vint à la rencontre des quatre aventuriers. Les quelques jours qui s'étaient écoulé l'avait changé. Le jeune noble de seize ans, poète à ses heures perdues, que Ginger avait croisé en arrivant au village avait disparu. Les travaux de reconstruction avait affermi son corps tandis que la perte des ses parents et le massacre dont il avait été témoin l'avait fait mûrir prématurément. Il s'était investi corps et âme dans la reconstruction du village et avait apporté son aide à tous. Ses cheveux noirs, coupés au carré, encadrait à présent le visage d'un homme résolu à servir la communauté et dont les yeux franc brillait d'un intérêt nouveau pour le monde, et en particulier pour la nature qui était intervenu pour le sauver.
« J'ai entendu que vous alliez nous quitter et je voulais vous remercier de ce que vous avez fait pour nous. Rien de ce que je pourrai faire ne saurai être à la hauteur de ce que vous avez fait pour moi mais si nos chemins se recroisent, sachez que vous aurez toujours un ami en moi. »
Le jeune homme était sincère et visiblement ému. Ginger le prit dans ses bras avec affection. Il lui rendit son étreinte, un genoux à terre pour être à la hauteur de la petite barde. Il se releva ensuite et serra avec émotion la main des autres aventuriers.
« Ton nom ne sera pas oublié Elson. Je ne manquerai pas de chanter ta bravoure, lui assura Ginger avec son habituel sourire. Tout le monde saura que, loin de se laisser abattre par cette épreuve, le jeune Elson est devenu un jeune homme courageux.
- Vous me faites trop d'honneur Ginger mais je ferai tout pour être à la hauteur de vos histoires.
- Je suis sûr que vous le serez, ajouta Aldéir en lui posant une main amicale sur l'épaule. Vous n'avez que seize années mais votre bravoure pendant la bataille était digne des grands guerrier de votre peuple.
- Merci seigneur elfe. Votre compliment me touche. J'aurai tellement aimé faire plus vous savez …
- Je comprends votre sentiment Elson mais soyez simplement heureux d'avoir survécu, murmura Akan en le fixant de son regard d'acier. Et soyez assuré que ce massacre ne restera pas impuni. Ces gnolls regretteront d'avoir jamais foulé le sol de ce village.»
Les deux rôdeurs échangèrent un regard entendu. Les yeux d'Aldéir trahissait une haine presque animale tandis qu'un sourire carnassier lui déformait le visage.
« Merci, répondit Elson
- Que comptez-vous faire à présent ? demanda Akan
- Je vais rejoindre le domaine de mon grand-père et commencer ma formation. Un jour je serai chevalier, comme mon père avant moi. »
Alors qu'il parlait, ses yeux s'étaient allumés et brillaient d'un feu nouveau. Sa résolution semblait sans faille.
« Tu sera sans nul doute un grand chevalier, reprit Ginger. Tu pars bientôt ?
- Oui dès ce soir en vérité. Mon oncle et quelques autres parents sont venus me chercher dès qu'ils ont entendu ce qui s'était passé à la caverne.»
Elson avait désigné un groupe d'étranger qui discutaient autour d'un feu, installé quelques mètres plus loin. Ils portaient des habits de bonne facture qui trahissaient leur appartenance à la noblesse de la région. Certain arboraient même fièrement de lourdes armures de chevalier.
« Bon courage pour ton voyage dans ce cas, nos pensées t'accompagnent, conclut Pater.
- Merci. Que les dieux vous guident pour la suite de votre quête et puisse la nature vous protéger comme elle l'a sut le faire pour moi. Je vous laisse à présent, il me faut retourner avec les autres. Merci encore pour tout.»
Le jeune homme s'éloigna doucement et se retourna s'installer avec le groupe de nobles.
Plus tard dans la nuit, une étrange gnome sortit de la forêt et se joint à la fête. Elle se dirigea d'un pas assuré en direction de Pater. Elle portait une légère armure qui moulait avec soin son corps étonnamment athlétique, la laissant libre de se mouvoir avec une grâce presque animale. Ses jambes nues et musclées étaient couvertes d'égratignures laissées par l'épaisse végétation de la forêt. Ses long cheveux verts cascadaient gracieusement jusqu'au creux de ses reins et encadraient le visage rond et jovial caractéristique des gnomes des forêts.
«Salutations à vous. Je suis Meinora, druide du cercle de la Lune. Je viens rendre mes hommages à Loup-Vert. On m'a dit que vous pourriez m'indiquer l'emplacement de sa dernière demeure.
- Enchanté, moi c'est Ginger, s'exclama la barde d'un ton enjoué dans sa langue natale en tendant la main, je ne m'attendais à croiser un autre de gnome dans la région !
- Ravi de faire votre connaissance. En réalité, nous sommes quelques uns dans le coin. Je suis originaire d'un petit village gnome au nord-ouest d'ici.
- Il faudra que j'aille y faire un tour ! Voici mes amis Aldéir et Akan, rajouta-t-elle en montrant les deux rôdeurs.
- Bonjour. Bonjour. »
Elle s'était adressée en elfique à Aldéir et en commun à Akan, les gratifiant tout d'eux d'un petit signe de tête.
« Vous connaissiez Loup-Vert ? demanda-t-elle.
- Non pas vraiment, nous l'avons rencontré après la bataille, répondit Akan avant de faire une petite pause et d'ajouter, lors de ses derniers instants.
- Je comprends. En tout cas, je vous remercie solennellement au nom de mon cercle pour ce que vous avez fait pour ces gens.
- Nul besoin de nous remercier, nous n'aurions pu ignorer leur détresse, répondit Aldéir.
- Vous n'y étiez pas obligé seigneur elfe. Tout le monde n'aurait pas agi ainsi pour des inconnus.
- Loup-Vert était aussi un membre de votre cercle ? continua Aldéir.
- Oui. C'était druide de talent et un ami. Ses années d'errance étaient finis et il avait décidé de s'installer avec ses gens et de s'occuper de cette caverne.
- Elle représente quelque chose pour votre cercle ?
- Non pas du tout, ce n'est qu'une des nombreuses étrangetés de cette magnifique forêt. Mais pour Loup-Vert, elle était plus que ça, probablement parce qu'il avait grandi dans la région. »
Alors qu'elle évoquait les souvenirs du vieux druide, on pouvait sentir la profonde tristesse qu'elle éprouvait. Elle reprit d'une voix rendue faible par l'émotion :
« Pourriez-vous m'indiquer sa sépulture ? Ce serait un honneur si vous acceptiez de m'y accompagner pour un dernier hommage. »
Alors qu'elle prononçait ces derniers mots, elle étudiait Pater du regard, comme si elle le jaugeait. Celui-ci acquiesça, bientôt imité par ses trois camarades. Pater se dirigea alors vers la forêt, suivi de la jeune druide et de ses trois compagnons.
***
Lorsqu'ils arrivèrent à la caverne, la lune était haute dans le ciel et nimbait la clairière de sa pâle clarté, lui donnant un aspect presque fantomatique. Le petit groupe s'arrêta devant les restes de Loup-Vert. En observant le galgal qui recouvrait le corps du vieux druide, personne n'aurait pu deviner qu'il n'avait été érigé qu'une semaine auparavant. Il était recouvert d'une abondante végétation qui, plutôt que de le masquer, le mettait en valeur : les pierres étaient recouvertes de mousses sombre sur lesquels de nombreuse fleurs avaient poussés, rehaussant le tumulus de jolies couleurs. Des racines avait poussés à la base du cairn et s'entrelaçaient gracieusement autour des pierres. Les rayons lunaires ne faisait qu'ajouter à la majesté de l'endroit, donnant à cette clairière un aspect presque sacré.
Meinora, les yeux embués de larmes, murmura d'une voix émue :
« Merci pour ce que vous avez fait pour Loup-Vert. Cette endroit est magnifique. »
Elle ferma les yeux et s'installa par terre, à quelques centimètres seulement de la tombe. Elle était assise en tailleur dans cette posture que Pater adoptait si souvent lorsqu'il cherchait à vider son esprit où à réfléchir. Sans un mot, celui-ci se plaça à ses côté bientôt imité par Aldéir. Ginger et Akan s'assirent à leur tour, un peu en retrait. Tous se recueillait, chacun invoquant les forces en lesquelles ils croyaient.
Rapidement, des feux-follets surgirent de la forêt et se rapprochèrent doucement. Ils luisaient sans un bruit, dégageant une douce et lumineuse clarté verte qui ne tarda pas à envelopper l'assemblée. Murphy, la petite créature qui était posé sur l'épaule de Ginger se réfugia dans le col de celle-ci, apeuré devant cette étrange lumière.
Sans ouvrir les yeux, Meinora tendit la main droite vers l'un des follet et l'immobilisa si proche de celui-ci qu'on aurait dit qu'elle le touchait. Puis, avec douceur, elle caressa le follet du bout des doigts comme elle aurait caressé la joue d'un enfant. Celui-ci explosa sans un bruit en une myriade de particules luminescentes qu'elle inspira par le nez. Intrigué mais confiant, Pater l'imita. Ses trois compagnons firent de même.
A peine avaient-ils respiré les étranges lumières qu'un profond sentiment de calme les envahissait. Leurs visions se troublèrent, comme si le monde autour d'eux n'était qu'un doux brouillard. Ils ne distinguait plus la forêt, seulement des volutes de brumes blanches qui ondulaient sans un bruit, comme agité par une brise qu'ils ne pouvaient sentir. Dans les brumes, ils pouvaient deviner les vagues contours de quatre silhouettes fantasmagorique devant eux. Pater, quant à lui, voyait distinguait sans mal ces êtres fantomatiques. Tout à droite se trouvait un ours imposant au pelage brun presque luisant. Un tigre était assis à ses côté, ses yeux verts fixés sur le jeune druide. Une gracieuse panthère noire faisait les cent pas à gauche de tigre. Enfin, un lézard d'une envergure de près d'un mètre cinquante était installé tout à gauche. Son corps vert et massif était hérissé d'une crête plus sombre tandis qu'une longue queue reptilienne battaient l'air doucement.
Le lézard planta ses yeux jaunes dans ceux de Pater et une voix grave et ancienne résonna dans l'esprit du jeune druide.
« Soit le féroce gardien du monde sauvage»
La panthère s'immobilisa alors et se tourna vers lui.
« Honore la nature. Honore les bêtes ». La voix était plus douce, féminine.
Le tigre ouvrit la gueule, découvrant ses croc sans faire le moindre bruit.
« Honore la Terre, l'Eau, l'Air et le Feu. ». Une voix d'homme, solennelle.
« Abandonne toi à la bête, sert ta meute. sert le monde. »
L'ours se leva puis le brouillard s'épaissit, les faisant disparaître. C'est alors que Meinora ouvrit les yeux et son bras, toujours levé devant elle commença à changer. Des poils apparurent tandis que ses manches disparaissait au profit d'une épaisse fourrure blanche et soyeuse. Sa main se déformait, ses ongles s'allongeait. En quelques instants, le bras de la jeune gnome se métamorphosa en une puissante patte de tigre.
Elle rejeta sa tête en arrière comme pour crier tandis que des rires commençait à emplir la clairière. Son corps musclé grandissait et se couvrait de poil, son visage s'élargissait et ses pupilles s'allongeaient. Les quatre jeunes aventuriers se trouvèrent bientôt aux côtés d'un imposant tigre blanc dont deux longues dents luisantes dépassaient de la mâchoire.
Alors que les rires s'intensifiaient autour d'eux, une vague de rage, presque bestiale, parcourait les quatre compagnons qui dégainèrent leurs armes et se mirent en garde. À chaque battement de cœur, la pulsion qu'ils ressentaient grandissait en eux. Ils devaient affronter le tigre.
Ginger fut la plus rapide. Elle commença à chanter une berceuse gnome, chargeant ses paroles de son étrange pouvoir sans parvenir à endormir la bête. Meinora poussa un effroyable feulement et s'élança sur Pater, échappant d'une foulée au premier coup d'épée d'Akan. Le jeune drakéide bondit à son tour et parvint à frapper la bête de sa main gauche. Aldéir se campa devant le druide et asséna deux violents coup qui s'enfoncèrent dans les chairs de la tigresse. Imperturbable, celle-ci prit appui sur ses puissantes pattes et bondit au dessus de l'elfe. Pater se prépara au choc. Meinora heurta le jeune druide en pleine poitrine, le jetant lourdement au sol avant de refermer ses mâchoires sur sa gorge. Pater perdit conscience tandis que la tigresse se retournait et sautait au sol d'un mouvement fluide. Tout autour d'eux, les rires continuaient de gagner en intensité et les trois autres combattants sentaient leurs forces les quitter alors que leur vision se troublaient. Bientôt, tout ne fut plus qu'une profonde obscurité.
***
Le chant des oiseaux tira les quatre aventuriers de la torpeur. Le soleil, sans être haut dans le ciel avait déjà entamé sa course dans le ciel sans nuage. Ils reposaient sur un amas de végétation et de terre meuble qui formait une paillasse qui, bien que rudimentaire, était plutôt confortable. Ils se levèrent, reprenant doucement conscience de leur environnement. Meinora n'était plus là. Pater avait les jambes engourdis, comme s'il avait couru longtemps. Ses sens lui semblèrent d'abord exacerbés : il sentait le soleil sur sa peau avec une acuité nouvelle, entendait des bruissements dans les fourrées qu'il savait provenir de petits rongeurs à plusieurs centaines de mètres de lui vers l'est. Il pouvait sentir la rosée sur son corps et pourtant, il n'avait pas le sentiment d'avoir été immobile longtemps. Au bout de quelques minutes, tout revint à la normal, comme si cela n'avait été que la fin d'un rêve particulièrement intense. Ginger remarqua un petit écureuil qui les observait. Elle s'approcha doucement et lui demanda :
« Bonjour petit. Tu sais ce qui s'est passé ?
- Toi et tes frères avez dormi puis lui, il désignait Pater de son minuscule doigt, est venu et a dormi aussi.
- Je vois, répondit-t-elle en lui souriant gentiment. Merci ! »
Comme tous les gnomes des forêts, elle pouvait communiquer avec les petits animaux et comprenait leur langage. Pour le reste du groupe, l'écureuil n'avait fait que couiner faiblement en gesticulant. La gnome s'adressa alors à Pater :
« Apparemment tu n'as pas passé toute la nuit avec nous. Tu es arrivé après. Tu as fais quoi cette nuit ? demanda-t-elle, curieuse.
- À vrai dire, je ne sais pas trop, répondit-il. J'ai des courbatures dans les jambes comme si j'avais couru mais je ne me souviens de rien après avoir été plaqué au sol par Meinora.
- Ce n'était donc pas une hallucination, réagit Aldéir. Ou en tout cas, avons tous eu la même car je m'en souviens aussi. Après avoir respiré l'espèce de poussière des follets, je me suis retrouvé dans le brouillard. Je ne pouvais rien distinguer et pourtant je suis sûr que nous n'étions pas seul. J'aurai juré voir des silhouettes qui nous observaient et riaient…
- Je ne sais pas si ce sont elles qui riaient, reprit Akan, mais je me souviens de ces quatre silhouettes aussi.
- C'était les autres membres du cercle de la lune, affirma Pater. Je pouvais les voir. Et ils m'ont … initiés. »
Il se tut. Il savait au plus profond de lui que ces quatre animaux étaient les anciens du cercle de la lune. Il avait lu au sujet de l'initiation mais venait seulement de s'en souvenir. Il était à présent un vrai druide du cercle de la lune. Il comprit alors ce que cela signifiait. Sans un mot, il se laissa aller et son corps changea. En quelques instants, Pater était devenu un ours brun. Rapidement, il reprit forme humaine, sa fourrure disparaissant aussi vite qu'elle était apparu, laissant place à ses vêtements et son équipement. Akan, imperturbable, lança alors : « Je pense que nous devrions nous diriger vers le village. Nous avons des gnolls à traquer. ». D'un commun accord, ils prirent le chemin du village.
Lorsqu'ils l'atteignirent, l'un des villageois les interpella, visiblement surpris :
« Vous êtes encore dans le coin ? On pensait que vous étiez parti !
- Non pas encore, répondit aimablement Akan. Vous savez où sont Harald et Sylfis, nous devions nous retrouver à l'aube et nous avons un peu de retard.
- Ah bah je veux bien oui, s'exclama-t-il en riant. Vous voyant pas revenir ils sont parti vers le nord, vers l'auberge du Lac de Tourbe. Sylfis pensait y rencontrer quelqu'un qui pourrait aider à trouver ces sales gnolls. Harald et lui doivent déjà y être maintenant, c'est à environ deux jours de marche. Ils ont dit que si on vous voyait, fallait vous dire de les retrouver là-bas.
- Deux jours ? s'écria Ginger alors que l'homme s'éloignait en riant. La veillée avec Elson c'était il y a deux jours ?
- Apparemment, répondit Akan pragmatique. Nous devrions nous mettre en route sans plus tarder.
- Je suis d'accord, renchérit Aldéir. Le plus tôt sera le mieux. »
Ils firent leur adieu au villageois qui insistèrent pour leur fournir des provisions. Avant de se mettre en route, Aldéir tira un rouleau de parchemin et le remit à Louis, l'un des survivants qui s'était retrouvé malgré lui à la tête de la petite communauté de survivants.
« Prenez ceci. C'est une lettre de recommandation signé de ma main. Elle vous permettra de bâtir des relations commerciales avec les Verteflammes. Vous n'y êtes pas obligé, mais je suis persuadé qu'un accord entre votre village et ma famille serait profitable aux deux parties.
- Merci seigneur elfe. C'est un honneur. Nous saurons en faire bon usage.
- L'honneur est pour moi, rétorqua-t-il en souriant. »
C'est sur ces mots que le petit groupe d'aventurier prit la route, en direction du nord, vers l'auberge du Lac de Tourbe.
***
La route qu'íls remontaient était un chemin dégagé qui serpentait à l'orée de la mystérieuse forêt. Par moment, celui-ci s'enfonçait de quelques mètres entre les arbres, mais jamais très profondément. Aldéir ouvrait la marche, ses sens de rôdeur en alerte. Ginger et Pater le suivait, appréciant le paysage et discutant tranquillement. Akan, à l'arrière, se déplaçait lui aussi avec prudence. Le temps était agréable et la route était déserte. Tout autour d'eux, ils pouvaient entendre les bruits des petits animaux de la forêt à mesure qu'ils progressaient. Pressé par le temps, il ne s'arrêtèrent pas pour déjeuner mais mangèrent tout en marchant. Il devait être à peu près quatorze heure lorsqu'ils aperçurent au loin d'autre voyageurs sur la route. Aldéir plaça ses yeux de lynx sur son visage et observa le petit groupe qui s'avançaient vers eux.
Il s'agissait d'un groupe de quatre nains qui tirait un chariot. Celui-ci était vide. Ils portaient des vêtements amples et avaient chacun une arme à la ceinture. Il discutaient et riaient entre eux. Ils arrivèrent bientôt à la rencontre des quatre aventuriers, qu'ils saluèrent d'abord dans langue naine, puis en commun. Aldéir leur retourna leurs saluts en nain, ses compagnons répondirent dans la langue commune. L'un des nains, visiblement surpris de croiser un autre locuteur nain s'exclama alors en nain :
« Si je m'attendais à me faire saluer en nain ! Et par un seigneur elfe en plus ! »
Il avait l'air sincèrement content. Il reprit en commun : « Vous avez déjà commercé avec mon peuple ?
- C'est exact en effet. Laissez moi vous présenter mes compagnons Akan, Pater et Ginger.
- Plaisir de vous rencontrez, répondit-il. Je suis Arolf et ses trois là s'appellent Draemir, Trassar et Dorakhaer.
- Tirer ce chariot doit être épuisant, que diriez-vous de prendre une pause avec nous ? demanda Ginger. Je pourrais vous jouer un petit quelque chose si le cœur vous en dit !
- Ma foi, on doit continuer mais on peut bien s'arrêter boire un petit coup ! Allez les gars, on prend une pause. »
Le petit groupe s'installa sur le bord de la route dans la bonne humeur et se servirent à boire alors que Ginger entamait une ballade naine avec son luth. Lorsqu'elle eut terminé, elle se servit un verre et lança :
« Santé !
- Bien chanté et bien parlé ! reprit Arolf avant de vider son gobelet et de le remplir à nouveau. »
Arolf était un nain trapu qui arborait une épaisse barbe rousse. Son crâne rasé était tatoué de symboles tribaux bleu clair qui descendait jusqu'à son front et continuait sur sa nuque. Draemir et Dorakhaer avait tous deux les cheveux et la barbe noire et se ressemblait beaucoup. Trassar, enfin, était un nain en tout point massif : il était un peu plus grand que ses compagnons et plus large qu'eux. Son torse nu découvrait son incroyable musculature, partiellement caché derrière sa barbe jaune paille.
« Alors, que faites vous dans la région ? demanda Ginger
- On revient d'un village au nord. On a vendu tout notre stock de charbon donc maintenant on retourne miner. Avec un peu de chance, on trouvera autre chose que du charbon. Et vous ?
- Vous l'aurez compris, je suis barde. Pater est druide et Aldéir et Akan sont des rôdeurs. On va à l'auberge du Lac de Tourbe pour y retrouver nos amis. Vous n'auriez pas croisé des gnolls sur le chemin ?
- Des gnolls ? Non pas du tout.
- A un moment, j'ai cru qu'on était observé, intervint Draemir. Mais bon avec cette forêt, ça veut pas dire grand chose. Pas vrai frérot ?
- C'est clair ! répondit Dorakhaer. Elle est bizarre cette forêt. On est bien mieux dans les montagnes. Vous devez voir ce que je veux dire, pas vrai ? demanda-t-il à Akan. Après tout vous devez surement venir des montagnes vous aussi nan ? Il y avait une tribu de drakéide la haut si je me rappelle bien. Elle vivait plus au nord avant.
- Oui. Avant. répondit Akan laconique »
Voyant que le rôdeur n'avait pas l'air de vouloir s'étendre sur le sujet, Aldéir entreprit de raconter aux mineurs ce qui était arrivé à la caverne.
«Ma foi on comptait redescendre encore un peu vers le sud avant de faire route vers les montagnes, à l'ouest, expliqua Arolf. On va passer à ce village, voir si on peut faire quelque chose pour les aider. Dans des temps comme ça faut se serrer les coudes ! »
Peu de temps après, tous se levèrent et se préparèrent à repartir.
« Vous n'auriez pas croisé nos amis par hasard ? demanda Aldéir. Deux hommes qui se dirigeait vers l'auberge du Lac de Tourbe.
- L'un de vos amis s'appellerait pas Harald ?
- Euh … si, répondit Aldéir surprit.
- Ouais on les a croisé. On a pas parlé beaucoup mais je me rappelle de ce Harald. Il remontait en chariot avec un homme un peu bizarre. On a dû les croiser en fin de matinée ou en début d'après-midi.
- Merci pour l'information. Bon voyage à vous !
- A vous aussi ! Allez les gars, on y retourne ! »
Ils se séparèrent peu après, chacun reprenant son chemin.
Les quatre voyageurs marchèrent sans encombre et décidèrent de s'arrêter un peu avant la nuit. Alors qu'ils allaient établir leur campement, Aldéir remarqua au loin un elfe qui s'activait sur le bord droit de la route. Celui-ci, concentré sur sa tâche, ne semblait pas les avoir vu. Le rôdeur passa ses yeux de lynx et l'observa plus attentivement. Ses cheveux blonds et tressés de plumes et de feuilles séchés ne laissait pas la place au doute : c'était un elfe des bois, un peuple elfe discret et sauvage dont Aldéir avait entendu parler sans jamais en voir. Il déplaçait des pierres, visiblement lourdes, comme pour construire un autel sur le bord de la route.
Lorsqu'ils s'approchèrent, s'empressa de remettre sa tunique, couvrant son torse couvert de sueur. Il avait un visage fin et lisse qui détonnait avec l'idée qu'Aldéir et Ginger se faisait des elfes des bois, comme si il n'avait pas grandi dans la forêt. Il portait une cape claire retenu par une agrafe de métal qui formait le mot elfique naur signifiant soleil. Il s'inclina et les salua en elfique et en commun.
« Salutations amis voyageur. Je me nomme Faenaur ». Aldéir et Akan se se présentèrent à leur tour en elfique, Ginger et Pater en commun. La gnome demanda alors :
« Que fais-tu ?
- J'essaye de reconstruire l'autel. Il a été mis en pièces.
- Tu es prêtre ?
- En effet.
- Quelle divinité honorez-vous ? demanda alors Aldéir, curieux.
- Je sers le Soleil. Cet autel est destiné à ceux qui souhaite voir le Soleil bénir leurs enfants. Je ne peux pas le laisser comme ça.
- Nous allons vous aider si vous êtes d'accord, le travail sera plus vite accompli à plusieurs, ajouta Akan après avoir échangé un regard avec ses compagnons.
- Votre aide est la bienvenu répondit Faenaur ravi.
- Donnez moi un instant, intervint Pater. »
A peine eut-il finit sa phrase qu'il amorçait sa métamorphose. En quelques instants, un ours brun se tenait à la place de jeune druide.
Faenaur était visiblement surpris.
« Je n'ai jamais rien vu de tel. Est-ce là un pouvoir des tieflins ? demanda-t-il.
- Non c'est un truc de druide, lui apprit Ginger. C'est nouveau.
- Ah je vois. Quoi qu'il en soit c'est impressionnant ! »
Ils s'approchèrent de l'imposante pierre qui restait à replacer. C'était un bloc qui devait bien peser deux cent kilos dans lequel était creusé une sorte de bassin. À quatre, ils parvinrent à le soulever suffisamment pour le placer sur le dos de Pater. Celui-ci fléchit sous l'effort mais tint bon. Ils se placèrent tout autour de l'ours pour soutenir et équilibrer le bassin puis se dirigèrent doucement vers le piédestal qu'avait reconstruit Faenaur. Enfin, ils parvinrent à replacer le bloc de pierre. Faenaur attrapa sa gourde et la vida dans le bassin, satisfait. Alors même qu'il faisait sombre, une douce clarté enveloppait le jeune elfe des bois.
« Merci encore pour votre aide. Je vais rester ici pour la nuit. Ce serait un honneur pour moi que de partager mon repas avec vous.
- Volontiers, répondit Pater qui avait reprit forme humaine. Nous comptions nous arrêter aussi.
- Excellent ! »
Pendant ce temps, Ginger et Akan examinait l'autel sans réussir à trouver d'indices sur l'identité des vandales. Ils s'installèrent en cercle sur le bord de la route et Aldéir disposa le bois mort qu'il avait ramassé au centre. Il allait se saisir de ses pierre à feux lorsque le jeune prêtre l'en dissuada : « Laissez moi m'occuper du feu. Le Soleil m'a offerts un don plutôt pratique ».
Il plaça ses mains au dessus du bois articula une prière silencieuse. Quelques instants plus tard, des étincelles d'un jaune vif et lumineux frappèrent le tas de branches qui s'embrasa immédiatement. Alors que chacun sortaient de quoi manger, Faenaur murmura doucement, les deux mains contre son agrafe : « Je te remercie, toi qui te lève pour chasser les ténèbres et nous offre ta chaleur bienveillante. Je te rends honneur alors que tu disparais car je sais que tu reviendra demain aussi brillant et puissant qu'aujourd'hui. »
Ils partagèrent un repas simple mais dans la bonne humeur. Ginger raconta à Faenaur ce qui s'était passé dans le village au sud et le mit en garde contre les gnolls qui pourrait encore se trouver à proximité. Le jeune elfe était horrifié par le récit du massacre perpétré par les monstres et promit de se rendre au village pour leur apporter son aide. Il leur apprit également qu'il avait aperçut Harald et Sylfis alors qu'il marchait dans la forêt, à proximité de la route. Il leur avait fait signe et l'un d'entre eux - Harald d'après la description qu'il leur fournit - lui avait rendu son salut. Le second qui s'agitait à ses côté avait fait un signe de la main et avait ensuite intimé au premier d'accélérer l'allure. Il n'avait croisé personne d'autre ni même senti la présence de gnolls. Un peu plus tard, Aldéir lui demanda :
« Vous êtes un elfes des bois, n'est-ce pas ? Ceux de votre peuple sont généralement discret. C'est votre croyance qui vous pousse sur les routes ?
- En effet. En réalité, je n'ai vécu qu'une vingtaine d'année parmi les miens. Lorsque j'ai découvert la vraie nature du Soleil, j'ai rejoint les acolytes de la lumière pour devenir prêtre. Aujourd'hui je parcours les routes pour lutter contre les ténèbres et apporter mon aide à ceux qui en ont besoin.
- Je comprends. »
Au cours du repas, les quatre voyageurs insistèrent pour partager leur eau avec le jeune prêtre qui finit par accepter en les remerciant. Ginger se munit alors de sa flûte de pan et accompagna la fin du repas de douces mélodies de sa création. Lorsqu'ils eurent terminé, ils se souhaitèrent bonne nuit et convinrent de tour de garde. Faenaur insista pour prendre le dernier quart afin d'assister au lever du soleil. Lorsqu'ils furent d'accord, ils partirent se coucher tandis qu'Aldéir s'adossait à un arbre son arc à portée de main. Il entendait les petits animaux nocturne s'agiter tranquillement dans la forêt près de lui. La nuit était calme.
***
Alors que le soleil se levait, Faenaur priait. Il était debout, tourné vers l'est et murmurait, la tête baissé en signe de respect. C'était comme si le soleil se levait pour lui : on aurait presque dit que ses premiers rayons se concentrait sur le jeune clerc, le nimbant d'une douce lumière orangée.
Peu de temps après, les cinq voyageurs se préparait à repartir. Faenaur se mettrait en route vers le village au sud tandis que les quatre héros continueraient leur chemin pour rejoindre l'auberge. Il allaient se séparer lorsqu'ils virent arriver un couple accompagné d'une petite fille qui devait avoir cinq ans.
« Tu vois je t'avais bien dit qu'il y avait un autel du Soleil sur cette route ! » disait l'homme à sa compagne. Faenaur s'approcha d'eux et les salua aimablement :
« Bonjour amis voyageurs ! Je suis Faenaur, acolyte de la lumière. Vous venez pour faire bénir votre fille ?
- Oh, bien le bonjour à vous frère de lumière. Oui c'est ça, on vient pour la petite.
- Si vous le souhaitez, je peux m'en charger avant de reprendre la route.
- Ce serait un honneur Frère, s'exclama la femme. Tu te rend compte Thomas ! Un Lumineux va bénir notre Dana ! »
Faenaur, toujours souriant, tendit la main vers la petite. Il rayonnait d'une joie communicative.
« Tu veux bien prendre ma main ? »
La petite, initialement craintive, semblait à présent confiante et lâcha sa mère sans hésiter pour se saisir de la fine main de l'elfe. Ils s'approchèrent doucement de l'autel de pierre.
« Seigneur de lumière, toi qui veille sur nous, accorde ta bénédiction à cette enfant. Protège là des ténèbres et éclaire ses pas. Réchauffe là de ta lumière et donne lui la force de braver les nuits les plus noires. Ensemble, nous te remercions et t'honorons. »
Alors qu'il prononçait sa dernière phrase, la jeune Dana gravissait les quelques marches de pierre de l'autel, s'élevant vers le bassin. Faenaur plongea ses mains dans l'eau claire et, doucement, versa leur contenu sur le front de l'enfant. Le soleil matinal faisait briller de mille feux le visage de la petite, projetant des rayons colorés au travers de l'eau qui ruisselait de la main du prêtre. Enfin, la jeune fille retourna vers ses parents, un grand sourire illuminant son visage humide. Elle se tourna vers Faenaur et, de sa petite voix fluette, lui dit simplement : « Merci frère ». Le jeune prêtre inclina la tête.
Peu de temps après, Faenaur et les quatre voyageurs se séparèrent, chacun reprenant son chemin. Progressant à bon allure vers le nord, le groupe de héros remonta la route sans croiser personne de la journée.
***
La nuit venait de tomber lorsqu'ils arrivèrent en vue de l'auberge. C'était en réalité deux bâtiments de bois qui encadrait la route. Le plus grand des deux se trouvait à droite du chemin et bordait la forêt dense et mystérieuse. De l'autre côté de la voie, une petite annexe éclairait faiblement les quelques arbres éparses qui s'étendait vers l'est. Une forte odeur emplissait l'air : une odeur de terre, de fumée et d'épices. Le fumet bien qu'un peu âcre n'était pas désagréable. Devant la large bâtisse, un panneau de bois indiquait en grosse lettre blanches : « Auberge du Lac de Tourbe ».
Les quatre voyageurs poussèrent la porte de bois et entrèrent. La pièce, spacieuse et chaleureuse, était éclairé par une large cheminée. À peine eurent ils pénétré dans l'auberge qu'ils furent accueilli par une petite gnome rousse. Elle portait un plateau sur lequel se trouvait une choppe vide et un vieux chiffon. Sa tunique verte était tellement usé et avait visiblement été rapiécé un grand nombre de fois. À sa taille, un long morceau de tissu ambré lui servait de ceinture et retenait une petite sacoche gris clair. Ses grands yeux fixait les nouveaux arrivants et un large sourire éclairait son visage.
« Bienvenue, s'écria-t-elle d'un air enjoué. Oh oui bienvenue ! Bienvenue ... ».
Alors que la jeune serveuse continuait de répéter ces mots, une vieille femme surgit de derrière le comptoir et vint poser une main réconfortante sur la tête de la jeune gnome. Elle était grande et bien en chair et portait un tablier tâché qui couvrait une vieille robe jaune et blanche.
« Oui Roula, ils sont les bienvenus. Tu les installes à la table du fond ?
- Oh oui. Vous venez ? Je vais vous montrer la table du fond. »
Elle s'élança gaiement vers le fond de la salle suivies par l'aubergiste et les quatre voyageurs.
« Voilà, s'exclama Roula ravie. C'est la table du fond. Elle est parfaite parce qu'elle est au fond et elle a quatre chaises. Quatre comme vous !
- Pourquoi tu ne prendrais pas leurs commandes maintenant ? ajouta l'aubergiste.
- Vous voulez manger quelque chose ? Ou boire ? C'est compris dans le prix de la chambre vous savez. il y a aussi un petit déjeuner.
- Volontiers, répondit aimablement Ginger en rendant son sourire à la jeune serveuse. À manger et à boire s'il te plait.
- Et un peu de vin pour accompagner pour moi, ajouta Aldéir.
- Oui. A manger et à boire. Et du vin aussi. Oui oui, je vais chercher ça. »
Roula s'éloigna et disparut derrière une porte de l'autre côté du comptoir.
« Bonjour amis voyageurs. Je suis Mallataria, la propriétaire de cette modeste auberge. Vous souhaitez rester pour la nuit ?
- Oui certainement, répondit Akan. Nous devions retrouver nos amis ici mais je pense que nous ne partirons pas avant demain matin. Avez-vous vu deux hommes qui voyagent en chariot ? Ils ont du arriver ici hier ou avant hier.
- Désolé, j'ai pas vu vos amis. »
Roula était revenu avec un plateau couvert de victuailles : de la bière, du vin, des soupes dans lesquels flottait des légumes de toute sortes et quatre tranches de viande.
« On a pas grand monde en ce moment, continua Mallataria, seulement dame Leona et un tieffelin qui … le voilà justement qui descend. »
Un tieffelin était justement en train de descendre dans la salle commune. Il avait la peau rouge clair et des yeux orangés qui brillait. De longues cornes épaisses prolongeait son front et dépassait au dessus de ses cheveux noirs plaqués en arrière. Une longue cape sombre était accroché sur ses vêtements légers. L'épée courte fixée à sa ceinture n'était pas la seule arme qu'il portait : des dizaines de dagues de toute tailles étaient accrochées sur ses côtes, ses épaules et même sur ses bottes de cuir. Il avait un sourire vicieux qui ne plut pas du tout à Aldéir. Il salua les nouveaux venus et héla la tenancière :
« Et bien, il y a du monde ce soir, dit-il en jetant un regard amusé à Pater. Je prendrai un peu de bière, je vais la boire en haut.
- Roula, apporte à boire au monsieur.
- Oui une bière ! »
Elle servit une bière et la tendit au tieffelin en souriant.
« Enchanté ! Je suis Ginger. Et vous ? s'exclama la jeune barde
- Merci. Bonne fin de soirée à vous, répondit-il avant de remonter le escaliers en boitant légèrement. »
Lorsqu'il eut disparu, Aldéir demanda à l'aubergiste :
« Depuis combien de temps est-il là ?
- Trois jours. Je m'en souviens bien, il est arrivé tout amoché et il a fallu le rafistoler un peu. On a fait ce qu'on a pu mais sa jambe avait été tellement abîmé qu'il risque de boiter encore longtemps si vous voulez mon avis.
- Il vous a raconté ce qui lui est arrivé ? continua Aldéir.
- Non, il a rien dit. J'imagine qu'il a dit aller traîner du côté du Lac de Tourbe. Ya plein de créature dans le coin il parait, c'est un endroit dangereux.
- Oui, intervint Roula, des vilaines bêtes. Des monstres. Dangereux. Ils font peur.
- Tu les a vus ? Quel genre de créature ? A quoi elles ressemblaient ? demanda Pater curieux.
- Elles font peur. Je veux pas en parler. C'est des méchantes bêtes répondit-elle. »
Son sourire avait disparu et sa voix trahissait sa peur.
« N'aie pas peur, il ne t'arrivera rien. » reprit Pater insistant. Il avança sa main vers la gnome qui eut un mouvement de recul.
« Laissez la petite maintenant, dit l'aubergiste d'une voix autoritaire. le fait est que j'ai pas vu vos amis donc il va falloir les attendre, continua-t-elle plus calmement. À dire vrai, on est tous dans le même bateau. J'avais une livraison de tourbe qui devait venir hier du village gnome mais ils sont toujours pas arrivé. D'autant qu'ils sont toujours l''heure. C'est vraiment des bon partenaires ces petit gars.
- Un village gnome ? demanda Ginger
- Oui à l'ouest d'ici. Il y en a pour deux heures de marche, trois si on traîne un peu. Pour vos amis, je sais pas quoi vous dire. Dame Léona est pas là mais elle devrait pas tarder à revenir, elle a laissé ses affaire ici. Elle est arrivé il y a deux jours de la cité des 3 couronnes. C'est une femme un peu étrange mais elle pourra peut-être vous en dire plus. Si ça se trouve elle les a croisé. Enfin ! Bon appétit ! »
Elle s'éloigna et disparut dans la cuisine. Roula retourna nettoyer les autres tables de la salle commune.
Le repas était simple mais bon. La viande qui devait avoir été fumée dégageait la même odeur de tourbe brûlée qui emplissait l'air. La saveur, bien qu'étrange, se mariait bien à celle du gibier et de la bière. Ginger, qui ne se nourrissait pas d'animaux, échangea sa tranche contre la soupe d'Akan.
Une fois le repas terminé, Pater partit se coucher, prenant note de l'emplacement de la chambre du tieffelin, alors que les deux rôdeurs sortait inspecter les alentours de l'auberge. Sans surprise, ils ne trouvèrent pas la moindre trace du passage de leurs amis. D'après ce qu'ils avaient appris de Faenaur, quelque chose avait dû arriver à Harald et Sylfis à moins d'une demi-journée de marche de l'auberge. Il aurait été stupide de partir à leur recherche dans la nuit. Ils décidèrent donc de rentrer se coucher. Tous deux, vigilant de nature, installèrent des protections devant leurs portes et fenêtres. Si quelqu'un tentait de rentrer pendant leur sommeil, ils seraient réveillé.
Pendant ce temps, Ginger était resté dans la salle commune et avait entamé une chanson gnome avec son luth. Lorsque Roula eut fini son travail, elle vint s'asseoir à côté de la barde. À la fin de la chanson, Roula lui en demanda une autre. Ginger, tout sourire, se remit alors à chanter devant les yeux admiratifs de la jeune serveuse. Celle-ci applaudit à pleine main lorsque Ginger rangeait son luth et s'inclinait. Murphy, décolla de l'épaule de Ginger et mima lui aussi une courbette.
« Je te présente Murphy, c'est un de mes amis.
- Il est joli ! Moi aussi j'ai des copains animaux. Plein ! Ils font un peu peur des fois mais c'est mes amis. Toi aussi tu viens du village ?
- Non je n'y suis jamais allé. Tu viens de là bas donc ?
- Oui. Mais j'y vais plus. J'étais pas bien là bas. Du coup mes parents m'ont mit ici. Et c
est eux qui viennent me voir. Des fois ici aussi je suis pas bien mais c'est mieux quand même. J'aime pas trop les animaux. Ils font peur.
- Il y avait des méchants animaux au village ?
- Je veux pas en parler. J'aurai pu rester au village mais c'était dangereux. Pour moi en tout cas. Les animaux ils me protègent mais des fois non. Et des fois, on croit qu'ils vont nous protéger mais en fait ils sont méchant.
- Si tu ne veux pas en parler, on peut parler d'autre chose. Moi je suis barde. J'adore les histoires.
- Alors tu voyages ? Tu vis des aventures ?
- Oui ça m'arrive, répondit Ginger en riant.
- Moi un jour je partirai à l'aventure aussi. Je l'ai déjà fait une fois. On a même croisé un elfe qui faisait de la lumière avec ses doigts. Mais c'était avec Mallataria. Un jour je partirai toute seule. Peut-être vers la ville. Il y a pas d'animaux là bas. Et les auberge sont grande. Je sais super bien nettoyer - alors qu'elle parlait, elle montrait à Ginger comment elle savait frotter les tables avec un chiffon - alors je pourrai travailler là bas. Et nettoyer des très grandes tables !
- Tu en as des projets ! Peut-être que je chanterait un jour les aventures de Roula la grande aventurière.
- Oh oui ! Ou alors tu chanteras dans une grande auberge de la ville et ce sera moi qui nettoierai ta table ! »
La petite souriait à pleine dent et Ginger riait.
« Je vais aller me coucher maintenant. Il faut des forces pour tout nettoyer demain ! Bonne nuit Ginger !
- Bonne nuit Roula. »
La jeune gnome se leva d'un bond et sautilla joyeusement vers la porte avant de sortir de l'auberge.
« Je vais fermer l'auberge, dit l'aubergiste qui venait d'entrer dans la salle. Je vous laisse le feu si vous voulez encore en profiter.
- Merci mais je vais aller me coucher aussi. Elle dort toute seule la petite ?
- Oui elle préfère. je lui ai aménagé toute l'annexe pour elle toute seule. Elle est bien là bas.
- Vous n'avez pas peur qu'il lui arrive quelque chose ?
- Oh non. Elle s'enferme dans la maison et de toute façon c'est elle qui m'a demandé si elle pouvait être toute seule. En plus j'ai l'impression que les animaux de la forêt rôdent autour et la protège. Je pense pas qu'il laisseront quoi que ce soit lui arriver. Même si elle veut pas les voir, ils veillent. Enfin ! Je vais me coucher. Fermez bien votre porte à clé, il y a des gens bizarre si vous voyez ce que je veux dire. »
Elle remonta les escaliers. Ginger voyait très bien ce qu'elle voulait dire. Lorsqu'elle fut dans sa chambre, elle prit soin de verrouiller la porte à double tour avant de se coucher.
***
Les quatres amis étaient installés autour d'une table alors que le soleil commençait à peine à poindre. Eux mis à part, la salle commune était vide tandis que Roula et Mallataria était en cuisine. Ils avaient décidé de partir à la recherche des gnomes. C'était la piste la plus facile à suivre et puis il était fort possible que ce qui les avaient retenu s'en soit aussi prit à Haald et Sylfis. Les deux aubergistes ne tardèrent pas à apporter le petit déjeuner mentionné la veille par Roula : du pain, quelques pommes de terre, de l'eau chaude et des herbes, des restes de viande et des fruits.
« Vous avez bien dormi ? demanda l'aubergiste.
- Très bien oui, lui répondit Aldéir. Pas le moindre problème pendant la nuit.
- Ma foi tant mieux. Vous avez dû effrayer l'autre tieffelin, il a quitté l'auberge cette nuit.
- Ah ? réagit l'elfe, soupçonneux. Avez-vous déjà refait sa chambre ?
- Non pas encore, je comptais faire ça tout à l'heure. C'est pas comme si il y avait foule !
- Effectivement, plaisanta Aldéir l'air de rien, une idée derrière la tête. Dite moi, ces gnomes que vous attendez, que vous devaient ils vous apporter ?
- De la tourbe. Les clients aime bien quand je la fais brûler dans l'âtre et ça donne un petit goût à la viande.
- Et ils sont combien en général ? Ils un une roulotte ?
- Oula non rien de tout ça ! Ils viennent à quatre en général, avec un char à bras. La plupart du temps, je leur échange la tourbe contre de la nourriture.
- Je vois. Mes compagnons et moi allons partir à leur recherche. Ils auront peut-être vu nos amis dans la région. Auriez-vous l'obligeance d'indiquer la situation à Harald et Sylfis s'ils venaient à se présenter malgré tout ? Dites leur que nous sommes partis vers l'ouest vers le village gnome.
- Bien sûr. Merci de votre aide en tout cas. Vous voulez acheter des provisions ?
- Je vous prendrai une ration oui s'il vous plaît, répondit le rôdeur elfe.
- Oui moi aussi, rajouta Ginger.
- Très bien je vais vous préparer tout ça. Ça vous fera cinq pièce d'argent chacun pour la chambre et les repas et cinq pièces supplémentaires pour les rations. »
Après avoir récupéré l'argent, la tenancière passa derrière le comptoir et s'engouffra dans la cuisine.
« Ce tieffelin ne me dit rien qui vaille. Je vais aller voir un peu sa chambre. Je vous retrouve dehors.
- D'accord. Je récupérerai tes provisions lorsque l'aubergiste reviendra, lui répondit Pater. Sa chambre est la première sur la gauche en haut des escaliers. C'était la seule qui était éclairée quand je suis parti me coucher hier soir.
- Très bien. Merci. À tout de suite. »
Aldéir se leva souplement et monta les escaliers. La porte de la chambre n'était pas verrouillé. Aucun signe du passage du tieffelin si ce n'est un lit défait et quelques traces de boue et de terre à côté du lit. Aldéir les examina rapidement : il avait dû poser ses bottes ici. L'elfe s'approcha de la fenêtre, l'ouvrit et regarda à l'extérieur. Il ne distingua pas de traces particulières au sol : le tieffelin n'était probablement pas sorti par la fenêtre. Il décida qu'il s'en assurerait lorsqu'il serait dehors. Il sortit de la chambre en fermant derrière lui et retourna dans la salle commune où se trouvaient encore ses amis, prêt à partir. Roula et Mallataria leur remirent les rations qu'ils avaient acheté.
« Je n'ai pas mis de viande dans la tienne. J'ai vu que tu l'avais donné à ton ami hier, chuchota Roula en donnant le petit sac à Ginger.
- Merci beaucoup Roula. Tu es très observatrice ! Je ne mange pas d'animaux en effet.
- Parce que ce sont tes amis ?
- C'est ça, lui répondit Ginger en la gratifiant d'un grand sourire.
- Vous partez au village ?
- Oui, on va voir ce qui est arrivé aux gnomes que vous attendez, toi et Mallataria.
- Vous allez pas au lac alors ?
- Je ne pense pas, non pourquoi ?
- Tu devrais pas y aller. C'est dangereux. C'est là bas que … je me suis faite attaquer. Faut faire attention.
- Je ferai attention si j'y vais, ne t'inquiète pas. Sinon je ne pourrai jamais chanter tes aventures !
- Oui me voir nettoyer les grandes auberges de la ville !
- Aussi ! »
La petite Roula sourit une dernière fois à Ginger et s'éclipsa en cuisine. La barde se tourna vers l'aubergiste et lui demanda alors :
« Vous pouvez m'en dire plus sur ce Lac de Tourbe ? Roula à l'air d'en avoir vraiment peur.
- Ma foi j'ai pas grand chose à en dire, j'y suis jamais allé moi même. C'est un lac étrange qui se trouve après le village gnome, a l'ouest. Il est au milieu de la forêt et la plupart des gens l'évitent. Ya bien que les gnomes qui y vont pour récolter la tourbe et cueillir des plantes pour leurs herboristes. Il parait aussi que l'endroit est spécial pour eux, un truc en rapport à des objets mystiques ou précieux. Honnêtement j'en sais pas plus.
- Vous m'en avez déjà appris beaucoup, merci ! lui répondit Ginger. »
L'aubergiste souhaita bon voyage aux quatre jeune héros et retourna en cuisine.
« Il me semble avoir lu quelque chose à propos de cet endroit, glissa Pater à ses compagnons. Si je me souviens bien, ça parlait de douze stèles de pierres planté en cercle. Il y avait aussi quelque chose à propos d'un secret caché dans le lac ou pas très loin. Il me semble me souvenir que l'auteur était persuadé qu'en écrivant sur les stèles on pouvait accéder au secret.
- Écrire sur les stèles ? demanda Ginger avec intérêt
- Oui. Apparemment elles sont couvertes d'une tourbe spéciale. On peut y écrire des mots mais ceux-ci disparaissent au bout d'un certain temps.
- Ah oui je vois. Un peu comme si les stèles effaçaient les mauvaises réponses.
- C'est ça. En tout cas c'est ce dont je me souviens de ce vieux livre.
- J'imagine que l'auteur n'a pas réussi à trouver ce qu'il fallait écrire ? ironisa Ginger
- En tout cas s'il l'a trouvé, je ne m'en souviens pas.
- De toute façon, la priorité est de trouver ces gnomes. Et à moins qu'ils soient parti à l'opposé de là où ils devaient se rendre, ils ne devrait pas se trouver au Lac de Tourbe, intervint Akan.
- Tu n'est vraiment pas curieux pour un rôdeur ! s'écria Ginger en prenant un air faussement outré. »
Akan sourit à la jeune barde qui ne tarda pas à lui tirer la langue en retour. Le petit groupe sortit alors de l'auberge et s'engagea sur le sentier qui partait vers l'ouest, pénétrant dans l'étrange forêt.
***
Cela faisait presque une heure qu'il marchait dans la forêt et la progression devenait de plus en plus difficile. Au départ, le sentier serpentait parmi la luxuriante végétation qu'ils connaissaient et qui bordait le village de la caverne aux pierre gravés. Mais rapidement, les racines et les lianes s'étaient mués en ronces et avaient recouvert le sentier qui, bien que toujours présent, était presque impraticable. Les arbres s'étaient fait de plus en plus nombreux et étaient maintenant d'un brun très sombre, presque noir. Leur feuilles, qui avaient à présent un aspect ocre, étaient si nombreuses que le soleil brillait difficilement, plongeant le bois dans une demi-obscurité oppressante. Une mousse phosphorescente parsemait les troncs, dégageant une faible lumière verdâtre, presque jaune. L'air lui-même avait changé : il faisait chaud et lourd, comme si un orage se préparait. L'odeur de tourbe ne cessait de s'accentuer, devenant de plus en plus forte à chaque pas, entêtante et âcre.
Ginger, qui observait l'étrange végétation, remarqua bientôt des morceau de bois qui dépassait à quelques mètres du chemin. Elle indiqua l'endroit à ses compagnons puis, doucement, ils s'en approchèrent. La scène était macabre.
Le sol était gorgé de sang. Des cadavres de gnomes à moitié déchiqueté gisaient négligemment dans la boue au côté d'une charrette brisée. Aldéir et Akan avait dégainé leurs armes et examinait le sol avec attention.
Le chariot avait visiblement été pillé. Des morceaux de pain et de viande, à moitié dévoré jonchaient le sol. Aldéir ne savait que trop bien ce que cela signifiait. Avant même d'avoir étudié les empreintes, ses yeux s'étaient emplis de haine : des gnolls. Son examen confirma ses soupçons. Un groupe d'environ six gnolls avaient attaqués les gnomes. Ils étaient accompagné d'au moins une douzaine de hyènes. Les marchands avaient combattu mais n'avaient eu aucune chance de l'emporter. Aldéir remarqua deux jeux d'empreintes particulières. Elles ressemblaient beaucoup à des traces de hyènes mais devaient appartenir à des créatures d'au moins cent kilos, voire cent-vingt. La piste s'éloignait ensuite vers l'ouest. Akan, quant à lui, observait les cadavres. Les corps présentaient de nombreuses traces de blessures : des morsure, des griffures, des perforation … Certaine marques indiquait même des mutilations post-mortem. C'était une véritable boucherie. En se penchant sur le dernier corps, le drakéide remarqua les traces de nombreuses blessures superficielles. Il avait été torturé. Alors qu'il soulevait délicatement le corps pour inspecter une longue estafilade, Akan découvrit une unique trace de botte que dissimulait le cadavre. La boue était à peine marqué mais Akan était catégorique : un être au pas léger avait laissé cette empreinte. Et ce n'était certainement pas un gnoll. Aucune autre trace de la sorte n'était visible à proximité. Aldéir et Akan estimaient tous deux que le massacre remontait à au moins deux jours. Alors que les rôdeurs, aidés par le druide, donnait une sépulture rapide aux morts, Ginger s'était approché d'une petit écureuil.
« Bonjour ! Tu as vu ce qui s'est passé ?
- Un combat. Les amis contre des prédateurs et des prédateur sur deux pattes.. Je me suis caché.
- Et tu as vu ce qui est arrivé à cet ami ? demanda Ginger en montrant le corps du gnome torturé.
- Une ombre le faisait crier. Il avait mal. Elle posait des questions.
- Tu as vu à quoi ressemblait l'ombre ?
- Non j'étais caché. J'avais trop peur.
- Et tu as entendu les question ?
- Trop compliqué, je ne comprenais pas. Mais j'ai entendu les réponses de l'ami.
- Ah ? Et c'était quoi ?
- Il disait ça. Le mot dans sa langue pour ça. »
Le petit écureuil dégagea quatre glands de sous un arbre.
« Quatre ? demanda Ginger, faisant mine de compter ses doigts.
- Oui c'est ça.
- Et ensuite que s'est-il passé ?
- L'ombre est parti avec les deux plus gros prédateurs vers le nid des amis. Les autres prédateurs et le prédateurs sur deux pattes sont resté et ont tout détruit. Puis eux aussi ils sont parti vers le nid des amis.
- Tu sais si d'autres animaux ont vu l'ombre ?
- Je ne sais pas.
- Merci ami de la forêt.
- Je vais veiller sur les amis. »
Le petit écureuil vint se poster à côté d'un des corps tout juste recouvert. Aldéir, à la recherche de pierre pour les sépultures, tomba sur un petit pot en terre cuite intact, L'étiquette indiquait, en nain, « BAUME DE KEOGHTOM». Il connaissait bien ce produit. Il avait de nombreuses qualités curatives et aidaient la cicatrisation des plaies. Il le rangea dans son sac.
Les rôdeurs firent part de leur découverte au druide et à la barde. Celle-ci leur rapporta sa conversation avec l'écureuil.
« Le nid des amis doit être le nom que donne l'écureuil au village des gnomes. Nous devons nous y rendre au plus vite, dit Aldéir.
- Je suis d'accord, répondit Akan. Tout cela ne présage rien de bon. Je crains qu'il soit déjà trop tard. »
Les quatre héros s'élancèrent vers l'ouest, en direction du village gnome, leurs armes en main.
***
Après une heure de marche, Ginger leur intima l'ordre de s'arrêter.
« On ne doit plus être loin maintenant.
- Je ne vois rien, répondit Akan.
- Je sais mais les villages gnomes sont souvent cachés derrière des illusions. La distance depuis l'auberge correspond. Observez attentivement autour de vous, si vous arrivez à remarquer quelque chose qui vous semble étrange, on devrait pouvoir dissiper l'illusion. »
Les quatres héros se mirent au travail. Akan et Aldéir observait le sol, cherchant des empreintes : si un village se trouvait à proximité, il ne manquerait pas de remarquer des traces de passage. Ginger observait la végétation, à la recherche de motifs redondants. Pater lui se transformait en panthère. À peine eut-il terminé sa métamorphose qu'il poussa un feulement sourd. L'air se troubla un instant autour du petit groupe puis le paysage morne et maladif de la forêt laissa place à une tout autre scène.
Ils se trouvaient déjà dans le village gnome. Les terriers gnomes étaient éventrés, les quelques constructions en tourbe séchée avaient été saccagées. Ils prirent conscience qu'ils foulaient une terre ensanglantée et jonché de cadavres : des gnomes, des gnolls et des hyènes. Un rire désagréable parvint à leur oreilles, provenant de quelque part sur leur gauche. Ils firent volte face comme un seul homme et se retrouvèrent face à face avec deux hyènes qui se détournaient d'un terrier en retroussant les babines, à une dizaine de mètres. Ils n'avaient jamais vu de telles monstres. D'une envergure de plus de deux mètres, leur poil d'un vert sale taché de sang séché étaient hérissé d'une sorte de crête plus foncé. Leurs yeux jaunes haineux étaient fixés sur le groupe d'aventurier tandis qu'un filet de bave suintaient entre leur crocs découverts. En moins d'une seconde, elles se ruaient sur les jeunes aventuriers.
Pater fut le premier à réagir. Il prit appui sur ses puissantes pattes de panthères et bondit avec force en direction de l'un des deux monstre. Celle-ci fit volte face juste à temps pour éviter le choc mais ne put esquiver le violent coup de griffe de la panthère. Folle de douleur, elle se jeta sur Pater. Sa mâchoire se referma avec force sur le cou du fauve qui disparut presque instantanément, le druide reprenant sa forme de tieffelin apparemment indemne.
Pendant ce temps, Ginger avait sortit sa flûte de pan et avait entamé un air doux chargé de pouvoir. La seconde hyène ignora complètement la berceuse de la barde et se rua sur Akan qui esquiva souplement le monstre. Il échangea un regard entendu avec Aldéir qui, comprenant le message, focalisa toute son attention sur l’autre hyène, toujours au prise avec Pater. Akan fit face à son adversaire et focalisa toute sa concentration sur la hyène. Il l'avait marqué. Il avança d'un pas assuré vers le monstre et, une épée dans chaque main, lui porta deux coups rapide. Elle ne parvint à en éviter qu'un seul. Aldéir, qui avait lui aussi marqué sa cible à la manière des rôdeurs encocha une flèche et tira. Son trait fila à toute vitesse et atteint le monstre au flanc, pénétrant profondément ses chair sans ressortir. La hyène poussa un hoquet de douleur et de surprise qui dessina un sourire sur le visage de l'elfe. Le jeune druide, profitant de l'inattention de son adversaire, se redressa et se remit en garde. Malheureusement, celle-ci n'en avait pas fini avec lui. Ignorant l'elfe qui préparait déjà une deuxième flèche, elle dévia le bâton de Pater d'une ruée et lui infligea une vilaine morsure sur la jambe. La blessure saignait abondamment mais le tieffelin tenait bon. Ginger prononça quelques mots de pouvoir et se cacha dans les buissons à proximité. Sur la jambe de Pater, les chairs se rapprochaient rapidement et bientôt, il ne resta qu'une fine cicatrice. Celui-ci rejeta la tête en arrière et poussa un cri féroce qui se mua rapidement en un grondement sourd à mesure que son corps prenait l'apparence d'un ours noir de près de trois-cent kilos. Ginger entama alors une ode guerrière, vantant les exploits d'un ancien guerrier berserker qui terrassait ses ennemis avec la férocité d'un ours. Pater, exalté par le récit de Ginger, se dressa sur ses patte arrières et donna un violent coup de griffe à son adversaire, qui recula sous la violence du choc. Il se laissa ensuite tomber sur elle et la gratifia d'une profonde morsure au cou qui la fit geindre de douleur. La mélodie de Ginger changea : le rythme ralentit et elle arrêta de chanter pour fredonner. Les accords se firent plus doux et bientôt, la hyène chancela, frappée d'une vague de fatigue irrépressible. Elle s'effondra, endormi. Pater lui arracha alors la moitié du cou d'un violent coup de dent.
Pendant ce temps, la danse d'Akan et de la hyène continuait. Alors qu'elle tentait de le mordre, il esquiva coup d'un bond et se campa sur ses jambes. Il ouvrit la bouche et souffla avec force : un éclair bleuté jaillit de sa gorge et vint frapper son adversaire en plein poitrine. Une odeur de chair et de fourrure brûlée s'éleva dans l'air, s'ajoutant à la désagréable et écœurante odeur de tourbe de la forêt. Aldéir, qui avait rangé son arc, s'approcha de la hyène et lui planta ses deux lames dans le flanc gauche. Rendu frénétique par la douleur, celle-ci se jeta sur Akan qui, d'une concentration sans faille, la repoussa d'un coup de pied. Pater, sous sa forme d'ours, se rua sur la hyène et lui arracha la tête d'un coup de griffe.
Alors que le corps de celle-ci touchait terre, les quatres aventuriers entendirent du bruit provenant du terrier que fouillaient les hyènes. Un homme s'en extirpa difficilement, agitant une branche devant lui comme s'il s'agissait d'une épée. Dès qu'il ouvrit la bouche, ils le reconnurent : C'était Harald. Il était sale, effrayé, et couvert de sang mais ne semblait pas souffrir de grave blessures.
« Par les dieux ! J'ai bien cru que c'était la fin. J'ai essayé de les protéger mais je n'ai rien pu faire. Je n'ai pu en sauver qu'une. Une seule ! Grands dieux, c'est atroce. Quel horreur. D'abord le village et maintenant ici. Je n'ai rien pu faire … »
Il était visiblement en état de choc et continuait de s'agiter en pleurant.
Ginger se rua sur le terrier et parvint à extirper la survivante mentionné par Harald, presque entièrement ensevelie.
C'était une jeune gnome qui n'avait pas dix ans. Elle était terrorisée mais semblait relativement indemne : Harald, qui avait fait barrage de son corps, lui avait épargné les coups de pattes hargneux des hyène géantes.
« Comment t'appelles-tu petite ? demanda Ginger doucement. Tout va bien, c'est fini. Tu es en sécurité maintenant.
- Je … Sabis. Je m'appelle Sabis. Je ... »
Elle éclata en sanglot dans les bras de Ginger qui la serra dans ses bras en lui caressant les cheveux. Akan se tourna vers Harlad et lui demanda :
« Où est Sylfis ?
- Il est … Oh mon dieux quel massacre. Je n'ai rien pu faire …
- Harald reprend toi ! l'interrompit Akan d'un ton autoritaire. Où est Sylfis et que s'est-il passé ?
- Il est parti avec la druide Meinora, vers le lac. Ils devaient protéger quelque chose je crois. Mais vous, que faites vous ici ?
- Quand nous sommes arrivés à l'auberge et que vous n'y étiez pas, la tenancière nous a parlé d'une livraison qui n'était jamais arrivé, raconta Ginger à toute vitesse. On a retrouvé les gnomes massacrés pas très loin d'ici. Apparemment, ils auraient été attaqué par des gnolls et des hyènes. Une sorte d'ombre en aurait même torturé à mort pour lui extirper des informations. La seule chose qu'on sait c'est que quand le pauvre gnome lui a dit "quatre" , il s'est mis en route vers le village. C'est pour ça qu'on s'est empressé de venir ici.
- Le chiffre quatre ? demanda Sabis d'une petite voix
- Oui exactement. Tu sais ce que ça veut dire ?
- Ça a un rapport avec les stèles du Lac de Tourbe. Les anciens du village et Meinora en savent plus mais … ils sont tous mort maintenant. »
La petite sanglotait doucement.
« Tu es encore en vie toi et c'est ce qui compte. Calme toi maintenant, tout va bien, la réconforta Ginger. Tu ne sais rien de plus sur ces stèles ?
- Je suis trop petite, je connais pas les secrets du village. Mais une fois j'ai entendu mon papa en parler. C'était un des anciens.
- Qu'as tu entendu ? Tous les détails peuvent être utile, continua Ginger tendrement. »
Sabis attrapa un bout de bois et commença à tracer des runes dans le sol. En quelques secondes, elle avait écrit trois chiffres dans la terre meuble : vingt, cent et dix.
« Ils parlaient de quatre nombre et s'entraînait à les écrire, exactement comme ça. Le dernier doit surement être le chiffre quatre. Mais je sais pas à quoi ils servent.
- Ne t'inquiète pas, tu as déjà été très utile, lui assura Ginger.
- Je crois que je l'ai vu aussi moi cette ombre, articula difficilement Harald qui commençait à se calmer. »
Akan planta son regard sombre dans celui du vieux marchand et lui dit calmement :
«Harald. Raconte nous exactement ce qui est arrivé maintenant. Ne laisse rien de côté.
- D'accord. Sylfis et moi, on était sur la route tranquillement quand on a croisé Meinora, la druide qui était au village pendant la veillée. Elle nous a invité à venir avec elle dans son village pour y prendre un repas. Sylfis voulait pas mais elle a insisté, d'après elle vous n'alliez pas vous mettre en route avant quelques jours. On a finalement décidé de la suivre et on a passé une super soirée avec les gnomes du village. Le lendemain matin, les guetteurs ont réveillé tout le monde. Ils étaient inquiet parce que des gnolls et des hyènes s'approchaient du village, comme si ils le cherchaient. Ils ont fini par le trouver et ça a commencer à se battre dans tous les sens. Sylfis lançait des éclairs et j'ai même cru à un moment qu'il y avait trois Sylfis ! Il y a eu un conseil de guerre rapide et les anciens ont décidé avec Meinora et Sylfis d'envoyer un groupe de guerrier vers le lac pour les éloigner du village au plus vite. Sylfis et Meinora ont pris la tête du groupe et sont parti. Au début j'ai cru qu'on était sauvé, tous les gnolls sont tombés dans le piège et les ont pris en chasse. Mais un deuxième groupe est arrivé et s'est attaqué au village. Ils ont même pas essayé de suivre les autres gnolls, c'était comme s'ils voulaient juste … tout détruire. C'est là que j'ai vu l'ombre arriver avec ses deux hyène géante. Je me suis caché avec Sabis quand j'ai compris qu'on avait aucune chance.
- C'était quand tout ça ? demanda Akan
- Ils ont attaqué hier. »
Pendant qu'Akan et Harald discutait, Aldéir observait les traces du massacre. Il n'y avait pas le moindre survivant. Les richesses avaient été pillé, les habitations détruites. Les corps étaient déchiqueté pour la plupart et certain présentaient des traces de torture. En observant de plus près, Aldéir remarqua que certaines des plaies superficielles qui avaient été infligés pour faire mal présentaient des traces de brûlure chimique, comme si on avait appliqué de l'acide sur la chair. Les gnolls et les hyènes avaient été tué par des gnomes armés de lames et d'arc mais certaines semblait avoir été achevée par la forêt elle même : des ronces étaient entortillés autour de cadavres de hyènes, des racines recouvraient des gnolls à l'expression terrifié.
«Harald ! s'écria-t-il. Ce gnoll là était du premier ou du deuxième groupe ?
- Le premier sans aucun doute.
- Et lui était du second n'est ce pas ? Lui aussi ?
- Oui il me semble, répondit le marchand en fouillant ses souvenirs.
- Tu as découvert quelque chose demanda Akan à l'autre rôdeur ?
- Regarde bien ces cadavres. Ils ne portent pas les mêmes peintures de guerre et même leur vêtements sont différent. Et je suis sûr d'une chose : le deuxième groupe, celui qui a mis à sac le village. Ce sont les mêmes gnolls que ceux qui ont attaqué et fuit la caverne. »
L'elfe avait raison. Les différences étaient indéniables. Tous les gnolls qui gisaient autour d'eux n'appartenait pas au même détachement. Peut-être même pas à la même tribu. L'idée que des tribus de gnolls travaillent ensemble faisait froid dans le dos. Akan fit un tour rapide des terriers et des maisons en tourbe. Il mit la main sur une potion de soin dans la hutte de ce qui devait sûrement être l'herboriste du village. Tout le reste avait été pillé ou détruit pendant l'attaque. Aldéir prit la parole d'une voix qui ne souffrait aucune contradiction :
« Nous allons nous rendre au Lac de Tourbe. Harald, emmène la petite à l'auberge. Le chemin devrait être sûr. Faites vous discret au cas où. On vous rejoint avec les survivants qu'on pourra ramener.
- C'est d'accord. Bonne chance et à tout à l'heure alors ! »
Harald, qui ne sonnait pas aussi confiant qu'il l'aurait aimé, prit Sabis par la main. Il se mirent en route sans plus tarder. Aldéir se munit de son arc, imité par Akan tandis que Ginger s'approchait. Pater, toujours sous sa forme d'ours, leur emboîta le pas en direction du Lac de Tourbe.
***
Le petit groupe progressait lentement vers l'ouest, privilégiant la discrétion et la vigilance à la précipitation. Malgré la végétation dense et inhospitalière, il leur était facile de s'orienter : il leur suffisait de suivre la piste de cadavres qui parsemaient le sentier. Les corps de gnolls, gnomes et hyènes abondaient. Contre toute attente, la plupart ne semblait pas avoir pris part à un combat : la nature avait eut raison d'eux. Gnomes et monstres sans distinction étaient tombés sous les assauts des ronces, racines et lianes de cette lugubre forêt. Il ne leur fallut pas longtemps pour atteindre le Lac de Tourbe.
La forêt était si dense à présent que la lumière ne filtrait presque plus à travers les feuilles. Seul la mousse phosphorescente éclairait l'endroit d'une faible clarté jaunâtre et maladive. Devant eux se trouvaient une large étendue boueuse dont la surface était agitée : sous l'action de gaz souterrains, de larges bulles déformaient la couche de tourbe avant d'éclater dans un bruit sec qui troublait l'étouffante quiétude de l'endroit. La végétation elle même avait changé, rajoutant à l'étrangeté de la scène : les arbres était très large et l'aspect ovoïde de leurs tronc les faisait ressembler à de gigantesque œufs de bois couverts de mousses et de feuille.
Les rôdeurs fouillèrent la zone prudemment et découvrirent deux corps à la limite de l'inconscience, à demi noyé dans la tourbe. Il ne leurs fallut que peu de temps pour les sortir de l'épaisse étendue boueuse. Il s'agissait de Sylfis et Meinora, tous deux agonisant. La couleur de leur peau tiraient vers le jaune et ils avaient des difficulté à respirer. Sylfis était grièvement blessé. Aldéir tira le baume de keoghtom de sa ceinture et en appliqua une bonne dose sur le visage des deux blessés. Le produit pénétra rapidement leur peau et une douce lueur illumina leur visage. Quelques instants après, leur corps furent agités de violents sursauts et ils recrachèrent tous deux une espèce de boule noire. Le parasite ressemblait à un ver noir qui suintait un étrange liquide épais et sombre. Après quelques secondes, les deux vers disparurent sans bruit, se désintégrant en une myriade de particules noires qui finirent par se dissiper dans l'air. Déjà, Meinora et Sylfis reprenaient des couleurs et la gnome ouvrait des yeux chargés de pus.
« Vous allez bien ? demanda Aldéir toujours inquiet mais soulagé
- Je ne vois rien mais je sens déjà mes forces me revenir, répondit la jeune druide faiblement. Le village ?
- Il a été détruit par un autre groupe de gnolls. Seul Harald et la petite Sabis ont survécut au massacre, répondit Ginger avec tristesse.
- Quelle horreur ! Ces chiens sont venus pour la pierre.
- De quelle pierre parlez-vous, demanda Aldéir.
- Un trésor millénaire qui est cachée près du lac. Étant druide, j'ai quitté le village avant de m'initier vraiment au secret de la pierre mais je sais que le village avait pour mission de protéger la pierre. Le sage du village m'a enseigné les quatre chiffres mais seul lui sait comment les utiliser pour ouvrir la cache. Cette saleté de Tieffelin à peut-être déjà réussi à s'emparer de la pierre à l'heure qu'il est.
- Un Tieffelin ? réagit Aldéir
- Oui. Un adversaire redoutable, ajouta-t-elle en serrant les dent. Et vicieux. Je ne sais pas si ses lames sont magique où si il les enduit de poison mais la moindre éraflure provoque ces horribles brûlures. »
Elle montrait des entailles sur ses jambes. Aldéir reconnu immédiatement les brûlures chimique qu'il avait remarqué sur les gnomes du village.
« Vous savez où sont les stèles ? demanda Akan
- On peut les voir d'ici. Elles sont juste là bas, répondit-elle en désignant l'ouest avec un bras. Je vais veiller sur Sylfis. On vous attend ici. »
Ils pouvaient effectivement voir les stèles de là où ils se trouvaient. Ils s'en approchèrent sur leurs gardes.
Douze stèles formaient une sorte de cercle autour d'une mare verdâtre, boueuse qui luisait en clapotant. Elles étaient parfaitement identique et recouverte d'un mélange de fange et de sang. Le reste des cadavres du détachement gnome et de leurs poursuivant était éparpillé à proximité. Ginger s'approcha et écrit son nom sur l'un des monolithes. Après une trentaine de secondes, la couche de boue s'agita pour reprendre son aspect uniforme initiale, faisant disparaître les caractères tracés par Ginger, exactement comme le leur avait décrit Pater.
« Bon. On a douze stèles et quatre chiffres. On peut essayer de les écrire une stèle sur trois non ? » réfléchit Ginger à haute voix. Joignant le geste à la parole, elle mit son plan à exécution. Les stèles reprirent leur aspect premier mais rien ne se passa.
Ils passèrent beaucoup de temps à essayer de résoudre cette étrange énigme. Ce fut Pater qui trouva la solution : il remarqua que les chiffres qu'ils avaient en leur possession pouvaient être associés les un avec les autres pour en former de nouveau. Il commencèrent alors à dénombrer les différentes possibilités :
« Bon, expliqua Pater, partons du principe qu'on ne peut pas utiliser les chiffres seuls. Nous avons donc "quatre", "vingt", "dix" et "cent". On peut écrire vingt-quatre par exemple. Et quatre-vingt aussi.
- Sans oublier quatre-vingt-quatre, ajouta Aldéir qui venait de comprendre l'idée du druide.
- Et cent alors ? s'exclama Ginger. On peut le rajouter partout pour faire cent-quatre ou cent-quatre-vingt-dix.
- Soyons méthodique, intervint Akan. Prenons chacun des quatre chiffres comme bas et voyons ce qu'on peut construire »
Après quelques minutes de délibérations et d'essais, il parvinrent à former douze nombres distincts : vingt-quatre, quatre-vingt, quatre-vingt-dix, cent-quatre, cent-dix, cent-vingt, cent-vingt-quatre, cent-quatre-vingt, cent-quatre-vingt-dix, quatre-cent, quatre-cent-dix et quatre-cent-vingt. Ginger et Aldéir était les seul à savoir écrire avec l'alphabet runique nain qu'utilisait aussi les gnomes. Aussi, ils se répartirent les nombre entre eux et s'empressèrent de les tracer sur les stèles boueuse. L'espace d'un instant, ils crurent s'être une fois de plus trompé mais un brusque mouvement à la surface de la vase leur indiqua le contraire.
Les six créatures qui venaient de surgir ressemblaient à des petits diablotin, aussi haut que des gnome, dont les corps de boue jusque là immobiles les avaient parfaitement dissimulé à la vue des quatre héros. En poussant des glapissements aiguës, les six méphites se jetèrent sur eux. Pater, toujours sous sa forme d'ours, se trouva bientôt aux prises avec deux de ces créatures. Il rugit avec force et se dressa sur ses pattes arrières en frappant l'un des diablotins au flanc avant de lui planter ses crocs dans l'épaule. Le méphite en profita pour lui donner un coup de poing étonnamment violent qui atteignit l'ours à la mâchoire. Le second diablotin frappa Pater dans le dos. Le druide accentua la pression de sa mâchoire sur son adversaire et lui brisa la nuque. Il eut juste le temps de le recracher avant que celui-ci n'explose au loin en une gerbe de boue. Il se tourna vers le second méphite en découvrant ses crocs dans une parodie de sourire. Il dégageait une douce lumière verte qui faisait disparaître les quelques ecchymoses laissées par les coups de ses adversaires. Pendant ce temps, l'un des méphites s'était rué sur Ginger, lui portant un violent crochet à l'estomac. Elle commença à chanter une berceuse, mais, voyant que la créature résistait à son charme, sortit sa dague et la planta entre les côtes du diablotin. Akan esquivait sans mal les attaques du méphite qui tentait de le frapper. Il avait dégainé ses deux épées et faisait pleuvoir sur la créature un déluge de coup. Lorsqu'elle parvenait à en esquiver une, la seconde lame lui entamait les chairs. Du coin de l’œil, il vit Ginger essuyer une seconde attaque de la part de son assaillant qui la fit chanceler. Un filet de sang coulait de sa lèvre inférieur et elle avait du mal à tenir debout. Il sortit la potion de soin qu'il avait récupéré au village et la lança à Ginger en criant son nom. Son adversaire en profita pour le frapper au flanc. La gnome se retourna juste à temps pour attraper la fiole de la mian gauche tout en plantant sa dague une nouvelle fois dans le buste du méphite qui l'assaillait. Elle fit sauter le bouchon avec son pouce et vida la fiole d'un trait. Déjà sa lèvre tuméfiée se refermait et elle se redressait. Non loin d'elle, Aldéir était au prises avec deux autres méphites qui virevoltaient autour de lui en essayant de le frapper avec leur poings mais son agilité elfique lui permettait d'éviter la plupart des coups. Il invoqua des capacités de rôdeur pour marquer un de ses adversaires et se concentra sur lui. La lame qu'il avait dans sa main droite s'illumina alors d'une vive lueur tandis que les flammes vertes de sa famille la parcouraient. À chacun de ses coups sur le premier méphite, le second reculait en glapissant, le corps brûlé par des flammes que projetaient sa lame. Il ne lui fallut que quelques instants pour pourfendre son premier adversaire et esquiver l'explosion de boue qui en résulta. Il encaissa un coup de poing au menton et riposta en plantant ses deux lames au travers du corps de diablotin. Il les retira prestement, évita l'ultime crochet du méphite et planta son épée enflammée à travers le crâne de la créature qui explosa. Mais l'elfe était déjà loin. Il avait bondit vers Ginger et avait planté sa seconde lame dans la jambe de son adversaire qui glapit de douleur. L'ours encaissait les coups de son adversaire sans broncher. Il lui donna un coup de patte, puis un deuxième et parvint finalement à le mordre au visage. Le méphite explosa, inondant Pater d'une couche de boue si épaisse qu'il eut du mal à se dégager. Lorsqu'il parvint finalement à s'ébrouer, le combat était terminé. Akan avait achevé son adversaire, esquivé l'explosion de boue rué au secours de Ginger en plantant son glaive en plein milieu de la poitrine du dernier méphite. Aldéir l'acheva d'un habile coup d'épée qui l'envoya exploser dans les aires à un mètre au dessus des jeunes aventuriers.
Alors qu'ils combattaient, une dalle avaient émergé de la mare fangeuse. Sur celle-ci se trouvait le corps d'un très vieux gnome portant une belle cape verte aux revers marron brodée de runes d'or. Sa main reposait sur un étrange bâton doré dont l'aspect rappelait celui d'un totem : une dizaine de gnome étaient sculpté les uns au dessus les autres pour finir sur la représentation d'un très vieux gnome avec une barbe qui semblait pensif.
En s'approchant, ils découvrirent que celui qui devait être le sage dont parlait Meinora était étendu sur une cavité taillé dans la dalle. Elle était vide.
Aldéir souleva doucement le corps du sage tandis que Ginger ramassait le bâton et ils retournèrent trouver Meinora et Sylfis. Le clerc avait repris conscience mais avait du mal à marcher. Soutenu par Akan, celui-ci réussit à se mettre debout et c’est tous les six qu'ils prirent la route de l'auberge où devaient les attendre Harald et Sabis. Lorsqu'il passèrent au travers du village gnome, Meinora ne put retenir quelques larmes à la vue du massacre perpétré par les gnolls. Déjà, la nature reprenait ses droits, recouvrant les vestiges des terriers et les cadavres de racines et de ronces. D'ici quelques jours, le village qu'elle avait connu et dans lequel elle avait de si bon souvenir aurait disparu sous la sombre végétation de la forêt. Ils donnèrent une rapide sépulture au sage gnome, et se remirent en route vers l'auberge.
***
C'est avec un soupir de soulagement qu'ils quittèrent la menaçante forêt pour pénétrer dans la douce chaleur de l'auberge. À peine eurent ils poussé la porte que Mallataria se porta à leur rencontre et prit sur elle de s'occuper de Sylfis et de Meinora. Dans le fond de la salle, Harald et la jeune Sabis étaient assis devant la cheminée. La petite s'était endormi sur son épaule. Roula ne tarda pas à les installer à table et à leur apporter de quoi manger. Une joli femme s'approcha, prit un tabouret, et s'installa à leur table. C'était une grande demi-elfe dont la peau semblait aussi lisse que du satin. Elle portait d'étranges vêtements aux couleurs criardes qui n'était visiblement pas pensé pour l'aventure : une tunique verte lui moulait la poitrine mais était bouffante aux épaules et aux coudes. Ses bas blanc, agrémentées de petite clochettes qui carillonnaient joyeusement à chacun des ses mouvements, laissait le haut de ses cuisse visible. Deux longues bottes rouges à talons complétait son étrange accoutrement. Ses long cheveux noirs étaient coiffés vers le haut et se terminait en une longue queue de cheval dont certaine mèches était tressé. Elle se présenta d'une voix clair, presque chantante :
« Salutation voyageurs. Je me nomme Leona. Je n'ai pu m'empêcher de remarquer que vos amis étaient dans un bien piètre état lorsque vous avez passé la porte. Comme vous l'aurez surement compris, je suis barde et je me demandais ce qui vous était arrivé.
- Enchanté ! Moi c'est Ginger, je suis barde aussi. Laisse moi te conter notre aventure. »
Ginger commença alors son récit. Elle raconta l'attaque de la caverne aux pierres gravées par les gnolls et la mort de Loup-Vert. Elle continua avec notre voyage vers l'auberge en passant rapidement sur les détails de l'initiation de Pater. Elle narra ensuite la découverte des marchands gnomes puis du village. Enfin, elle détailla les évènements du Lac de Tourbe. Tout au long de son récit, la demi-elfe semblait captivé et demandait des précisions visiblement très intéressée par le passage sur le Lac de Tourbe. Lorsque Ginger eut terminé, Leona s'exclama :
« Ce que vous me racontez est vraiment terrible mais aussi remarquable d'un certain point de vue. Ne vous méprenez pas sur mes propos : le sort réservé à ces pauvres gnomes est plus qu'atroce. C'est juste que votre récit semble confirmer mes recherches dans la région. Voyez vous, je suis passionné d'histoire depuis toujours et j'ai depuis peu décidé de m'intéresser aux pierres élémentaires. Ce sont des artéfacts magiques que les maître des arcanes peuvent créer pour canaliser leurs pouvoirs sur certain éléments. J'ai découvert une ancienne prophétie qui porte le nom de "prophétie des quatre éléments et des quatre enfants" qui semble indiquer que des pierres semblable aient pu exister bien avant les travaux des mages, continua la barde d'un ton passionné. Cela m'a amené à supposer que les mages s'étaient en fait inspiré de quatre pierres, dont l'origine remonterait à des temps immémoriaux, et qui proviendraient de la nature elle même ! Voyez-vous même. »
Elle décrocha un rouleau de sa ceinture et le tendit à Ginger qui le parcourut avidement. Les phrases, tracées à l'encre d'une élégante écriture, rendaient compte des recherche de Leona :
« La gemme élémentaire de l'eau, créée par un ancien magicien elfe, et que j'ai eu la chance de voir lors d'une réception à la cour elfique, me paraît être une reproduction, par les Anciens, de celle liée à la prophétie des quatre éléments et des quatre enfants.
Ce qui est intéressant, c'est qu'il serait fort possible que les anciens maîtres des arcanes aient reproduit ce qu'il y avait de plus merveilleux dans la Nature dans leurs rituels majeurs de créations magique.
"L’eau, plus charismatique que le feu mais aussi destructrice. Telle une émeraude, elle peut être facettée, partir de quatre et travaillée dans la boue pour être transformée en douze facettes d’un vert scintillant."
Une bien étrange phrase, tirée de la prophétie des 4 éléments et des 4 enfants, qui a certainement beaucoup plus à nous apprendre que la simple relation entre les vivants et Le Vivant.
Et comme si personne ne l'avait remarqué avant moi, la fameuse gemme de la cour elfique était une émeraude verte. Et, d'après mes recherches, seule une émeraude verte peut être utilisée par les magiciens pour ce type de rituel de création d'objet qu'ils nomment "gemme des éléments de l'eau".
Ce n'est qu'une hypothèse, mais cela ajoute à ma théorie que la magie, telle qu'elle existe aujourd'hui, ne serait qu'une adaptation des Anciens à comprendre un pouvoir qui émanait de la terre elle-même.
Les parchemins historiques à propos du Lac de tourbe me font penser que cette strophe fasse allusion à une émeraude ayant été trouvée dans la région il y a bien longtemps. Je vais tenter de parler aux autochtones pour en savoir plus et faire avancer ma théorie et voir si des légendes locales peuvent s'y rattacher »
Lorsque Ginger eut terminé de lire, elle demanda à la demi-elfe, admirative :
« C'est passionnant. Vous avez mené ces recherches toute seule ?
- Tout à fait. Même si j'ai pu bénéficier de l'érudition de mes pairs ainsi que des nombreux ouvrages de notre bibliothèque, il est primordial pour nous que chacun entreprennent ses recherches seul. C'est ainsi que l'on peut apporter des connaissances au collège et faire progresser notre compréhension des choses.
- Le collège ?
- Oui le collège du savoir. C'est un regroupement de bardes du monde entier qui ont décidé de vouer leurs vies à la recherche du savoir et de la vérité. Vous n'en avez jamais entendu parler ?
- Je dois avouer que non.
- Et bien si vous souhaitez en apprendre plus, venez nous retrouvez à la cité des trois couronnes. Prenez ça, cette lettre contient tout ce qu'il vous faudra pour nous trouver. »
Alors qu'elle parlait, elle avait sorti une feuille de parchemin vierge de sa besace et avait entreprit de la couvrir de sa fine et agréable écriture. Elle la roula et la remit à Ginger qui la remercia et rangea le précieux rouleau. Leona se leva.
« Il me faut réfléchir à ce que vous m'avez raconté. J'ai des recherches à faire. Je serai dans ma chambre si vous avez besoin de moi.»
Elle commença à se diriger vers les escalier mais Akan l'interpella :
« Dame Leona ! Vous pourriez nous dire cette fameuse prophétie ?
- Bien sûr, voici les mots exacts. »
Elle s'éclaircit la gorge puis déclama d'une voix forte :
« Il y a une harmonie à trouver pour que la vie continue.
Et ceux qui l'auront compris auront un vrai pouvoir sur la Vie.
La Vie. Quatre éléments. Un tout.
Quatre éléments fondamentaux et qui survivront toujours, car la Vie gagne toujours.
L’air, précieux comme un saphir bleu passant entre les griffes des seconds nés de la montagne. S’il ne devait rester qu’un enfant, l’air sera son allié.
La terre, ce diamant qui s’oppose au soleil pour mieux refléter sa couleur. Même aride, même prisonnière, même si elle n’était visible qu’une journée, même prisonnier des racines, un enfant rescapé pourra toujours la fouler.
Le Feu, frère de la terre, minerai de sang, chaleur du soleil. Même s’il peut tuer, et couvrir de larme les roses de la terre, le feu réchaufferait un dernier enfant pour le protéger.
L’eau, plus charismatique que le feu mais aussi destructrice. Telle une émeraude, elle peut être facettée, partir de quatre et travaillée dans la boue pour être transformée en douze facettes d’un vert scintillant. Et par elle, un enfant restant pourra être sauvée.
Quatre enfants. Quatre éléments. Huit merveilles.
Ainsi continuera la Vie.
Quiconque le comprend et est en harmonie avec ces quatre éléments vivra éternellement.
Nous sommes tous des trésors.»
Une fois les derniers mots prononcés, elle s'inclina puis remonta vers sa chambre hâtivement.
Ginger prit alors la parole :
« Bon à première vue, il s'agit d'une simple fable qui fait l'apologie de la nature et de l'harmonie. Mais je suis d'accord avec Leona, trop d'éléments me font penser au lac de Tourbe. "Travaillée dans la boue", les nombres douze et quatre et l'enfant survivant ? Ça ne peut pas être une coïncidence.
- Je suis d'accord, opina Aldéir. Et puis il y a aussi la pierre de terre, le diamant, qui n'est visible qu'une journée. Et si il s'agissait d'une pierre cachée dans la caverne ? D'ailleurs, outre les deux enfants pétrifiés par la cockatrice, Elson est le seul enfant a avoir survécu à l'attaque.
- Si c'est le cas, l'attaque de la caverne par les gnolls n'était certainement pas une simple vengeance, remarqua Pater, lugubre. Si nous avons raison, les gnolls risque de perpétrer encore deux massacres dont seul deux enfants réchapperont.
- Un seul. Et ce ne sera peut-être pas de simple gnolls, articula Akan d'une voix sombre.
- Que veux-tu dire ? demanda Ginger
- Je pense que je suis l'un des enfants de la prophétie. Je ne vous ai pas beaucoup parlé de moi mais vous savez que je vivais dans les montagnes. Ce que vous ne savez probablement pas c'est que lorsque j'étais petit, ma tribu a été anéantie. Je suis le seul à avoir survécu à ma connaissance. Si les premiers nés de la montagnes sont les dragons comme le racontent les légendes, alors les second-nés …
- ... sont les drakéides, termina Pater incrédule. »
Akan acquiesça de la tête.
« Que voulais-tu dire lorsque tu disais que ce ne serait peut-être pas des gnolls, demanda Aldéir. Qu'est ce qui a attaqué ta tribu ?
- Le dragon Urikach. Le père de notre lignée et celui que nous honorions.»
Un long silence s'installa, finalement brisé par Ginger.
« Tu penses que ta tribu protégeait le saphir de l'air ?
- Je ne sais pas mais il serait stupide d'ignorer cette possibilité. Après tout je n'étais qu'un enfant. Il est tout à fait concevable que ma tribu ai possédé cette pierre sans que je m'en souvienne.
- Je suis d'accord, ajouta Aldéir. Il est donc possible que ces trois attaques aient été perpétré dans le seul but de s'emparer des pierres. Et cela dure depuis longtemps.
- Et si je devais deviner, je dirai que c'est Urikach qui tire les ficelles, reprit Akan sombrement. Tous les gnolls du monde n'aurait pas pu en venir à bout pour lui voler un tel trésor.
- Tout cela ne présage rien de bon, conclut Aldéir alors que Leona redescendait dans la salle commune et s'installait à une table en sirotant un verre de vin. »
La petite Sabis venait de se réveiller et avait remarqué le retour des quatres aventuriers. Elle s'approcha de la table et se jeta dans les bras de Ginger.
« Vous êtes revenu !
- Je t'avais bien dit qu'on te retrouverait ici avec Harald, lui répondit gentiment Ginger en la reposant par terre.
- C'est vrai. Tu sais j'ai bien réfléchi et je pense que je vais partir. Papa et Maman sont mort et tous ceux que je connaissais au village aussi. Je ne peux pas rester ici pour toujours.
- Mais ou vas-tu aller Sabis ? demanda Ginger
- Je ne sais pas encore mais c'est la seule chose que je puisse faire.
- Si tu veux je peux t'emmener avec moi à la Cité des Trois Couronnes, intervint Leona.
- La Cité des Trois Couronnes ? demanda Sabis d'une voix peu assurée
- Oui. C'est une très grande ville au nord d'ici. Elle est entourée de rempart et protégée par de vaillants chevaliers. Tu y sera en sécurité.
- Je peux te prendre avec moi aussi si tu préfères »
C'était Meinora qui avait parlé. Elle venait d'entrer dans la salle commune et bien qu'encore faible, elle semblait aller beaucoup mieux.
« Druide Meinora ! Vous êtes là ! s'écria Sabis, les larmes aux yeux. Je croyais qu'il ne restait plus que moi !
- Non Sabis, je suis encore là. Je pensais partir vers le village de la caverne au sud d'ici dès demain. Je peux te prendre avec moi si tu veux. Bien sûr, si tu préfères aller à la Cité avec Dame Leona, je respecterai ton choix mais je ne t'y accompagnerai pas. Je suis druide. Je ne me sens pas vraiment à ma place en ville. Même la verte Cité des 3 Couronnes ne pourrait remplacer les vastes étendues naturelles qui me sont chères.
- Je ne sais pas, répondit la petite. Et toi Ginger, tu en penses quoi ? »
Celle-ci échangea un regard avec ses compagnons et elle su quoi répondre.
« Je pense que tu devrais aller au village avec Meinora. Ce n'est pas une grande ville mais les gens que tu y trouveras comprendront ta peine car ils ont vécu la même chose. En plus, un de nos amis au grand coeur s'y trouve.
- D'accord. Et Meinora fait un peu partie du village, même si elle était souvent loin. C'est pas comme si je partais toute seule.
- Tu sera pas toute seule de toute façon ! s'exclama Roula. Mes parents ne viendront plus me voir maintenant. Ils pourront plus s'occuper de moi. Donc c'est moi qui vais m'occuper de toi maintenant. Moi aussi je vais partir et je veillerai sur toi ! Comme mes parents veillait sur moi avant ! Je te le promets ! »
La jeune serveuse avait un air décidé et Ginger comprit qu'il ne servirait à rien de discuter sa décision.
« J'imagine que ce voyage sera la première aventure de la grande Roula. » conclut joyeusement Ginger, dessinant un grand sourire sur le visage de Roula. Peu de temps après, tous allèrent se coucher, profitant d'une bonne nuit de sommeil bien méritée.
Le lendemain matin, l'ambiance était aux adieux. Ce fut Meinora, Sabis et Roula qui prirent la route les premiers. Avant de partir, Meinora s'approcha d'Aldéir et lui remit la cape que portait le sage gnome dont il avait ramené la dépouille jusqu'au village.
« Maintenant que le sage n'est plus, il me semble juste que l'un de vous récupère sa cape. Il n'en aura plus besoin et je sais qu'il aurait aimé qu'elle continue de servir. »
Aldéir la remercia chaleureusement en remarquant qu'elle s'appuyait sur le bâton orné du sage. Il était content qu'elle ai gardé le bâton : elle risquait d'en avoir besoin pour protéger Sabis.
Roula tira la manche de Ginger et lui chuchota doucement :
« Tu sais c'est un peu grâce à toi si j'ai le courage de partir de l'auberge. Du coup je voulais t'offrir ça. C'est un sac magique. À chaque fois que tu mettra la main dedans, tu trouvera un ami. Ils veillaient sur moi avant mais maintenant que je vais m'occuper de Sabis, j'ai plus besoin d'eux. Je préfère qu'ils veillent sur toi. »
Elle lui remit la petite sacoche grise qu'elle portait à la ceinture et la serra dans ses bras. Puis, elle alla embrasser Mallataria qui pleurait doucement.
« Tu fais attention ma petite, d'accord ? Et n'oublie pas de bien manger, c'est important d'accord ? Tiens prends ça. C'est à toi maintenant. Tu en auras plus besoin que moi. »
Elle lui tendit une grosse bourse tellement pleine de pièce qu'elle fermait difficilement. La petite Roula la remercia avec son éternel sourire et l'aubergiste la prit dans ses bras. Une fois les adieux terminés, ils s'éloignèrent vers le sud, laissant les quatre héros, Leona, Harald et Sylfis devant l'auberge, avec Mallataria qui tentait de sécher ses larmes.
Lorsque celle-ci se fut remis de ses émotions, elle demanda au groupe :
« Vous partez aussi ?
- Je le crains oui, répondit Leona. Je dois me rendre sans plus tarder à la Cité pour poursuivre mes recherches à la lumière des troublantes nouvelles qui m'ont été contées. Si vous souhaitez poursuivre votre quête, vous devriez m'y accompagner, continua la demi-elfe en s'adressant au groupe d'aventurier. La bibliothèque du collège est un bon point de départ pour vos recherche. Je vous présenterai aussi Xanaphia. C'est une sage elfe qui vit dans la région depuis plus de cinq siècles. Elle aura certainement des réponses à nous apporter. »
Après de courtes délibérations, la décision était prise. Quelques minutes plus tard, Ils marchaient en direction du nord et de la fameuse Cité des Trois Couronnes, laissant la petite auberge derrière eux. Mallataria rentra dans son établissement, seule.